Le départ annoncé de Theresa May, Premier ministre de Sa Majesté, et les résultats – pour l’heure partiels – aux élections des eurodéputés britanniques, n’éclairent pas d’un jour nouveau le devenir de la Grande-Bretagne. Mrs May confirmera sa sortie de scène le 7 juin, lendemain des cérémonies du 75e anniversaire du débarquement de 1944. Mais elle devra attendre la désignation, par son parti Tory, d’un successeur à présenter à la reine avant de quitter toute responsabilité officielle.
Chez les conservateurs, les candidats sont nombreux à prétendre lui succéder. Le plus en vue est David Cameron, 54 ans, qui fut l’un de ses ministres, et surtout l’un des plus actifs dans la première campagne en faveur du Brexit, en 2016. Obtiendra-t-il les faveurs de son parti ? Ce n’est pas acquis. Les Tories ont essuyé une défaite en rase campagne lors des élections des eurodéputés (moins de 10 % des suffrages), et la tâche qui les attend est énorme : comment relancer une économie britannique à bout de souffle, et comment réanimer une vie politique interne surdominée depuis trois ans par les piétinements d’un Brexit qui n’aboutit jamais ?
Nigel Farage, grand vainqueur des élections européennes
Le grand vainqueur des élections européennes est à coup sûr Nigel Farage dont le Brexit Party, fondé il y a à peine trois mois, remporte environ un tiers des suffrages. Farage est partisan d’un désamarrage rapide d’avec le continent. David Cameron, en bon suiveur, proclame une attitude comparable, avec l’avantage certain de disposer de députés aux Communes, ce qui n’est pas le cas de Farage. L’ambiance londonienne est donc plutôt en faveur d’un Brexit dur, et surtout rapide. Mais il n’est pas certain que les conservateurs soient les mieux à même de le mettre en œuvre.
Côté opposition, le Labour de Jeremy Corbin rassemble moins de 14 % des suffrages, et laisse la seconde place du palmarès au Parti libéral-démocrate, plutôt europhile. Ce parti compte plus de 20 % des voix aux européennes, mais sans pour autant disposer de sièges aux Communes. Pour l’heure, peut-il faire autre chose que clamer dans le désert, coincé entre les deux partis historiques qui arbitrent la vie des Communes, tout en ayant essuyé une sévère déconfiture aux européennes ?
Une situation toujours aussi incertaine
Au total, la situation britannique n’est guère rafraîchie par le dernier tour de table électoral, voté jeudi dernier mais révélé seulement ce dimanche. Ceux qui prêchent ‘contre’ le Brexit ne sont pas plus nombreux qu’avant (autour du quart des voix). Les hésitants qui demandent une seconde consultation référendaire – dont le Labour de Corbin – se mettent un peu plus en avant mais ne comptent pas plus d’un tiers des voix. Quant aux partisans d’un Brexit dur – dans le sillage de Farage – ils ne disposent toujours pas d’une majorité absolue, ni dans l’opinion, ni aux Communes.
D’où le recours, demandé tant par Farage que par Corbin, à de nouvelles élections générales pour faire en sorte que la répartition des tendances aux Communes ressemble enfin à la sociologie du corps électoral mise en évidence par les élections européennes. Mais si David Cameron succède effectivement à Theresa May au 10 Downing Street, il est peu probable qu’il se lance dans une telle aventure de renouvellement législatif, où les conservateurs auraient tout à perdre, ne serait-ce que leur actuelle et fragile majorité.
Par ailleurs, chaud partisan du Brexit en 2016, pour des motifs purement électoralistes, Cameron avait laissé à Mrs May le soin de se sortir de ce piège plutôt que d’en assumer lui-même les conséquences et d’entraîner son pays vers le grand large. Serait-il capable, tout à la fois, d’assumer en interne les difficultés techniques d’un Brexit, d’en pacifier les conséquences du côté irlandais, et de calmer les exaspérations europhiles d’un électorat écossais en mal de liens avec le continent ? Cameron a montré jusqu’alors qu’il n’était pas un politique de grande envergure, ni doté d’une vision à long terme du devenir du Royaume Uni. L’immense tâche d’un Brexit rapide dépasse probablement le champ de ses compétences analytiques et politiques. Le feuilleton européen du départ britannique n’est donc pas près de finir…
Jean-François Gautier
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