130 djihadistes rentrants de Syrie : ce que cela nous enseigne

Réagissant à l’annonce du possible retour en France de nombre de djihadistes depuis la Syrie, le criminologue et essayiste Xavier Raufer dénonce les politiques américaines au Moyen-Orient et l’attitude suiviste des autorités françaises.

L’amitié n’exclut pas la lucidité. S’agissant des États-Unis d’Amérique, cela revient à constater qu’ils sont peu doués pour les guerres néocoloniales. Toutes les leurs (grandes ou petites) tournant au désastre : Vietnam, Somalie, Irak, etc. Même la «Guerre mondiale contre le terrorisme» (Global War On Terror, GWOT), inlassablement menée depuis le président George W. Bush, finit mal. Une récente étude du Center for Strategic and International Studies de Washington établit ainsi que le monde compte, fin 2018 (chiffrage minimal) trois fois plus de terroristes djihadistes (environ 100 000) qu’en 2001, lors des attentats du 11 septembre (environ 37 000).

Ce piètre résultat a coûté à Washington 5 900 milliards de dollars. Et même si la guerre s’achevait net, resteraient pour 2019-2023, 808 milliards de dollars de dépenses induites. Mieux vaut éviter de suivre le Pentagone dans ses aventures. Et c’est sans compter l’inévitable lassitude : car à la fin, l’armée américaine rentre au bercail, laissant le bec dans l’eau alliés, frères d’armes et mercenaires locaux.

La superpuissance américaine lutte désormais stratégiquement contre la Russie et la Chine. Quant aux alliés, supplétifs, employés, restés en Syrie : bonne chance, bye-bye!

En janvier, à Washington, le général Mattis, alors ministre de la Défense, proclame qu’en Afghanistan, Syrie, Irak, le contre-terrorisme est caduc.

Voici qui éclaire la récente déclaration officielle selon laquelle «130 djihadistes « français » détenus en Syrie seraient rapatriés en France». Tous (hommes, femmes, environ une moitié d’enfants) sont connus du gouvernement français, qui en a la liste détaillée – même s’il ne la publie pas (pourquoi ?).

Les présidents Hollande et Macron (cynisme ? ignorance ? désir atlantiste d’être l’allié indispensable ? pressions plus vicieuses ?) sont donc entrés dans l’alliance bricolée après les attentats de 2015 pour «anéantir l’Etat islamique».

Lors des combats au sol, les djihadis étrangers égaillés dans la région ont été ramassés par des supplétifs comme les «Forces démocratiques syriennes». Ces guerriers kurdes haïssent ces fanatiques étrangers et n’ont pas trop envie d’être leurs geôliers – mais les grands chefs du camp du Bien respectent les droits de l’homme – donc, prisonniers ils restent dans des camps, en attendant Allah sait quoi.

L’armée américaine amorce son départ de Syrie. Inévitablement, la France suivra, malgré les rodomontades officielles.

Notons qu’alors, l’axe Iran-Syrie (milices chiites irakiennes, Hezbollah, etc.) est plus expéditif : après leurs batailles, les prisonniers étrangers n’abondent pas. A la reprise de Mossoul, nombre de ces djihadis (dont des groupes de «Français») ont ainsi «disparu».

Or là-dessus, l’armée américaine amorce son départ de Syrie. Inévitablement, la France suivra, malgré les rodomontades officielles. Mais que faire des 130 islamistes détenus au «Kurdistan syrien» ? Les laisser sur place ? Les Kurdes risquent de s’en «débarrasser». Et comme aujourd’hui tout se sait, le tandem Macron-Philippe serait cloué au pilori médiatique pour ces probables exactions – ou pire. Il faut donc rapatrier ces djihadistes, au piteux prétexte qu’ainsi, «on saura où ils sont». Tels sont les résultats d’une constamment brouillonne et velléitaire politique proche-orientale, depuis le début du quinquennat Hollande. Les attentats terroristes et les morts sur le sol français d’abord ; les zonards du djihad sur les bras désormais.

Xavier Raufer

Xavier Raufer enseigne au Master en sciences criminelles & criminologie du Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) et est professeur associé à l’institut de recherche sur le terrorisme de l’Université Fu Dan, à Shanghai, et au centre de lutte contre le terrorisme, la criminalité transnationale et la corruption de l’université George Mason (Washington DC).

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

Crédit photo : VOA/Wikimedia (cc)

Source : RT France

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