Il y a de quoi relativiser « la victoire du Rassemblement national », mais aussi « le maintien de LREM » ou encore la « vague verte » en France, au soir des élections européennes. Les chiffres parlent d’eux mêmes :
71 % des personnes inscrites sur les listes électorales n’ont en effet voté ni pour le Rassemblement national, ni pour La République en marche (Renaissance), ni pour Europe Écologie les Verts (EELV). Il y a en effet 47 144 750 millions d’inscrits sur les listes électorales, dont 5,281 millions ayant apporté leur suffrage à la liste Jordan Bardella (RN), 5,076 à la liste Nathalie Loiseau (LREM-Renaissance) et 3,05 millions à la liste Yannick Jadot (EELV). 14 millions d’électeurs au total sur ces trois listes, pour 47 144 750 millions d’inscrits sur les listes électorales.
Si l’on ne s’en tient qu’au total des votants, blancs et nuls inclus (23 millions), les votes pour ces trois listes cumulées représentent à peine plus de 50 % (54 % exactement) des votants.
On est loin, pour chacune de ces listes, d’une grande victoire démocratique, et surtout, d’une représentativité massive dans l’opinion publique.
Il n’y a pas de vague verte en France
Visiblement dégoûtés par la victoire du Rassemblement national, les journalistes de la presse mainstream ont cherché à faire de ce dimanche 26 mai celui de l’énorme surprise qu’aurait constitué la troisième place, presque dix points derrière les deux premières listes tout de même, d’EELV. Pourtant, si l’on regarde de plus près, en 2014, avec une abstention nettement plus forte, EELV récoltait déjà 1,6 million de voix. La différence de 1,4 million de voix se situe notamment dans le basculement d’une partie des voix du PS (de 2,6 millions de votants à 1,4 million de votants, soit 1,2 million de voix dans la nature, 500 000 si on déduit également les 700 000 pour Benoît Hamon), dans la hausse de la participation qui a bénéficié à tous les partis proportionnellement, mais aussi dans un report d’une partie des voix des centristes (Modem) et de ceux qui avaient voté pour Nouvelle Donne en 2014. Il n’y a donc pas de progression extraordinaire en matière de terreau électoral pour une « vague verte ».
D’autant plus qu’il est très difficile de savoir si les électeurs qui ont voté pour la liste Jadot l’ont fait par adhésion au combat écologiste, ou par adhésion au combat pour les idées de révolution sociétale (défenses des LGBT, lutte antiraciste, société inclusive, thèses indigénistes…) que prônent Yannick Jadot et ses acolytes. On peut en effet parfaitement être contre le nucléaire, pour l’agriculture biologique, pour le localisme, et contre l’immigration et les frontières ouvertes, contre la déstructuration de la famille, par exemple.
Il n’y a pas de vague verte en France. Simplement une énorme campagne médiatique, y compris sur les réseaux sociaux, à propos du climat – qui a incité des jeunes à voter pour les candidats que le système leur désigne comme étant les défenseurs du climat (encore une fois, EELV s’investit sur beaucoup d’autres questions que celles du climat et ne bénéficie que d’une légitimité médiatique et technocratique à ce sujet), et un report des voix traditionnelles de la gauche. Cela n’enlève en rien les aspirations écologistes d’une partie croissante de la population…
Le Rassemblement national et le plafond de verre
Les leaders du Rassemblement national, et cela fait aussi partie du jeu électoral, du cirque de ces soirées électorales du dimanche où chacun fait le tour des plateaux TV pour dire la même chose, ne devraient peut-être pas crier victoire trop vite. Derrière certaines victoires se cachent en effet des lendemains, qui, possiblement, peuvent déchanter.
Entre 2014 et 2019, avec une participation en hausse, le RN passe de 4,7 à 5,2 millions de voix. 500 000 voix gagnées donc, prises majoritairement à la droite des Républicains (qui s’est effondrée totalement perdant 2 millions de voix entre les deux élections). Pas à Nicolas Dupont-Aignan qui fait le même score en nombre de voix qu’en 2004. En réalité, il semble que le RN ait gagné très peu de nouveaux électeurs depuis 2014.
Si l’on compare – même si on va nous dire « ce n’est pas comparable » – avec la présidentielle de 2017, Marine Le Pen récoltait sur son nom 7 millions de voix au premier tour, 10 millions au second. Un second tour à 74 % de votants, contre une élection européenne à 51 % de votants. Mais proportionnellement, 5,2 millions de voix à 51 % de votants cela donne 7,7 millions de voix à 74 % de votants. On reste donc, grosso modo, dans les mêmes fourchettes.
Le Rassemblement national semble donc atteindre un plafond de verre. Un plafond qui est loin, très loin, du seuil nécessaire pour espérer remporter une élection majeure en France et ainsi changer le paradigme politique national. Il manque concrètement, dans la configuration actuelle, pas loin de 10 millions de voix au minimum pour le Rassemblement national s’il veut espérer remporter l’élection présidentielle en 2022.
Le système électoral et politique français ne favorise pas ce parti, certes. Toutefois, c’est peut-être aussi du côté du logiciel politique qu’il faudrait regarder.
Une chose est certaine : s’il n y a pas de vague verte en France – ni de grande victoire du Rassemblement national – il y a un boulevard énorme pour celles et ceux qui voudraient, demain, à la façon de La République en Marche il y a quelques années, lancer une nouvelle structure, des nouvelles têtes, des nouvelles façons de faire. Mais en liant de manière indissociable le combat écologiste et social avec le combat identitaire et localiste.
La défense des hôpitaux et du service public de proximité, la revalorisation des salaires, la liberté d’entreprendre, l’adaptation nationale au régional, la recherche d’une énergie moins coûteuse, non polluante, non dangereuse, couplée avec la défense de la sécurité de tous, de ses frontières, de son identité, de sa civilisation. Le combo qui, dans les années à venir, pourrait s’avérer payant…
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