Située passage Louis Levesque près de la place Viarme et abandonnée depuis près de deux ans, la chapelle des Sœurs de l’Espérance, bâtie peu après 1857, est en train de connaître des travaux. Qui devraient cependant la défigurer, au contraire d’autres bâtiments religieux reconvertis à Nantes comme la chapelle des Jésuites (rue Dugommier) ou celle des Sœurs de la Sagesse (Sozo Hôtel, rue Cailliaud).
C’est alertés par un des ouvriers du chantier en cours que nous nous sommes rendus sur place, où l’on nous a confirmé que le repreneur avait pour projet de transformer la chapelle en appartement. Seule la façade serait gardée. Le bâtiment serait surélevé légèrement – la construction prévue aura quatre niveaux – mais surtout les voûtes détruites et les fenêtres néogothiques à remplages démontées.
Les vitraux et les statues devraient être récupérés par une société spécialisée, nous a-t-on précisé sur le chantier. Les boiseries, le sol, l’autel et les fonts baptismaux, plutôt bien conservés, ont déjà disparu du paysage. Le sol a été décaissé et les ouvriers travaillent aux fondations de la future cage d’ascenseur. La porte devrait être « démontée et conservée » pendant le chantier, dont le chef n’a su nous préciser si elle allait être remise en place à la fin.
Sise passage Louis Levesque, la chapelle des Sœurs de l’Espérance, dédiée à Notre-Dame de Bonne Espérance, a été bâtie peu après 1857, tandis que le bâtiment du couvent peu avant – ce dernier a été cédé dans un projet différent, restauré et transformé en appartements. Après le départ des sœurs qui avaient créé une clinique, une partie des bâtiments a été cédée à la MSA, le reste à la Clinique de l’Espérance qui y est restée jusqu’en 2005. La chapelle a servi de dépôts d’archives pour la MSA.
En 2014, l’étude nantaise Gaschignard-Menanteau a tenté sans succès de vendre la chapelle en 24 heures ; selon nos informations, des structures religieuses de la ville s’étaient rapprochées du propriétaire, sans succès. Ces derniers mois, la chapelle aurait été aussi laissée ouverte aux quatre vents : « j’y suis allé avec un voisin, on pouvait entrer par derrière, côté cour de la MSA », nous explique un riverain. « Il y avait des tags sur les piliers, des déchets dedans, ça se voyait qu’elle avait été visitée à maintes reprises. Cet accès n’a été refermé que fin décembre. »
D’après l’inventaire exhaustif réalisé en 2009-2010 par La France des Clochers, Nantes comptait alors plus de 100 « clochers », un terme générique pour désigner des lieux de culte chrétiens, en service ou non. Et se hissait ainsi dans un club très fermé de villes européennes – éprouvées en général par la Révolution et les bombardements – avec Paris, Lyon, Prague (176) ou encore Moscou… mais pas Rouen ni Caen ou Arras contrairement aux appellations locales.
Cependant, depuis, nombre de projets immobiliers se sont attachés à en diminuer le nombre – et souvent si les bâtiments sont reconvertis, s’il y a une chapelle, elle est systématiquement rasée. Aux deux exceptions de la chapelle des Jésuites (rue Dugommier) et du Sozo Hotel (angle Allonville / Cailliaud), font face les destructions de la chapelle du patronage Saint-Donatien, rue de Coulmiers près Sainte-Elisabeth, des sœurs Notre-Dame de Charité rue de Gigant – seul l’hôtel particulier est conservé –, des Dames Blanches de l’Éperonnière sur le site de l’ancienne caserne Mellinet, des Petites Sœurs des Pauvres rue Haute Roche – remplacée il est vrai par un édifice résolument moderne et bien loin de la beauté de la chapelle historique, etc.
La chapelle de la clinique des Augustins (face au carrefour Bel Air-Bellamy) sera abattue courant 2019. Il n’y a guère qu’à la Persagotière (Nantes sud) que le projet immobilier prévoit la conservation de la chapelle XIXe… pour la convertir en pôle administratif. En parallèle, une église est en train d’être construite à Nantes par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (catholiques traditionalistes), rue François Bruneau, mais elle remplace une chapelle établie par les mêmes dans une ancienne usine de chaussures.
Il est particulièrement inquiétant de constater que toutes ces destructions ont eu lieu dans un silence quasi-total des pouvoirs publics, des médias et même des autorités religieuses catholiques – plus pressées d’accompagner le mouvement (vente de l’ancien patronage Saint-Donatien, abattage d’une partie du couvent historique des Petites sœurs des Pauvres dont la chapelle) que de tenter de peser pour sauver le patrimoine et l’histoire de Nantes. Mieux vaut sans doute pour eux une chapelle abattue – et des sous dans les caisses – que reconvertie ou, horresco referens, transmise aux traditionalistes.
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