Depuis plusieurs années déjà, les « mois sans » se multiplient. Mois sans tabac, mois sans alcool, mois sans sucre, mois sans… Comme s’il fallait impérativement prendre les individus par la main et les inciter à se priver, après les avoir rendu dépendants à tel ou tel produit ou substance à grand renfort de publicité.
De notre côté, effrayés par les statistiques concernant le cancer en Bretagne, et par les maladies liées aux consommations excessives d’alcool et de tabac dans notre région (consommations elles-mêmes liées à un mal-être social confirmé par le taux élevé de suicides en Bretagne), un de nos journalistes a décidé de faire d’une pierre deux coups : un mois sans alcool, ni tabac, en dehors de tout calendrier imposé. Et vous savez quoi ? Tout va bien, et il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ! Témoignage.
Pourquoi le mois de janvier ? Pour bien commencer l’année, après des journées entières dans l’excès en fin 2018, entre repas de familles et repas entre amis. Et par volonté de se tester, de tester sa résistance et sa dépendance à des produits qui pourtant, n’ont rien de naturels.
Consommation habituelle de tabac : 8 à 12 cigarettes par jour, depuis de nombreuses années. Consommation habituelle d’alcool : un peu au-dessus des limites recommandées par l’OMS.
Pour arrêter de fumer, il faut arrêter de boire
Ces conseils n’iront sans doute pas à ceux qui, gros fumeurs d’un paquet ou plus par jour, allument leur cigarette au réveil le matin. Ce n’est pas mon cas. Cela n’a jamais été le cas. Mais me concernant, après avoir essayé plusieurs fois des patchs pour arrêter de fumer, des gommes à mâcher, de l’hypnose et autres thérapies alternatives, la cigarette électronique, rien n’avait fonctionné.
Le livre d’Allen Carr La méthode simple pour en finir avec la cigarette, que j’ai lu et relu, m’a aidé mentalement, certaines réflexions qu’il fait étant intéressantes. Mais il n’a pas non plus été révolutionnaire.
Non, la révolution, c’est dans la tête, dans notre propre cerveau, qu’elle doit se faire. Si notre cerveau a été capable, durant des années, de mettre en place certains automatismes (se lever > fumer, téléphone > cigarette, stress > cigarette, joie > cigarette, colère > cigarette), il doit également être capable, c’est la force de l’être humain, de les effacer. Et de repartir sur des bases saines.
Me concernant, j’ai décidé d’effacer d’abord ce qui provoque une accélération de la dose de nicotine requise par le cerveau : l’alcool. Une soirée arrosée avec des amis ? Un paquet de cigarettes ou plus. Et même en dehors des soirées, j’ai fait le calcul et me suis rendu compte d’une augmentation significative du nombre de cigarettes fumées le soir (avant et après le repas, alcoolisé donc), que le matin ou en journée. Bien évidemment, chaque cas est différent. Mais à chacun de se servir de sa réflexion personnelle, et non pas d’une canne artificielle, pour s’en sortir.
En supprimant les deux d’un coup, on se rend compte d’une chose : la cigarette est réellement un poison très puissant, puisque plus puissant encore que l’addiction (hé oui, même un ou deux ou trois verres chaque soir est une addiction) à l’alcool. C’est essentiellement elle qui va manquer durant les premières heures, les premiers jours, la première semaine. L’alcool, on l’oublie vite, très vite (là encore, je ne parle pas de situation que je ne connais pas, comme celle des alcooliques sévères, dépendants physiquement de l’alcool et qui eux, ont besoin d’un suivi médical immédiat pour se sevrer).
Le tabac lui, est difficile à chasser de notre esprit. Il faut lutter durant toutes les premières journées contre les réflexes que notre cerveau a fabriqué durant des années. Il faut se battre contre lui, et ce n’est pas évident, mais vous n’en serez que plus satisfaits et fiers une fois le combat remporté. Une bonne nouvelle reçue en début de matinée ? Envie de fumer qui monte… 20 pompes et c’est réglé. Une contrariété dans la journée ? Le cerveau nous alerte… tabac… 20 pompes à nouveau…
La cigarette d’après repas nous fait terriblement envie ? Quelques fruits secs feront l’affaire – et éviteront de donner du grain à moudre à la théorie qui voudrait qu’arrêter de fumer entraine une prise de poids. Si vous équilibrez les choses, dans votre cerveau, il n y a aucune raison de compenser un excès par un autre excès. Il n y a aucune raison non plus de se servir d’une béquille possiblement nocive (les cigarettes électroniques, sur lesquelles nous n’avons aucun recul à ce jour).
Un mois sans alcool et tabac : un tremplin pour l’avenir
La grande lutte contre les envies déchirantes de tabac et/ou d’alcool intervient la première semaine. Si vous compensez cette brimade pour votre cerveau par du sport, par des occupations diverses et variées, vous franchirez le cap. Bien entendu, il faut aussi se préserver. Envoyez balader les amis et les sollicitations pour sortir, pour prendre un verre. Pour ce mois, qui va vous servir de tremplin pour arrêter définitivement de fumer, il faut être dans un cocon. Dans son cocon. Loin de toutes les tentations et sans pour autant se sentir frustré. Facile à dire ? Pas tant que ça. On peut quand même faire l’impasse, surtout durant les mois noirs en Bretagne, sur quelques sorties.
