Suite de notre tour d’horizon des différentes listes engagées dans la dernière ligne droite des élections européennes. Aujourd’hui, nous avons soumis un questionnaire à Raphaël Glucksmann, tête de liste du Parti socialiste et de Place publique.La liste est créditée autour de 5-7% .
Breizh-info.com : Qu’est devenu le Parti socialiste ?
Raphaël Glucksmann : Le Parti socialiste a payé cher le prix de l’expérience du pouvoir et de ses divisions. En 2017, les Françaises et les Français l’ont fortement sanctionné lors des élections présidentielles et législatives.
Olivier Faure, le premier secrétaire, a procédé depuis à l’inventaire du quinquennat. Un moment nécessaire, un préalable aussi pour renouer le dialogue avec nos concitoyennes et nos concitoyens.
Le PS se reconstruit, étape par étape, avec la claire conscience de participer à la refondation plus générale d’une gauche éprise de justice sociale, d’écologie et de renouveau démocratique.
Breizh-info.com : Vous vous présentez aux élections européennes, pour quelles raisons ? Les Français n’ont-ils pas décidé de tourner la page des partis politiques du 20ème siècle ? Comment les séduire de nouveau ?
Raphaël Glucksmann : Rien ne ressemble plus à l’ancien monde que le nouveau monde. Il suffit de regarder de l’autre côté des Pyrénées pour constater que les gens n’ont pas tourné la page du socialisme ou des partis politiques. Mais rien ne peut plus être comme avant.
Le Parti socialiste est européen de cœur et de raison. De cœur, parce que le projet européen se confond avec notre engagement internationaliste, et concrétise notre idéal d’« amitié entre les peuples ». De raison, parce que nous avons toujours pensé que c’est à l’échelle de l’Union européenne que l’on pouvait plus efficacement assurer la paix, défendre notre modèle de société en se donnant les moyens de maîtriser la mondialisation, de répondre aux défis du changement climatique et de la transformation numérique, de combattre le dumping fiscal,…
Les conquêtes de la construction européenne sont considérables. La Gauche y a d’ailleurs largement contribué.
Mais aujourd’hui le projet européen est abimé, contesté et même menacé. Il est pris en étau entre d’un côté le libéralisme dominant qui a conduit, sous l’emprise de majorités de droite, à l’austérité, à la libre concurrence sans limite, à la régression sociale et à la rupture avec les peuples, et d’un autre côté le nationalisme, la tentation du repli sur soi, les égoïsmes nationaux, l’atteinte aux droits fondamentaux et le rejet de l’autre. Le libéralisme n’est pourtant pas l’antidote au nationalisme, le nationalisme n’est pas non plus l’antidote au libéralisme. Ils sont des alliés de fait qui amènent l’un et l’autre à la ruine de l’Europe et des Européens.
Face aux réactionnaires et aux conservateurs, il faut une gauche européenne, éprise de justice sociale, d’écologie et de démocratie. L’enjeu de cette élection n’est ni l’étranger, ni « Macron ou le chaos ». L’enjeu c’est comment affronter les défis climatiques et lutter contre les injustices en réduisant les inégalités et le chômage ?
Breizh-info.com : Quelles sont vos principales propositions ?
Raphaël Glucksmann : Un Pacte Finance-Climat-Biodiversité pour mettre la finance au service de la transition sociale-écologique.
Un « bouclier emploi européen » pour maintenir dans l’emploi les salariés quand une entreprise voit ses commandes baisser fortement, former plutôt que licencier.
Pour une alimentation saine et de qualité et une agriculture sans pesticide. Nous lutterons pour une politique agricole et alimentaire commune qui accompagne les agriculteurs, protège la biodiversité et la santé des consommateurs.
Nous proposerons un SMIC européen et une assurance chômage discutés avec les partenaires sociaux. Nous soutiendrons un nouveau modèle européen d’entreprise qui promeut la codétermination entre employeurs et salariés.
Nous voulons garantir le droit à l’IVG dans toute l’Europe ainsi que la défense des droits des personnes LGBTI+.
Nous voulons une mobilité accrue pour la jeunesse avec un Erasmus pour tous. Plus de moyens pour la formation, pour l’engagement civique et pour l’emploi. La garantie jeunes, proposition des sociaux démocrates fut un succès, il faut à présent la généraliser.
Breizh-info.com : Si vous avez des élus, quelles mesures voterez-vous ? Quelles mesures vous ne voterez pas ?
Raphaël Glucksmann : Nous aurons des députés européens. Nous avons pris quelques engagements. Plus de nouveaux accords de libre échange mais un juste échange : le mieux disant commercial ne doit plus se faire au détriment d’un moins disant social ou environnemental et sanitaire.
Nous ne voterons pas de mesures qui creusent les inégalités ou qui retardent les décisions que commande l’urgence écologique.
Breizh-info.com : Quelle est votre position sur la question de l’immigration, centrale dans cette élection ?
Raphaël Glucksmann : Il faut parler de l’immigration sans jouer sur les peurs, mais en ne parlant que des faits. Beaucoup de fables sont assénées par les conservateurs et les nationalistes qui se font concurrence pour imposer leur récit et leurs réponses qui sont injustes, inefficaces et rarement légales : discrimination, rejet et fermeture. Mais répéter un mensonge n’établit pas une vérité.
En revanche, la question des réfugiés est un défi : Il faut pour cela une vision et une politique commune de l’asile. Cela passe notamment par la réforme du régime d’asile européen de Dublin et la création un Office européen de l’asile indépendant.
Breizh-info.com : Et sur le référendum d’initiative citoyenne ?
Raphaël Glucksmann : Il existe déjà l’initiative citoyenne européenne (ICE). Nous voulons la renforcer pour qu’elle puisse déboucher sur des propositions qui pourraient être débattues au Parlement et être proposée par la Commission comme initiative législative au Parlement et au Conseil. Mais il faut comprendre que pour que des initiatives de citoyens européens aboutissent, il faut stimuler l’opinion publique, savoir faire des campagnes de sensibilisation et surmonter les égoïsmes nationaux qui ne sont pas toujours l’apanage des chefs d’État.
Breizh-info.com : Le mot de la fin pour nos lecteurs ?
Raphaël Glucksmann : S’abstenir s’est donner à un autre le choix de décider à notre place. Or quand nos prédécesseurs ont conquis le droit de vote c’était pour que chacun de nous participions à des décisions qui concernent notre avenir et celui de nos enfants.
Se disperser dans un vote sanction c’est diviser les forces là où elles doivent au contraire se concentrer pour avoir plus d’impact.
Une quarantaine de sièges seulement séparent les socialistes européens de la droite européenne. Gagner est donc possible. Seule la liste Envie d’Europe propose un chemin vers une prospérité économique utile à la justice sociale et au service de la transition écologique dans une Europe plus démocratique. Seule cette liste comporte des candidats qui siégeront dans le seul groupe capable de renverser la majorité conservatrice qui aujourd’hui a tous les pouvoirs en Europe – elle contrôle tous les postes de décision. Donc le 26 mai, de la confusion doit émerger la clarté, le vote pour les candidats de la liste Envie d’Europe.
Propos recueillis par YV
Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Raphaël Glucksmann : « Le Parti socialiste a payé cher le prix de l’expérience du pouvoir et de ses divisions » [Interview]”
[…] Source : http://www.breizh-info.com/2019/05/15/118997/raphael-glucksmann-le-parti-socialiste-a-paye… Auteur : Date de parution : 2019-05-15 03:11:15 […]