Jean-Pierre Denis et Ronan Le Moal ne s’y attendaient pas : une opposition organisée se met en place pour contrer leur projet de départ de la Caisse nationale de Crédit mutuel. À sa tête, Marylise Lebranchu, présidente de « Restons mutualistes » ; elle organise des réunions.
Le Tro Breizh de Marylise Lebranchu
Marylise Lebranchu a entrepris un Tro Breizh. La politique n’étant plus qu’un souvenir pour elle, elle s’est recyclée dans le mutualisme en devenant la présidente de l’« Association pour le Crédit mutuel en Bretagne et dans le Sud-Ouest ». En résumé, « Restons mutualistes ». Cette association étant l’émanation de la Confédération nationale du Crédit mutuel, l’ancien ministre bénéficie du soutien matériel de cette structure de tête – ce qui facilite bien les choses.
Un rude combat l’oppose donc au tandem Jean-Pierre Denis – Ronan Le Moal, respectivement président et directeur général d’Arkéa, le groupe qui coiffe le Crédit mutuel de Bretagne et qui se fixe comme objectif de quitter la CNCM. Une question posée par Mme Lebranchu résume sa position : « Le groupe Arkéa est une banque qui va bien. Pourquoi, avec de bons résultats, vouloir quitter la Confédération nationale ? » (Ouest-France, Bretagne, mercredi 13 mars 2019).
Mme Lebranchu organise donc des réunions. Elle connaît bien son dossier, ce qui lui permet de mettre les points sur les i et de rappeler quelques vérités premières. Comme le CMB n’est pas une entreprise comme les autres, car mutualiste, ni la direction générale, ni les salariés n’en sont propriétaires. De ce fait, elle réclame des débats contradictoires au cours desquels les partisans et les opposants à la scission échangeront leurs arguments ; ces réunions permettront aux sociétaires de se faire une opinion. Mais les dirigeants d’Arkéa refusent. Ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on sait comment fonctionnent les assemblées générales dites « portes ouvertes » (sic) – dans l’opacité la plus complète.
Les conséquences du divorce
Il faut reconnaître que des réunions mettraient mal à l’aise les dirigeants d’Arkéa, pas habitués qu’ils sont à rendre des comptes. Surtout lorsque les sociétaires apprendront que, en cas de sortie du CMB de la Confédération, leur banque cessera d’être mutualiste – vaguement coopérative tout au plus. Autre point qui troublera les sociétaires : le CMB ne s’appellera plus « Crédit mutuel de Bretagne », mais quelque chose comme « Crédit Arkéa » ou « Banque Arkéa » ; on notera au passage que « Arkéa » est une marque faible ne disposant d’aucune notoriété. En même temps, la CNCM installera sur l’ensemble du territoire breton un réseau qui reprendra l’enseigne « Crédit mutuel de Bretagne ». On s’achemine donc vers une concurrence sévère. Or, rappelle Mme Lebranchu, la concurrence n’appartient pas aux valeurs mutualistes.
Les administrateurs pourraient également s’inquiéter à propos de l’opération à laquelle procéderont les dirigeants d’Arkéa en cas de scission ; les fonds propres des caisses seront siphonnés par la banque. Les caisses perdront donc leur agrément bancaire et deviendront de simples agences – comme à la BNP. En soutenant le projet de Denis-Le Moal, les présidents et les administrateurs prennent donc une responsabilité historique : la disparition de leur caisse. À la vérité, on voit mal des réunions au cours desquelles l’équipe Denis-Le Moal serait obligée de s’expliquer ; ce n’est pas dans l’habitude de ces messieurs. Que pourraient-ils répondre à la question clé ? « Qu’est-ce que la Bretagne a à gagner à l’indépendance ? ».
Jean-Pierre Denis, pas mutualiste pour un sou
Et surtout les débats ne se limiteraient pas à la question du divorce. Des sociétaires mal intentionnés mettraient les pieds dans le plat et rappelleraient que Denis n’est pas mutualiste pour un sou et qu’il n’appartient pas au monde de l’économie sociale et solidaire. Ils voudront également savoir dans quelles conditions cet homme, libéral pur jus, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée pendant le mandat de Sarkozy, a pu être bombardé président d’une banque mutualiste un beau matin, alors qu’il n’était peut-être pas sociétaire la veille. D’autres chercheront à savoir qui décide des salaires royaux que perçoit Denis.
Pour toutes ces raisons et quelques autres, Denis et Le Moal préféreront éviter des débats contradictoires qui les mettraient en fâcheuse position. À l’époque historique de Louis Lichou, ce dernier assistait à des assemblées générales de caisses. Aujourd’hui, on voit mal les technocrates qui dirigent le CMB se prêter à cet exercice ; ils ne se mêlent pas à la plèbe.
Une suggestion à Marylise Lebranchu : organiser des réunions dans des communes qui possédaient un bureau (ancienne caisse locale) du CMB et que la direction générale a fermé il y a quelques années, sans consulter les sociétaires, et surtout sans vote en assemblée générale ; ça c’est du « mutualisme » à la sauce Denis-Le Moal.
L’ambiance qui règne au cours des réunions organisées par Mme Lebranchu montre qu’en cas de divorce, une fraction des sociétaires refusera de suivre Arkéa et rejoindra le « nouveau » CMB.
Bernard Morvan
Crédit photo : DR
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