Les lecteurs de Breizh-info avaient entendu parler de longue date du mouvement Saoradh, en Irlande, mouvement nationaliste et républicain qui estime que « la révolution irlandaise n’est pas terminée ». La presse irlandaise et internationale vient de se focaliser depuis quelques jours sur ce mouvement, considéré désormais par le gouvernement irlandais (et celui d’Irlande du Nord), comme la vitrine politique de la New IRA, groupe paramilitaire républicain en activité ces derniers mois.
Alors que plusieurs évènements se sont juxtaposés ces derniers jours, il n’est pas inutile de faire le point sur la situation.
La mort de Lyra Mckee’s, les excuses de la New IRA
Tout d’abord, la mort de la journaliste Lyra McKee à l’occasion d’un échange de tir à Derry/Londonderry il y a quelques jours. Cette journaliste, qui couvrait l’évènement (et qui s’est spécialisée dans l’étude des Troubles en Irlande), est décédée, tandis que deux jeunes de 18 et 19 ans ont été arrêtés dans la foulée, puis libérés. Une mort très médiatisée à l’international si bien que l’on finit par se demander si cela n’est pas plus en raison du fait que cette journaliste était également une activiste LGBT que pour le fait qu’elle soit la victime innocente d’un conflit qui menace de reprendre en Irlande du Nord, sur fond de tensions récurrentes et de menaces de rétablissement d’une frontière en dure si Brexit il y avait.
A noter que la New IRA a admis ce mardi 23 avril sa responsabilité dans la mort de la journaliste dans une déclaration au quotidien The Irish News. Et a présenté ses excuses. « L’IRA présente ses sincères excuses à la partenaire, à la famille et aux amis de Lyra McKee pour sa mort . Jeudi soir, à la suite d’une incursion dans le quartier de Creggan par des forces de la Couronne britannique lourdement armées qui ont provoqué des émeutes, l’IRA a déployé des volontaires pour s’engager. Nous avons donné pour instruction à nos volontaires de prendre le plus grand soin à l’avenir lorsqu’ils combattent l’ennemi et de mettre en place des mesures pour y parvenir ».
La parade de Saoradh à Dublin, pour commémorer Pâques 1916
Deuxième évènement, hasard du calendrier : une manifestation du mouvement Saoradh, à Dublin, à l’occasion des commémorations de Pâques 1916 et de l’insurrection irlandaise. Une première, puisque jusqu’ici, le parti politique était surtout actif en Irlande du Nord, à Derry/Londonderry et à Belfast particulièrement. Une manifestation sous forme de défilé en uniforme militaire qui a provoqué l’émoi dans la classe politique en Irlande et au sein de la presse, qui réclame une « loi Mckee’s » pour interdire ce genre de démonstration de rue.
Le Premier ministre Leo Varadkar, a déclaré à quel point il méprisait les actions de Saoradh. « Les gens du Nord et du Sud pleurent la mort d’une courageuse militante et journaliste, Lyra McKee. Et dimanche, nous avons commémoré les héros de 1916 qui ont mis l’Irlande sur la voie de la démocratie. D’autres, comme Saoradh, veulent ramener l’Irlande dans un passé violent et troublé.» M. Varadkar a déclaré que le droit de se rassembler et de marcher « a été gagné par les hommes et les femmes de 1916 qui ont combattu pour la liberté et la démocratie que nous avons aujourd’hui. Ce week-end, ils ont déshonoré leur héritage et leur mémoire. C’était une insulte au peuple irlandais.». Oubliant toutefois de rappeler que les droits qu’il évoque ont été conquis…. par la violence et par les armes, et par des militants en uniformes irréguliers.
Le ministre de la Défense, Paul Kehoe, a déclaré à l’Irish Independent qu’il trouvait « absolument effrayante » la vue d’hommes et de femmes en uniformes militaires.
« Tout le monde le condamne, mais nous devons aller plus loin que la simple condamnation. Nous devons empêcher que cela ne se reproduise à l’avenir » a-t-il déclaré, souhaitant « trouver un équilibre entre le droit de manifester et la volonté de ne pas revenir aux heures sombres de l’Irlande ».
En réalité, c’est avant tout la presse mainstream qui a donné de la visibilité à la manifestation de Saoradh, qui a réuni à peine 150 personnes. Le mouvement politique, même s’il possède des locaux notamment à Derry/Londonderry, reste, pour le moment, à l’état groupusculaire bien que suivi de près par les autorités en Irlande comme en Irlande du Nord. Le mouvement a par ailleurs condamné dans un communiqué le meurtre de Lyra McKee’s, appelant ceux qui avaient fait cela à endosser la responsabilité de leurs actes. La police nord irlandaise a par ailleurs accusé ces derniers d’avoir provoqué les conditions de cet échange de tirs, en voulant perquisitionner des membres de l’organisation.
Actuellement, en Irlande, il n’y a pas d’obligation légale de déclarer une manifestation, et la police a par ailleurs indiqué que cette manifestation n’a donné lieu a aucun incident, avant, pendant, ou après la marche. Le défilé comprenait deux fanfares et une garde du drapeau en tenue militaire avec bérets et lunettes de soleil.
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Parmi les manifestants, on retrouvait toutefois d’anciens membres connus de l’IRA, comme Brian Kenna reconnu coupable d’appartenance à l’IRA en 2017 après avoir été pris en train de faire sortir clandestinement un communiqué de la prison de Portlaoise. Kenna était auparavant membre de l’IRA provisoire. Il faisait partie d’un groupe de six personnes emprisonnées pendant 10 ans pour avoir tenté en 1990 de voler une banque à Enniscorthy, Co Wexford. Libéré à la suite de l’Accord du Vendredi Saint, il a d’abord été un partisan du processus de paix.
Au sein de la classe politique, le Sinn Féin également a condamné la manifestation, tout en évoquant également la possibilité de soutenir une loi restreignant les possibilités de défiler de la manière dont cela s’est passé ce week-end.
La situation semble se tendre de jour en jour en Irlande. La saison des marches reprend par ailleurs, et avec elle, son lot de tensions potentielles à venir.
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