Certains analystes très avertis évoquent avec insistance la possibilité d’une guerre entre les USA et l’Iran. D’autres pensent que l’élection de Netanyahu et sa connivence avec Trump pourraient bien renforcer cette hypothèse.
En première approche, il paraît certain que la victoire de Netanyahu, qui va diriger une coalition droite-extrême droite, d’idéologie sioniste pure et dure, ne va pas dans le sens d’un règlement pacifique du problème palestinien, de la crise syrienne et plus largement des crises moyen-orientales. Elle rend donc plus probable le déclenchement d’une guerre USA-Iran, avec possible implication de l’OTAN, et tous les enchaînements qui pourraient s’ensuivre.
Un enjeu de géopolitique mondiale
Toutefois, il ne serait pas sérieux de s’arrêter à ces premières conclusions sans replacer les relations Israël-Iran-USA dans le cadre plus vaste de la géopolitique mondiale et sans se poser certaines questions.
Comment réagirait la communauté internationale et, en particulier, la Russie et la Chine ?
Quelles pourraient être les conséquences économiques et militaires d’une agression US contre l’Iran ? Dans quelle mesure le camp occidental est-il prêt à les accepter ? Existe-t-il des solutions alternatives à celle du conflit armé ?
Aujourd’hui, Russes et Chinois cherchent encore à gagner le plus de temps possible pour parfaire leur préparation à un conflit de grande ampleur qu’ils jugent inéluctable. Ils n’ont évidemment pas l’intention d’en prendre l’initiative à court terme. Ils n’en connaissent donc pas encore le moment, ni le théâtre : Europe de l’Est, Mer de Chine ou Proche/Moyen-Orient, Ils éviteront autant qu’ils le pourront de tomber dans les pièges souvent grossiers des provocations occidentales.
Russes et Chinois savent que ce conflit à venir sera, comme souvent depuis le début du siècle, d’initiative occidentale, probablement US, peut-être israélienne. Ils savent qu’un vrai-faux prétexte sera trouvé ou créé par « la coalition occidentale » pour donner un semblant de légitimité à son intervention: démocratie, droits de l’homme, devoir d’ingérence humanitaire, sécurité nationale, lutte contre le terrorisme sont des expressions qui reviendront en boucle dans les médias mainstream occidentaux pour tenter de convaincre les opinions du bien-fondé de l’action entreprise. Ils savent que leurs adversaires se passeront de l’accord de l’ONU, comme ils l’ont fait à plusieurs reprises depuis le début du siècle.
Mais Russie et Chine savent aussi désormais que s’ils ne réagissent pas, l’un ou l’autre d’entre eux pourrait être la prochaine victime des visées hégémoniques occidentales. Ils savent que les USA et leurs vassaux ne sont pas, aujourd’hui, au mieux de leur forme économique, sociale et militaire et qu’il peut y avoir une fenêtre d’opportunité pour réagir ensemble, avec succès, s’ils y sont contraints.
La CIA et les néoconservateurs US, de leur côté, connaissent l’état d’esprit et surtout l’état de préparation du camp opposé. Ils n’ignorent pas que la patience d’un adversaire trop souvent méprisé peut avoir des limites. Ils ont conscience du fait que la Russie et la Chine ne sont pas seules et qu’un nombre croissant de pays rejoignent leur camp dans le cadre d’accords économiques et commerciaux, mais aussi militaires. Ils réalisent qu’une part croissante de l’opinion occidentale rejette désormais les prétextes « bidons » et les ingérences militaires hasardeuses dans les affaires de pays souverains et qu’elle rejette aussi l’extraterritorialité du droit US qui ne sert que les seuls intérêts américains. Ils savent bien que, dans ces conditions, la victoire est loin d’être assurée. C’est probablement ce qui les fait hésiter.
Netanyahu, un « risk taker » ?
