Jean-Charles Foucrier est passionné par l’histoire contemporaine et notamment la Seconde Guerre mondiale. Il a terminé en 2015 son doctorat à l’université Paris-IV Sorbonne en publiant une étude sur les bombardements alliés sur la France (La Stratégie de la Destruction, Vendémiaire). Il va prochainement intégrer le ministère de la Défense en tant qu’historien. La Guerre des Scientifiques est son deuxième ouvrage.
Un ouvrage de référence en la matière, puisqu’il permet de comprendre ce que cette guerre, terrible sur le plan humain pour l’Europe notamment (et lourde de conséquences), a apporté au bénéfice du monde entier en terme de progrès techniques et scientifiques. Car oui, malgré l’horreur de la guerre, c’est souvent en parallèle que nos sociétés ont trouvé des clés pour évoluer. Un ouvrage à lire et à faire lire.
La guerre des scientifiques – Jean-Charles Foucrier – Perrin – 24 €
Présentation du livre par l’éditeur :
Dans l’enfer de la Seconde Guerre mondiale, alors que le monde est martyrisé par les combats, les maladies, le rationnement et l’angoisse, des hommes et des femmes se battent pour trouver des solutions. Ils n’utilisent pas d’armes et portent rarement l’uniforme. Leurs recherches se mènent loin des champs de bataille, dans le secret des laboratoires ou des bureaux militaires. Ce sont des scientifiques, qui le plus souvent ont décidé volontairement d’apporter leur aide à l’effort de guerre. Certains anoblissent l’intelligence humaine, en soulageant les souffrances avec de nouveaux vaccins et remèdes. D’autres la pervertissent, en infligeant le mal sur les champs de bataille ou dans les camps de la mort en menant des expérimentations pseudo-scientifiques. La plupart se contentent de résoudre avec satisfaction des problèmes complexes. De la recherche médicale aux prémices de la bombe atomique, du décryptage d’Enigma à la bataille des ondes, La Guerre des scientifiques, fruit de nombreuses années de recherche et de l’exploitation de sources inédites, dresse avec justesse le portrait des soldats de cette armée des ombres méconnue.
Nous avons interrogé Jean-Charles Foucrier à propos de cet ouvrage passionnant que constitue La Guerre des scientifiques.
Breizh-info.com : Il semblerait qu’aucune étude n’ait été faite sur cette guerre des scientifiques durant le second conflit mondial. Qu’est-ce qui vous a amené à la faire ?
Jean-Charles Foucrier : Dans mon premier ouvrage, j’ai retracé le parcours d’un scientifique britannique (Solly Zuckerman) engagé dans la planification des bombardements aériens sur la France. Lors de mes recherches préliminaires, je m’étais rendu compte qu’il était loin d’être un cas isolé, et que de très nombreux scientifiques ont participé, de près ou de loin, à ce gigantesque conflit. De manière logique, j’ai ainsi décidé de m’intéresser de manière globale à cet aspect méconnu des scientifiques dans la Seconde Guerre mondiale.
Breizh-info.com : On dit des guerres que ce sont elles qui permettent une accélération des progrès techniques, médicaux, sanitaires. Qu’est-ce que la Seconde Guerre mondiale a apporté de majeur sur ces aspects ?
Jean-Charles Foucrier : La Seconde Guerre mondiale, encore plus que le premier conflit, a permis de réaliser des progrès scientifiques à très grande vitesse, en favorisant le meilleur (et le pire) de l’intelligence humaine. Face à l’urgence des besoins, des moyens inédits et virtuellement illimités ont été engagés pour trouver le plus rapidement possible des solutions qui en temps de paix auraient probablement demandé des dizaines d’années. La technologie, la médecine et la physique ont particulièrement bénéficié d’avancées fulgurantes. Nombre de ces progrès font désormais partie de notre quotidien, tels le radar, les micro-ondes, la bombe atomique, la pénicilline ou encore l’informatique.
Breizh-info.com : Quelles ont été les recherches les plus folles que vous ayez découvertes à cette époque ?
Jean-Charles Foucrier : De nombreuses découvertes ont semblé à l’origine totalement improbables, telle la bombe atomique. Au début, en 1939, très peu de scientifiques estimaient possible la réalisation d’une telle bombe dans un futur proche, à commencer par Albert Einstein. D’autres recherches ont à l’inverse semblé prometteuses, bien que dans les faits surréalistes. Ainsi l’inventeur britannique Geoffrey Pyke s’est lancé dans un projet pharaonique : créer de gigantesques porte-avions en glace et incoulables, de véritables morceaux de banquises motorisés. Cette idée stupéfiante a pendant plusieurs années été prise très au sérieux et plébiscitée par Winston Churchill, avant de se révéler totalement impraticable, et de sombrer (!) dans l’oubli.
Breizh-info.com : Vous évoquez également la naissance de l’informatique à cette période, pouvez-vous revenir dessus ?
Jean-Charles Foucrier : La naissance de l’informatique est intimement liée au britannique Alan Turing, désormais bien connu du grand public. Dès les années 30, avec sa « Machine de Turing », ce génie des mathématiques prophétisait ce qui deviendrait la programmation et l’intelligence artificielle. Paradoxalement, durant la Seconde Guerre mondiale, Turing n’est pas directement impliqué dans le développement de l’informatique. Sa célèbre « bombe » inventée pour déchiffrer Enigma est avant tout une machine électromécanique, consacrée à une seule tâche. Les Britanniques Max Newman et Tommy Flowers inventent en revanche durant le conflit le « Colossus », véritable ordinateur électronique programmable, capable de réaliser des algorithmes. Cette immense machine décrypte des machines à chiffrer plus complexes qu’Enigma, et fournit d’importants renseignements aux Alliés à la veille du débarquement de Normandie.
Breizh-info.com : Travaillez-vous actuellement sur d’autres projets ? Ya-t-il des livres, autres que le vôtre, que vous avez apprécié découvrir, en tant qu’historien, dernièrement ?
Jean-Charles Foucrier : Je poursuis actuellement des recherches sur des aspects méconnus de la Résistance, notamment à Paris, en vue de la publication de mon prochain ouvrage. J’ai dernièrement beaucoup apprécié le dernier livre de l’historien britannique Anthony Beevor, Arnhem, qui revient sur un spectaculaire échec des Alliés en Hollande en septembre 1944, bloquant de longs mois l’avancée finale en Allemagne. Anthony Beevor livre une analyse sans concession sur la responsabilité des chefs britanniques dans cette offensive, trop optimiste et mal préparée.
Propos recueillis par YV
Crédit photos : DR
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