Voilà six ans que le pape François est à la tête de l’Église catholique. Six années très mouvementées marquées par le développement de l’État islamique et la guerre en Syrie, de nombreux attentats islamistes dans le monde entier, mais aussi par les vagues migratoires, les poussées des lobbys gays et féministes ou encore les scandales de pédophilie dans le clergé. Breizh Info est apparu durant la même période et a tâché de couvrir tous ces sujets.
Le moins que l’on puisse dire est que le pape est loin de faire l’unanimité auprès des défenseurs de l’identité européenne et que son récent voyage au Maroc n’a pas amélioré les choses. Certains – beaucoup ? – se demandent même comment il est encore possible de se réclamer de l’Église catholique.
La question mérite d’être posée.
Il faut d’abord comprendre que tous les propos du pape ne doivent pas être obligatoirement crus par les fidèles. « L’infaillibilité papale » est même régie par des conditions très précises se présentant donc rarement.
Cette infaillibilité a été définie lors du 1er concile du Vatican (un concile étant une assemblée des évêques de l’Église catholique), en 1870 :
« Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine en matière de foi ou de morale doit être tenue par toute l’Église, jouit… de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que soit pourvue son Église lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. »
Comme le souligne le site internet catholique français Aleteia, cela ne concerne donc pas les prises de position sur des problèmes particuliers. Même les encycliques ne sont pas considérées comme infaillibles.
Sur le site officiel du Vatican, une brève définition tirée du texte Lumen Gentium (la constitution dogmatique sur l’Église) rappelle le rôle du pape :
« Le Pontife romain, comme successeur de Pierre, est le principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles. »
Le texte intégral est disponible gratuitement comme toutes les encycliques et autres textes officiels de l’Église.
Pour vous donner un exemple absurde : si, demain, le pape François explique que la bière polonaise est meilleure que la bière belge, vous pourrez le contredire sans craindre l’excommunication (l’exclusion de l’Église, la plus grave sanction pouvant être prononcée envers un catholique). Il en va de même lorsqu’il critique le Premier ministre italien Matteo Salvini ou qu’il estime que l’Europe devrait accueillir plus de migrants.
Le pape François reste bien sûr le chef de l’Église et le successeur de Pierre, mais, en tant que successeur, il porte aussi un héritage, tout n’est pas réécrit (rebooté comme on dirait dans le monde du cinéma) depuis 2013 ! Les catholiques peuvent donc s’appuyer sur les enseignements des précédents papes, qui tenaient bien souvent des discours très différents de ceux de François, que ce soit il y a mille ans ou plus récemment.
Urbain II a lancé la première croisade au XIe siècle pour délivrer Jérusalem de l’emprise musulmane, Jules II était soldat au XVIe, tandis qu’au début du XXe siècle, Pie X était aussi humble que conservateur.
Puisqu’on évoquait les migrants, et que la question migratoire est l’une des plus importantes de notre époque, les fidèles peuvent également s’appuyer sur Le catéchisme de l’Église catholique, un ouvrage résumant la foi, l’enseignement et la morale de l’Église catholique.
Sur l’immigration, voilà ce qui est dit :
« Les nations mieux pourvues sont tenues d’accueillir autant que faire se peut l’étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu’il ne peut trouver dans son pays d’origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit naturel qui place l’hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent.
Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont ils ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption. L’immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d’accueil, d’obéir à ses lois et de contribuer à ses charges. »
La bienveillance est de mise, mais le bon sens aussi ! L’immigré a également des devoirs, à commencer par respecter les lois du pays par lequel il est accueilli. Une arrivée clandestine et donc illégale est ainsi un bien mauvais début !
J’anticipe l’une des remarques que l’on pourrait me faire : « oui, mais pourquoi les évêques ont-ils élu François alors que l’on connaissait ses positions ? »
Il est difficile d’avoir le recul nécessaire pour juger des actions d’un homme. Si le pape François est a priori un « adversaire politique », son ouverture se manifeste envers tout le monde, y compris la Fraternité Saint Pie X envers laquelle il a fait un pas en 2016 lors de l’année de la Miséricorde, en rendant « valide » les confessions données par leurs prêtres. Je ne prétends pas qu’il s’agit d’un acte révolutionnaire qui efface tout le reste, mais ces subtilités existent bel et bien.
Dans un autre registre, l’élection d’un Pape sud-américain pourrait à terme avoir des répercussions très positives pour l’Église catholique dans une région du monde où l’évangélisme gagne du terrain, sans parler de l’athéisme porté par les élites mondialisées que l’on retrouve également dans les métropoles brésiliennes ou argentines notamment.
Jean-Paul II, souverain pontife entre 1978 et 2005, n’est par exemple pas étranger à ce qu’est devenu la Pologne : un bastion catholique et identitaire de l’Europe. On ne peut pourtant pas dire qu’il s’agissait d’un pape très radical !
Un pape reste un homme, et, s’il est le chef de l’Église et donc de toutes les catholiques, son influence sera forcément plus importante chez les uns que chez les autres. Un certain équilibre est trouvé au fil de l’histoire : au pape « conservateur » européen Benoît XVI a succédé un pape « progressiste » correspondant davantage aux latinos et aux Africains.
La complexité du Vatican est aussi incarnée par le cardinal Sarah, Guinéen, qui s’exprime régulièrement contre l’immigration massive et s’inquiète pour l’avenir de l’Europe.
Le cardinal Sarah n’est pourtant pas un homme d’église isolé au fin fond de l’Afrique, il est à la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, l’un des organismes de l’Église venant directement en aide au Saint-Siège et donc basé au Vatican.
Le Pape et les médias
Un autre aspect nécessite que l’on prenne des pincettes : la couverture médiatique du pape.
Grosso modo, ses propos sont toujours tronqués et présentés selon le point de vue des médias dominants !
Il est vu sous un jour plutôt favorable quand le sujet de l’immigration vient sur le tapis, et, au contraire, comme un odieux obscurantiste quand il réaffirme que l’Église est contre l’avortement (il comparait encore récemment l’avortement « au recours à un tueur à gages »… ce n’est pas très Charlie !).
J’ai d’ailleurs l’impression (ce n’est donc pas factuel, mais nous sommes dans une tribune libre !) que plus les années passent et plus les médias attaquent le pape François, sans plus se soucier de son goût pour les migrants. Malgré tous les efforts du souverain pontife pour « être gentil avec tout le monde », ils ne lui pardonnent pas d’être catholique. On le remarque dans les affaires de pédophilie, qui, lorsqu’elles éclatent, sont instrumentalisées pour nuire à l’Église. Au contraire, elles sont passées sous silence ou presque lorsqu’elles touchent d’autres catégories de la population.
Lucide (pour une fois diront certains), le pape a déclaré le 31 mars dernier que les journalistes avaient tendance à calomnier et donner des informations incomplètes, et même « un amour pour le caca, pour les choses sales, pour les scandales ».
Difficile de lui donner tort, même si, là encore, l’exemple qu’il choisit (le soi-disant oubli du prétendu génocide des Rohingya de Birmanie) m’agace au plus haut point quand on sait que des innocents sont tués par des islamistes tous les mois et que des chrétiens sont massacrés aux quatre coins du globe.
Ses propos vous agacent, moi aussi, vous êtes en désaccord avec lui, moi aussi… et c’est un droit que me donne l’Église catholique ! Mais j’ai aussi celui de réfléchir, de prendre du recul et de ne jamais crier avec les loups. Amen !
AR
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