Il n’y a pas que les chapelles du XIXe siècle à avoir la vie dure à Nantes – que ce soit rue de Coulmiers, passage Louis Levesque ou encore rue de la Haute Roche.
L’aménagement très récent du petit square entre l’étude notariale et l’entrée haute du parking Talensac malmène un mur du VIe siècle. Vestige d’une des plus anciennes chapelles de Nantes, cela illustre le (mal)traitement du patrimoine par la municipalité de Johanna Rolland.
On pourrait passer devant sans réellement remarquer les grilles, l’olivier – qui a autant sa place qu’un magnolia en Islande –, les dalles de schiste neuves posées plutôt avec soin et le carré d’herbe, au fond de la place Saint-Similien, près de l’entrée haute du parking. Les poteaux en béton en revanche se voient bien. Sur ce petit terrain de 314 m², jadis en accès libre, l’étude notariale s’est aménagé un accès secondaire, pédestre, avec haut portail – trop haut, trop grand.
Derrière en effet se trouve, tout au fond, un mur du VIe siècle qui est l’ultime vestige d’une des plus anciennes chapelles nantaises : la chapelle Saint-Symphorien, ancienne chapelle du cimetière des hommes de la paroisse Saint-Similien. Fermée en 1790, elle a été détruite au XIXe siècle. L’église, en face, ne doit pas faire illusion par ses élévations néogothiques et son beau cloître de la même époque : elle se dresse sur le lieu d’une des plus anciennes paroisses de Nantes, comme le rappelle d’ailleurs son puits, à l’entrée de la nef.
Mais pour en savoir plus sur cette « pépite du patrimoine », inutile de chercher des indices sur place. Il faut lire Breizh Info ou entrer dans l’église et fouiller l’imposant panneau consacré au patrimoine religieux – très important – du quartier. Sur la placette ou à ses abords, rien n’indique que le mur moussu tout au fond est un des plus vieux de Nantes, ni d’ailleurs l’usage de la place – ex-cimetière.
Il faut reconnaître que le portail donnant sur l’étude notariale – très carré – a été construit dans le mur situé dans le prolongement du tronçon du VIe siècle. Mais ce dernier ne semble servir à rien, sauf pour y accoter les grilles retirées avant les travaux. Cette étude a d’ailleurs une autre entrée sur la rue Jeanne-d’Arc qui est aussi un élément de patrimoine : c’est la dernière des entrées historiques de l’ancienne usine à gaz, active de 1837 à 1934. Cette fois encore, rien n’en rappelle le souvenir, bien qu’en 2018 les 80 ans du marché Talensac, en face, eussent été l’occasion de poser une plaque.
Les riverains ne sont d’ailleurs dans leur quasi-totalité pas au courant de la valeur patrimoniale du mur de la chapelle Saint-Symphorien : « aucune idée », nous confie un commerçant proche. « Pour moi c’était surtout une placette régulièrement squattée à cause du CCAS voisin. Là au moins, avec les grilles, c’est plus propre et on est tranquille ».
Un ancien du quartier, bien au fait de l’histoire locale, reconnaît que « le patrimoine local n’est pas du tout mis en valeur, sauf dans l’église Saint-Similien. Le quartier abritait un certain nombre d’institutions religieuses dont rien ou presque ne rappelle le souvenir. Et si la mairie veut installer une champignonnière dans l’ancienne chapelle de l’école du Martray, elle a beaucoup communiqué sur la reconversion, pas du tout sur l’histoire de l’école dont il reste pourtant plusieurs bâtiments. C’est assez révélateur, comme d’ailleurs avec le traitement de ce mur : sortie du Château des Ducs de Bretagne et un peu du centre ancien, la mairie se fiche complètement du patrimoine et des quartiers proches du centre ».
Louis Moulin
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine