En multipliant les centres commerciaux en périphérie de leur ville, les maires ont asphyxié les commerces de leur centre-ville. Voilà un sujet qui mériterait d’être traité en profondeur par des journalistes d’investigation. En particulier en décortiquant les votes des commissions départementales d’aménagement commercial ; ils auraient des surprises.
La mort des commerces en centre-ville
Toutes les villes – grandes, moyennes et petites – connaissent un sérieux problème : la multiplication des centres commerciaux en périphérie et, conséquence immédiate, la désintégration de l’activité en centre-ville, ave une fermeture accélérée des boutiques ; c’est la mort du petit commerce.
L’exemple de Saint-Brieuc (44 999 habitants) est particulièrement parlant : la ville est étouffée par quatre zones commerciales en périphérie. A Plérin, on trouve un hypermarché de 4 500 m2 avec 35 boutiques. A Trégueux, un hyper de 3 000 m2. A Ploufragan un hyper de 3700 m2. Sur la zone commerciale de Langueux (30 000 m2), la locomotive est constituée par un hyper de 9 700 m2.
Face à cette frénésie de mètres carrés, le centre-ville offre un centre commercial de 11 000 m2 avec 8 commerces vacants : sur l’ensemble de ce centre, on peut compter 229 boutiques vacantes (Le Monde, samedi 16 mars 2019). On ne peut donc pas dire que Saint-Brieuc soit une ville en bonne santé. Il suffit d’arpenter les rues du centre pour se rendre compte de l’étendue du désastre. Là, comme ailleurs, les maires – de droite et de gauche – sont responsables de cette situation ubuesque ; ils ont encouragé, réclamé, facilité la construction de ces centres commerciaux et de ces fameux hypers, sans se rendre compte que, en même temps, ils tuaient leur centre-ville. Aveuglement total ou bien autre chose…
L’agglomération rennaise n’échappe pas non plus aux centres commerciaux
Il y aurait évidemment beaucoup à dire sur les conditions dans lesquelles les commissions départementales d’aménagement commercial, composées d’élus locaux, donnent leur feu vert à ces réalisations que rien ne justifie plus. Les lecteurs qui souhaiteraient en savoir davantage sur les techniques utilisées sont invités à se reporter à l’ouvrage de Denis Robert, Pendant les affaires, les affaires continuent (Stock, 1996) ; il y est question de corruption en général, et d’achats de votes, de commissions et de valises en particulier – il faut bien que les partis politiques vivent ! Quand on a lu le bouquin de Robert, on a tout compris.
Évidemment l’agglomération rennaise n’échappe pas à ces centres commerciaux, à ces hypers, à ces zones d’activités qui défigurent l’entrée des villes. Nombreux sont ceux qui pensent que ça suffit. Eh bien ! ce n’est pas l’avis du maire de Pacé qui défend l’installation sur sa commune d’un centre commercial dénommé Open Sky. Pour cela, Paul Kerdraon a besoin de neuf hectares de terres agricoles. Mais refus de Rennes Métropole. Pour son président, Emmanuel Couet (PS), « le projet d’Open Sky avait été considéré, en son temps, comme innovant et qualitatif. Ce concept semble aujourd’hui dépassé au regard des exigences environnementales et des nouvelles politiques de déplacements dans la métropole » (Ouest-France, Rennes, vendredi 8 mars 2019).
Évidemment, les mauvais esprits s’empresseront d’expliquer que Rennes Métropole étant dirigée par les socialistes, il n’y avait aucune raison de faire cadeau d’Open Sky à une commune de droite. Plus grave, Paul kerdraon (centre droit) a gagné les dernières élections municipales avec 68,5% des voix au premier tour – les socialistes ont donc de solides raisons de ne pas aimer Kerdraon. Le soir de sa réélection, ce dernier avait expliqué la recette du succès : « Répondre concrètement aux attentes raisonnables de la population, ça paye » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, lundi 24 mars 2014). Question à Paul Kerdraon : gaspiller neuf hectares de terres agricoles, cela correspond-il aux « attentes raisonnables de la population » ? En 2019, ce n’est pas certain.
Les professionnels de l’immobilier considèrent que 80 commerces sont potentiellement en vente dans le centre de Rennes ? Le chiffre d’affaires étant siphonné par les centres commerciaux, leurs propriétaires attendent l’acheteur miraculeux ; il pourrait s’appeler Paul Kerdraon.
Bernard Morvan
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