D’ailleurs, les mois noirs, la période la plus dure de l’année (niveau température, climat, météo, moral en général) est une période qui, si vous décidez d’arrêter à ce moment-là, vous rendra encore plus fort. Quoi de mieux en effet que de se sevrer dans les conditions les plus difficiles ? Si vous remportez ce combat, vous pourrez ensuite soulever des montagnes dans d’autres domaines.
Une fois la première semaine passée, c’est de la gestion, uniquement de la gestion. Vous allez déjà ressentir de la fierté à ne plus sentir le tabac froid, à mieux respirer, à avoir un pouls qui redescend, à pouvoir faire plus d’efforts. Et par la suite, votre cerveau va commencer de lui-même à faire le tri, et à remettre ses idées en place, à se rendre compte qu’il n y a plus besoin de substances pour fonctionner correctement et vivement.
Bien entendu, il y aura des moments difficiles. Mais pas si nombreux que cela. L’obsession pour la cigarette n’est qu’une question de secondes, maximum de quelques minutes. Ce sont plusieurs rounds de boxe sur une journée, puis ces rounds diminuent au fur et à mesure que la dépendance s’effondre. Et au final, seuls les scénarios qui étaient le plus accrochés dans votre esprit (et notamment celui du « traditionnel » apéro-cigarettes dans nos contrées) restent, et c’est de ceux-là qu’il faut se méfier.
Si dans les prochaines semaines, vous êtes amenés à consommer de l’alcool en soirée, vous risquez de sombrer et de craquer, d’où le conseil de l’isolement temporaire. Pour la suite, puisque vous aurez réussi seul, il faut réussir à indiquer à notre cerveau que consommer de l’alcool en soirée, ce n’est pas obligatoire non plus (vous allez rapidement ressentir également les bienfaits de l’arrêt total de l’alcool). Et si vous le souhaitez quand même, soyez vigilants, et surtout, soyez certains que la moindre apparition d’ivresse risque de vous faire basculer, car d’autres éléments du cerveau, que vous ne contrôlez pas ou peu, vont se mettre en place à ce moment-là.
Si vous franchissez ce cap d’un mois (ou de plusieurs semaines) sans alcool ni tabac, vous allez ressentir fierté, liberté. Vous allez vous sortir d’un schéma mental dans lequel vous étiez et qui se révèle destructeur au final. « Il faut bien mourir un jour » diront certains. Oui, c’est une certitude. Mais si on peut éviter de le faire avant ses enfants, dans une déchéance totale, et dans d’atroces souffrances, c’est sans doute mieux ainsi non ?
Bretagne : en finir avec une mythologie dangereuse
En Bretagne, il y a une mythologie – que l’on retrouve chez nos autres cousins celtes – liée à l’alcool. L’apéro, la fête (pour un oui ou pour un non, dans toutes les communes, dans tous les villages, toutes les occasions sont bonnes). Pourtant, toutes les mythologies ne sont pas forcément bonnes à transmettre et à porter. Certaines aliènent, asservissent. Les Indiens d’Amérique en savent quelque chose, eux qui ont été dépossédés de leurs terres en partie à cause de cela.
Hormis vous proposer des « mois sans » à grand renfort de publicité, les pouvoirs publics ne s’interrogent jamais sur les causes du tabagisme, de l’alcoolisme, particulièrement dans notre région. Et les fêtes de l’andouille, de la saucisse, de la kermesse à 3 grammes, des charrues, continuent toute l’année, subventionnées en plus. Buvette quasi obligatoire. Moqueries ou remarques souvent garanties à ceux qui ne consomment pas plus que de raison.
Moraliste ? Absolument pas. Chacun doit être libre de faire ce qu’il veut, mais chacun doit avoir toutes les conditions réunies de son libre arbitre. Tant que les buralistes auront le pouvoir, à chaque coin de rue, de vendre de la mort à retardement, les citoyens ne seront pas libres, même avec toutes les photos et tous les écrits du monde sur un paquet de cigarette. Tant que des lobbys milliardaires auront le pouvoir d’en fabriquer et d’arroser la planète entière, sans passer le restant de leurs jours en prison, les citoyens ne seront pas libres. Tant que des dealers pourront, en toute impunité ou presque, se livrer à du trafic de mort dans les quartiers et les rues de nos villes et villages, les citoyens ne seront pas libres.
Notre liberté, celle de la Bretagne et des Bretons puisque cela nous concerne, mais aussi celle de tous ceux qui veulent s’affranchir de chaînes artificielles fabriquées par des individus qui s’engraissent sur notre dos, ne pourra se conquérir qu’en achevant de fermer le livre de cette mythologie dangereuse à laquelle on nous a cantonné. Et dans laquelle certains adorent se vautrer et se complaire.
« On est Breton, on tient la marée » qu’ils disaient. Pourtant tous les jours, l’Ankou, la faucheuse, frappe à la porte, et emporte avec elle, dans des conditions que personne ne souhaiterait pour ses propres enfants, les victimes du tabagisme, de l’alcoolisme, de l’héroïne, de la cocaïne, et de tous ces fléaux introduits par des gens mal, très mal intentionnés.
Arrêter le tabac et l’alcool pendant un mois d’abord, pour toute la vie ensuite ? Enfin briser ses chaînes. C’est possible, et c’est un combat. Alors, êtes-vous prêts à relever le défi ?
Joachim Leroux
Photo : DR
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