Netanyahu, pour sa part, est peut être un « risk taker » lorsqu’il se sait sous protection US, mais l’administration Trump et les opinions US et européenne ne sont certainement pas unanimes à vouloir déclencher une guerre pour les beaux yeux du Premier ministre israélien, sans être sûrs de la gagner. Qu’on le veuille ou non, les USA ont perdu toutes les guerres de grande ampleur qu’ils ont initiées depuis le Vietnam. Ce sont ces guerres perdues et les dizaines de trilliards de dollars qu’elles ont englouties qui mettent aujourd’hui les USA en « péril de crise économique majeure ». Trump sait tout cela. C’était un argument fort de sa campagne présidentielle de 2016.
La guerre peut être déclenchée par accident mais ne le sera probablement pas de manière délibérée, inattendue et brutale. Certains signes avant-coureurs forts seront inévitablement observés (mouvements des porte-avions et hausse de leur disponibilité opérationnelle par exemple). Bref, les choses ne sont pas simples pour les deux camps.
Certains peuvent encore espérer convaincre la Russie et la Chine de lâcher l’Iran. Mais Moscou sait très bien qui est derrière les campagnes russophobes de l’Occident. Moscou et Pékin connaissent le rôle déterminant d’Israël et de ses relais sur la politique étrangère de la bande des trois « USA+UK+FR » et donc sur celle des pays de l’OTAN qui suivent les « 3 chefs de meute ».
Benjamin Netanyahu ne cesse, depuis plusieurs années déjà, de proposer à Poutine le deal suivant: « Laisse tomber l’Iran, et je ferai en sorte que la russophobie et les sanctions occidentales cessent ». Le problème est que Poutine n’a plus aucune confiance dans la parole de Netanyahu ni dans celle des Occidentaux. Il sait, par expérience, que ceux-ci ne respectent pas leurs engagements. Il sait que les Occidentaux veulent « le beurre et l’argent du beurre ». Il ne lâchera donc pas l’Iran. Ce serait une faute stratégique majeure. Il suffit d’ailleurs de regarder une carte pour s’en convaincre. L’Iran est géographiquement une pièce importante de l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) dont il est membre observateur depuis 14 ans.
Par ailleurs, Israël, pays minuscule qui manque de profondeur stratégique, serait menacé dans son existence s’il venait à agresser l’Iran soit directement, soit par USA interposés. Une frappe massive de riposte venant d’Iran serait logique et légitime. Le centre nucléaire hébreu de Dimona pourrait être touché par une frappe iranienne. Les Iraniens ont déjà prouvé, en Syrie, qu’ils pouvaient frapper à distance et avec précision à partir de leur territoire. Le dôme de fer israélien a montré ses limites à plusieurs occasions. Il serait certainement perméable à une frappe de « saturation ». Même si 90 % des missiles iraniens étaient détruits avant d’atteindre leur cible, 10 % suffiraient sans doute pour obtenir un résultat. Par ailleurs les missiles de moindre portée du Hezbollah et des Palestiniens pourraient compléter simultanément la frappe en visant d’autres objectifs. Israël aurait alors effectivement un problème de survie…
Par ailleurs, les frappes iraniennes de riposte viseraient aussi les pays alliés d’Israël et des USA dans le Golfe : l’Arabie saoudite, ses alliés anti-iraniens et les bases occidentales qui se trouvent sur leurs territoires. Cela entraînerait une crise pétrolière d’une ampleur sans précédent dans l’histoire. Les pays occidentaux et leurs populations, soucieuses de pouvoir d’achat, ne sont pas prêts à affronter une telle crise, dans l’état économique et social où ils se trouvent, d’autant que la production alternative de pétrole (Russie, Venezuela, Iran, Algérie, Libye et même Nigeria) ne sont pas vraiment des « fans » du camp occidental. (Pour le Nigeria, voir ici).
Ceci explique l’extrême prudence des USA et de leurs alliés qui préfèrent envisager des solutions moins létales alors même qu’un conflit armé pourrait s’avérer désastreux pour le monde occidental tout entier et pour les USA eux-mêmes qui ne sont pas, aujourd’hui, en superforme économique et militaire…
Quelles alternatives au conflit armé ?
