Mise à jour du 24 mai à 14h07 : Theresa May vient d’annoncer sa démission
Mayxit et Brexit sont dans un bateau. Lequel tombera à l’eau avant l’autre ? La question est posée. Il se pourrait que le départ de Theresa May du 10 Downing Street, donné comme acquis par la presse britannique, soit officialisé avant que la Grande-Bretagne ne quitte l’Union Européenne (UE). Si tel est le cas, tous les calendriers parlementaires seraient à revoir, non seulement, à Londres, celui de la Chambres des Communes mais aussi, à Bruxelles-Strasbourg, celui des débats budgétaires du Parlement européen (PE).
Comment s’y retrouver dans ces imbroglios entrecroisés ? Seulement avec méthode et patience. La partie la plus étrange des élections européennes s’est déroulée hier, jeudi 23 mai, en Grande-Bretagne. Le Royaume-Uni (UK) étant membre de l’UE aussi longtemps qu’il ne l’a pas officiellement quittée, le formalisme juridique a voulu que les électeurs britanniques – comme tous ceux de l’UE, qui se prononceront d’ici à dimanche – désignent hier leurs représentants au Parlement de Bruxelles-Strasbourg. Mais il est probable que le grand vainqueur de ce scrutin, dont les résultats seront officialisés dimanche soir, soit Nigel Farage.
Eurodéputé en activité, Farage a été élu par quatre fois au PE, en 1999, 2004, 2009 et 2014. Membre du parti conservateur (Tory), puis du UK Independance Party (Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, ou UKIP), majoritaire au PE dans la représentation britannique, il avait présidé cette formation de 2004 à 2016, mais avait toujours échoué à se faire élire député aux Communes. La consultation référendaire de 2016 ayant exprimé la préférence des électeurs britanniques pour le Brexit, Farage avait démissionné de son poste à la tête de l’UKIP, considérant accomplie sa mission de pression dans le camp conservateur. Mais, en avril 2019, constatant l’attentisme du gouvernement de Mrs May dans le désamarrage du Royaume et de l’UE, il lançait un nouveau Brexit Party pour préparer les actuelles élections européennes. Avec pour seul programme un Brexit dur et immédiat, il grimpait alors dans les sondages à la vitesse de l’éclair (crédité en quatre semaines de plus d’un tiers des suffrages potentiels), et recueillait le soutien de nombre de députés conservateurs se détournant du gouvernement de Mrs May.
Il est donc probable que la représentation britannique qui siégera à Bruxelles-Strasbourg en juillet prochain (73 places) sera pour l’essentiel composée de députés clamant l’urgence de leur retrait. Il sera donc difficile de leur faire voter le prochain budget de l’UE, lequel devrait intégrer les fortes dettes du Royaume encore impayées. Quand partiront-ils ? Seulement après l’officialisation du Brexit. C’est-à-dire quand ? Nul ne le sait, et nombre de non-élus à venir dans les autres nations s’en agacent déjà. En effet, après le départ des eurodéputés britanniques, cinq eurodéputés français et cinq espagnols, trois italiens et autant de néerlandais, ou encore deux irlandais recalés aux présentes élections devraient récupérer une part des places laissées libres par les partants d’outre-Manche…
Quant à l’officialisation du Brexit, elle est, elle aussi, suspendue à de mystérieux calendriers. L’un d’eux dépend pour partie du sort de Mrs May. Elle a échappé en décembre dernier à un vote défavorable de son propre parti Tory, et les règles en vigueur depuis 1922 chez les conservateurs interdisent de tenter à nouveau de la révoquer avant décembre prochain. Sauf si, épuisée par les démissions en chaîne de ses propres ministres (une trentaine en deux ans ; la dernière, celle de la très fidèle Andrea Leadsom, chargée des relations avec les Communes, intervenue avant-hier), elle annonce d’elle-même son propre départ, ou si un vote majoritaire des conservateurs modifie la règle de 1922. Dans tous les cas, il faudrait organiser la nomination d’un successeur à présenter à la reine, c’est-à-dire très probablement procéder à des élections générales qui ne pourraient avoir lieu rapidement.
Ici encore, les difficultés s’amoncellent. Car si les députés du Labour (travaillistes) devaient l’emporter devant ceux des Tories (conservateurs), il n’est pas acquis que les premiers (chez eux aussi les désaccords sont nombreux) désireraient en majorité maintenir le Brexit. Ils pourraient organiser à cette fin une seconde consultation référendaire. Obtiendraient-ils dans l’intervalle un nouveau sursis de la Commission européenne, différant un départ de l’UK au-delà du 31 octobre, date limite antérieurement consentie à Mrs May ? Ce n’est pas acquis.
En d’autres termes, l’invraisemblable feuilleton du Brexit s’embrouille une fois de plus, mais c’est une règle générale dans toutes les séries télévisées d’outre-Manche : moins c’est clair, plus ça dure ! Et cette série-là tient l’affiche depuis trois ans !
Jean-François Gautier
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