En matière d’élections, Jean-Yves Le Drian a beaucoup donné : treize élections, douze victoires. Actuellement très occupé avec les Affaires étrangères, il souhaite respirer un peu. Mais à l’Élysée et en d’autres lieux de pouvoir, on songe à lui pour conduire la liste officielle (LREM – MoDem) aux prochaines élections européennes.
Il l’a affirmé : « Pour moi, le temps des élections est révolu. » (Le Télégramme, samedi 29 novembre 2018). Autrement dit, Jean-Yves Le Drian ne briguera pas un nouveau mandat. A cour sûr, en déclarant cela, le ministre pensait au conseil régional de Bretagne. « Lorsque le président de la République m’a fait l’honneur de me confier la haute responsabilité d’être son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, j’ai renoncé à la présidence de la région Bretagne et j’ai souhaité que Loïg Chesnais-Girard me succède. C’est une décision sans retour. Elle est d’autant plus définitive que Loïg Chesnais-Girard assume sa tâche avec beaucoup de talent et d’efficacité au service des Bretonnes et des Bretons. Il a tout mon soutien et je suis fier de ce qu’il entreprend », martèle-t-il (Le Télégramme, jeudi 26 juillet 2018).
Tête de liste pour les européennes ? Officiellement Le Drian dit non
Mais une autre compétition se prépare actuellement : les élections européennes (26 mai 2019). Il parait qu’en haut lieu on pense à lui pour diriger la liste officielle (LREM – MoDem). Certes, jusqu’à maintenant, Le Drian demeure catégorique : « Non, ce ne sera pas moi » (France-Inter, lundi 4 février 2019). Par conséquent les choses sont claires : la tête de liste pour les européennes, il n’en veut pas !
« Il n’empêche. Dans les hautes sphères de la macronie, certains ne désespèrent pas de convaincre le Breton de revenir sur sa position. Selon ce très proche du chef de l’État, Le Drian a deux atouts : « l’ancienneté et la stature ». « Son profil trancherait avec les têtes de listes jeunes et sans expérience des « insoumis » [Manon Aubry], de LR [François-Xavier Bellamy] et du RN [Jordan Bardella]. » Quid de la rumeur qui enverrait plutôt « le Menhir » à Matignon au printemps prochain ? « Il est trop marqué Hollande ! », poursuit ce « marcheur » de la première heure. Si Édouard Philippe venait à être remplacé, il faudrait dégoter « un profil plus original ». (L’Obs, 7 février 2019).
« Junioriser » les têtes de listes de l’opposition ?
C’est une idée qui semble faire son chemin puisqu’elle est poussée par certains au gouvernement. « Il serait un super choix car il peut « junioriser » les têtes de listes de l’opposition », souligne un ministre de poids (Le Monde, mercredi 23 janvier 2019).
Il y aurait-il un fléchissement de Le Drian ? On pourrait le croire après sa déclaration hostile à l’organisation d’un référendum le jour des européennes : « L’enjeu européen est suffisamment fort pour en faire un enjeu européen ? Le référendum, c’est autre chose, c’est un enjeu national. Je ne pense pas qu’il faille mélanger les deux (…), ce n’est pas souhaitable. » (France-Inter, lundi 4 février 2019). En effet, s’il n’est pas tête de liste, la décision d’Emmanuel Macron d’organiser les élections européennes et le référendum le même jour ne le dérange guère ; il n’est pas concerné directement. Mais si Le Drian finit par céder à la demande pressante de l’Élysée, on comprend qu’il n’ait pas envie de se battre sur deux fronts ; un seul – l’Europe – lui suffira. Voilà une condition qu’il peut poser dès maintenant.
Un spécialiste des campagnes électorales courtes… et victorieuses
Le Drian est le spécialiste des campagnes électorales courtes. Aux dernières élections régionales (décembre 2015), il avait perfectionné le système en Bretagne en ne faisant pas campagne ! Ce qui ne l’avait pas empêché de l’emporter sur son seul nom (notoriété + popularité). S’il était contrait de se jeter à l’eau pour ces européennes, il pourrait refaire le coup. D’une part les sondages montrent que la liste officielle (LREM – MoDem) arriverait en tête : 23% des suffrages exprimés (enquête Ifop pour Valeurs actuelles, janvier 2019) ; la liste Rassemblement national se contentant de la seconde place avec 21% (sans Gilets jaunes) ou bien 18,5% (avec Gilets jaunes). D’autre part si l’élection présidentielle devait se dérouler maintenant, Emmanuel Macron sortirait vainqueur du premier tour : 30% des suffrages exprimés. Et du second : 56%, Marine Le Pen se hissant à 44% (Enquête Ifop, Marianne, 8 février 2019).
Avec ces données-là, Jean-Yves Le Drian ne prendrait pas de grands risques en acceptant de diriger la liste macroniste. Mieux, il sortirait de l’opération avec l’image du vainqueur. Ce qui pourrait lui permettre d’obtenir quelques avancées de l’Élysée en ce qui concerne la régionalisation en général et la Bretagne en particulier.
Bernard Morvan
Crédit photo : Jérély Barande/Wikimedia (cc)
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