Les solutions alternatives au conflit armé me semblent aujourd’hui être au nombre de trois :
1 – La recherche d’un « Regime Change » en Iran en tentant d’asphyxier l’économie iranienne sous les sanctions et l’interdiction faite à tous les pays de commercer avec l’Iran, soutien des Palestiniens et donc ennemi naturel d’Israël et des États qui soutiennent sa gouvernance sioniste (US, UK, FR). C’est l’objectif actuel de la politique étrangère US vis-à-vis de l’Iran.
Après 40 ans d’échec, la recherche d’un changement de régime en Iran a peu de chance d’aboutir si ce pays conserve le soutien de la Russie, de la Chine, de l’Inde et des nombreux autres pays qui sont attachés à l’OCS et à la multi-polarité. D’autant que le temps joue aujourd’hui contre les adversaires de l’Iran qui pourraient être confrontés, à court terme, à une crise économique et boursière majeure liée à l’ampleur de la dette et des déficits commerciaux et budgétaires US.
2 – Un accord de paix israélo-palestinien sur une solution à deux États, actuellement défendue par la quasi-unanimité de la communauté internationale à l’exception notable des USA. Netanyahu et Trump n’en veulent pas…
3 – La solution d’un état unique binational avec Israéliens et Arabes cohabitant pacifiquement dans un même État. Les deux parties refusent aujourd’hui ce genre de solution qui ne résout pas le problème du droit au retour, sacré pour les Palestiniens, impensable pour la communauté juive qui deviendrait très largement minoritaire.
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Ma conclusion est simple. Je crois davantage aujourd’hui à l’imminence d’une crise économique, boursière et monétaire majeure partant des USA et affectant le monde entier, qu’au déclenchement à court terme d’un conflit ouvert entre la coalition Israël-USA et l’Iran.
Cette crise économique inéluctable devrait changer la donne et peut-être provoquer des réactions inattendues et dangereuses de « fuite en avant » de la part des USA qui disposent toujours d’un outil militaire conséquent. Mais d’ici là, la recherche d’un « Regime Change » en Iran devrait rester la solution privilégiée malgré des chances de succès extrêmement faibles.
S’agissant des élections israéliennes, je constate que Netanyahu n’a rassemblé sur son nom que 1,14 million de voix sur 6,34 millions d’électeurs inscrits (moins de 18 % des inscrits). Il fait moins bien qu’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle de 2017 (18,19 % des inscrits). Les Arabes israéliens se sont trop abstenus dans cette élection et les absents ont toujours tort.
Netanyahu va donc gouverner un pays dont 82 % des citoyens ont choisi de voter pour un autre que lui ou de s’abstenir…
Si 100 000 électeurs du Likud avaient voté Blue & White, ou si les électeurs arabes israéliens avaient voté en proportion égale à la communauté juive, la donne politique israélienne et la politique étrangère de l’État hébreu auraient eu quelques chances d’évoluer…
On ne peut qu’être sidéré lorsqu’on prend conscience que le vote d’une petite centaine de milliers d’électeurs d’un tout petit pays de moins de 9 millions d’habitants peut influencer à ce point la politique étrangère de ce pays, et par voie de conséquence celle du trio USA, UK, FR et de la meute otanienne qui suit. Sidéré de réaliser comment les résultats d’une élection législative dans ce minuscule État hébreu peuvent décider de la paix ou de la guerre dans le monde et du destin de millions d’individus sur la planète…
Général (2S) Dominique Delawarde
Note de l’auteur : La population vivant en Palestine regroupe aujourd’hui 13,8 millions d’habitants répartis en deux parties quasi-équivalentes :
La communauté juive est estimée à 6,9 /7 millions d’habitants.
La communauté arabe est estimée à 1,9 million d’Arabes citoyens israéliens.
4,9 millions d’Arabes vivant dans les territoires occupés.
Total de la population arabe vivant en Palestine : 6,8 millions.
Population arabe d’origine palestinienne, réfugiée hors des frontières de la Palestine et susceptible d’être concernée par un droit au retour : entre 5 et 6 millions qui viendraient s’ajouter aux 6,8 millions déjà sur place.
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