La victoire spectaculaire du parti indépendantiste de gauche ERC, en Catalogne, lors des élections législatives espagnoles et la presque éradication de la droite espagnole du Parti populaire de Catalogne ne doivent pas occulter un résultat préoccupant pour le nationalisme catalan.
Les deux grands partis indépendantistes catalans étaient à la fête dimanche soir en prenant connaissance des résultats. La gauche de l’ERC d’Oriol Junqueras avait clairement gagné les élections et la droite du PxCAT de Carles Puigdemont avait échappé à la débâcle prévue par les sondages. Un commentateur avait conclu que la prison (Oriol Junqueras en procès à Madrid) l’avait emporté sur l’exil (Carles Puigdemont à Bruxelles).
Une analyse plus attentive des résultats devrait alerter le nationalisme catalan : le soutien dont il bénéficie dans la population non seulement ne s’accroît pas mais il tend à diminuer.
Certes, il s’agit d’élections législatives espagnoles et en toute logique l’électeur catalan peut choisir son bulletin selon d’autres critères que lors des élections régionales. Toutefois, l’ampleur de la désaffection n’en demeure pas moins alarmante.
En 2019, les partis qui se réclament de l’indépendantisme ont recueilli 39,38 % soit 1 625 000 voix, un résultat très éloigné de celui obtenu lors des régionales de 2017 : 47,50 % et 2 078 00 voix, mais plus élevé que lors des législatives de 2016, 31 % et 1 115 000 voix.
Même en considérant qu’il s’agit d’élections différentes, que le contexte a changé, il est frappant de constater que l’ouverture du procès aux indépendantistes à Madrid, l’exil de Puigdemont et le victimisme systématique des partis catalanistes depuis 2017, n’ont pas réussi à mobiliser l’électorat. En toute logique, ils auraient dû au moins retrouver leurs électeurs de 2017, ce qu’ils sont loin d’avoir réussi.
Oriol Junqueras, le patron d’ERC, qui est en jugement à Madrid, l’avait expliqué : on a déclenché le processus d’indépendance trop tôt, sans avoir atteint une majorité sociale nette. Ce constat explique sa stratégie : renoncer à un affrontement stérile avec Madrid, comme celui qui met en scène Puigdemont depuis Bruxelles, pour reprendre en main le gouvernement régional et attendre que la catalanisation de la société, notamment par l’éducation, finisse de faire son œuvre.
C’est aussi l’offre que font les socialistes espagnols, attendez dix à quinze ans et vous aurez droit à un référendum accepté par Madrid.
Toutefois, le paysage politique en Espagne a aussi beaucoup changé depuis 2017. La droite gestionnaire qui avait laissé la bride sur le cou aux nationalistes catalans a été remplacée par une nouvelle génération plus pugnace et le succès de Ciudadanos, l’ennemi juré des nationalismes périphériques, n’annonce pas une victoire sans coup férir pour les partis indépendantistes, qu’ils soient catalans ou basques.
Élections législatives en Espagne : les résultats en Catalogne
Pour les indépendantistes
ERC : 1 020 358 (24,59 %)
JxCat : 500 012 (12,05 %)
FR : 113 695 (2,74 %)
Pour les anti-indépendantistes
PSC : 963 095 (23,21 %)
Cs : 479 265 (11,55 %)
PP : 201 250 (4,85 %)
Vox : 149 381 (3,60 %)
Pour les non-indépendantistes
ECP : 617 858 (14,89 %)
Signification des sigles : ERC : Esquerra Republicana de Catalunya (social-démocratie); JxC : Junts per Catalunya (centre droit); FR : Front Republicá (extrême gauche); PSC : Partit dels Socialistes de Catalunya ; CS : Ciudadanos (centre droit); PP : Partido Popular (droite conservatrice); Vox (populistes).
ECP : En Comú Podem (les Communs alliés à Podem, le Podemos catalan).
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