Nous continuons notre focus sur les élections européennes et sur le rôle des députés européens pour qui vous allez, éventuellement, voter.
Au sein de l’Union européenne, l’activité parlementaire s’inscrit dans un cadre institutionnel plus large et plus complexe, ce qui limite encore plus le poids effectif d’un député. Les élections européennes se déroulent au suffrage universel direct, tous les cinq ans depuis 1979. Auparavant, ce Parlement n’était qu’une émanation des parlements nationaux. Les traités d’Amsterdam (1997) et de Lisbonne (2007) ont étendu les prérogatives politiques du Parlement en généralisant la procédure de codécision. Jusque-là le vote de l’institution n’avait qu’un rôle consultatif (procédures d’avis conforme ou d’avis simple).
Mais alors qui décide vraiment ? En premier lieu, c’est la Commission européenne qui a l’initiative législative, et propose donc de nouveaux règlements et directives. Elle est ensuite la gardienne des traités et de « l’acquis communautaire ». Le Parlement intervient pour amender les propositions législatives rédigées par les fonctionnaires de la Commission. Puis le texte de loi échoit à l’autre colégislateur : le Conseil de l’UE, l’institution qui représente l’intérêt des gouvernements des États membres. Le texte ainsi doublement amendé repasse au Parlement en deuxième lecture.
En surplomb de ce triangle institutionnel (Commission, Conseil de l’UE, Parlement) se trouve le Conseil européen, l’institution qui rassemble les chefs d’État et de gouvernement ainsi que le président de la Commission. Le Conseil se réunit au moins quatre fois par an et fixe les orientations stratégiques de la politique communautaire. De ce point de vue, l’UE conserve un indéniable caractère interétatique.
Le président de la Commission européenne est nommé par le Conseil européen puis investi par le Parlement. Selon la théorie de la séparation des pouvoirs formulée par Montesquieu, Commission et Conseil européen forment le pouvoir exécutif ; le Parlement européen et le Conseil de l’UE constituent le pouvoir législatif ; quant au pouvoir judiciaire, il réside dans la Cour de Justice de l’UE (CJUE), garante du droit de l’Union et de l’uniformité de son application.
Ce n’est pas tout. La Cour des comptes et la Banque centrale européenne sont également des institutions de l’UE. La seconde est responsable de la politique monétaire et de la gestion de l’euro, fonctions essentiellement régaliennes et pourtant libres de tout contrôle démocratique. On peut alors voir le Parlement européen comme un épouvantail chargé de donner un air de représentation dans un système post-politique, le système de la gouvernance. Environ 43 000 fonctionnaires et agents assimilés accompagnent un processus que personne ne dirige.
Où reconnaître la volonté des citoyens dans cette jungle de procédures et de processus ? … On peut cependant remarquer que le fossé entre souveraineté populaire et institutions ne se creuse pas soudainement au niveau européen. La plupart des pays d’Europe – et singulièrement la France – connaissent le même phénomène. Après tout, Gilbert Collard quitte l’Assemblée nationale parce qu’il la considère comme une chambre d’enregistrement amorphe. Et ses yeux se tournent vers le Parlement européen.
À ce niveau, c’est un changement de théâtre d’opération pour un professionnel de la politique. Mais la politique semble elle-même une comédie à l’intérieur de la vraie tragédie historique : le dévoiement des nations et de l’Europe derrière le paravent d’une démocratie décorative.
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