Bernard Rio est marcheur et écrivain. Il arpente tous les chemins qui traduisent une présence spirituelle. Intemporels, les chemins défient tous ceux qui mettent en cause nos racines, les ignorent ou les bafouent.
Mais qu’est-ce qu’un pardon ? « Le pardon breton n’a pas d’équivalent en France. A la fois religieux et profane, chrétien et païen, acte de piété individuelle et manifestation communautaire… »
Une piété populaire, organique, communautaire
Le pardon est là pour satisfaire un vœu, le voir s’exaucer, c’est selon. Il se nourrit d’une piété populaire, organique, communautaire. Les saints bretons, ils sont légion, vivent au touche à touche des hommes. Ils se doivent d’exaucer les vœux des « pardonneurs ». Dotés de pouvoirs thaumaturgiques, ils protègent chacun un village, une communauté. Mais gare : « Il est naturel de récompenser ces interventions par des offrandes et des dons à la mesure des services rendus. Étant entendu que si le saint personnage invoqué n’obtient aucun résultat, non seulement le suppléant ne lui doit rien, mais il est en droit de le punir en retournant sa statue contre le pilier de son église. » (Per-Jakez Helias)
L’Église regarde les pardons avec un intérêt mêlé de suspicion. Au temps des indulgences elle y voit une source de rentrées financières. Mais elle se méfie du paganisme qui s’y est incrusté. Avec la réforme tridentine, elle s’emploie à expurger. Savonaroles au petit pied, les pères Le Nobletz et Julien Maunoir parcourent la Bretagne pour écarter les saints miraculeux les plus suspects.
Mais il leur faut s’accommoder de beaucoup d’autres avec, au premier plan saint Yves et sainte Anne. Et tant pis si la mère de Marie est aussi l’antique Ana, la « mamm goz » de Jésus, sa grand-mère, comme une déesse-mère.
Des règles millénaires inscrites dans les esprits
Les pardons obéissent à des règles millénaires inscrites dans les esprits, transmises de génération en génération. Rio passe au crible tous ces rites avec une formidable érudition. Des commentaires savants mais toniques qu’il tire de son expérience personnelle.
Des pardons meurent, d’autres s’étiolent ; certains renaissent, s’inventent ou presque comme l’incroyable pardon des motards à Porcaro dans le Morbihan. Voué à la Vierge Marie, il réunit (depuis 1974) jusqu’à 20 000 motards accourus de toute l’Europe et de plus loin. Modernité et tradition, en plein accord.
Cette permanence des pardons au 21° siècle contredit les « a priori » individualiste et consumériste de la société… Comme le souligne Rio, elle « démontre la possibilité et la volonté d’une communauté de vivre ensemble et de s’identifier à un socle culturel ».
Jean HEURTIN
* Bernard RIO, Sur les chemins des pardons et pèlerinages de Bretagne, Éditions Ouest-France, 318 p., 19,90 euros.
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