Suite de la tribune de Jean-Philippe de Lespinay à propos de la fin de la République française, de l’instauration d’une véritable démocratie via une nouvelle constitution, qu’il propose ci-dessous.
Proposition d’une constitution réellement démocratique
Il faut remettre le peuple au centre de la constitution, qui sert à le protéger. Hélas, personne en France ne semble préoccupé de faire porter le débat sur cette question ou de proposer une constitution simplement moderne. Les « constitutionnalistes », souvent des professeurs ou des hauts fonctionnaires, font du replâtrage à partir du texte existant, créent de nouvelles règles, en suppriment d’autres, rendent le texte encore plus abscons et, surtout, n’inscrivent pas en tête le droit du citoyen de révoquer ses élus. Il faut repartir d’une page blanche !
Je me suis attelé à cette tâche ce qui a donné une « constitution démocratique » dont vous pouvez lire la totalité ici (https://jpdelespinay.wordpress.com/2016/11/22/projet-de-constitution-democratique/).
Cette lecture ne suffira probablement pas à vous convaincre que les idées qu’elle contient sont bonnes. Je vais donc vous expliquer la raison des articles les plus importants. Vos remarques permettront sûrement de les améliorer par la suite.
Dans ce qui suit, « élu » signifie n’importe quelle personne élue : 1) au suffrage direct et 2) par le peuple résidant sur le territoire que l’élu a à gérer. Donc : les maires, présidents régionaux, le chef de l’État. Les conseils ex-généraux (les départements), foyers de centaines d’élus inutiles, disparaissent. C’est dommage pour la Vendée, le seul département qui a une légitimité historique mais il existe des solutions pour lui redonner sa place dans une région. Le scrutin de liste est supprimé, une sorte de mensonge qui dilue la responsabilité, coûte cher vu le nombre d’élus et peut mener par surprise au choix d’un leader qui n’est pas en tête de liste.
« Chef de l’État » implique également son équipe : le gouvernement, qu’il compose à sa façon et que la constitution n’a pas à définir contrairement à l’actuelle.
Il va de soi par ailleurs que le statut de fonctionnaire est aboli. Tout le monde a un patron, même le chef de l’État (le peuple), qui donne les directives, licencie ou récompense. Chacun peut changer de poste ou d’entreprise sans risquer de perdre un privilège comme l’emploi à vie.
Vous allez voir que la constitution démocratique que je vous propose a l’immédiate vertu de rendre superfétatoire tous les « machins » aux mains d’élus corrompus : l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil constitutionnel, le conseil d’État, lesquels disparaissent.
Les articles qui suivent ne sont pas numérotés comme dans mon projet de constitution démocratique. Je cite seulement dans l’ordre d’importance les plus intéressants à mes yeux, d’où découle le reste du texte.
Article 1 : « Le peuple peut révoquer celui qu’il a élu à tout moment sans explication. »
Toutes les constitutions régissant des pays ont été écrites par des élites puissantes peu disposées à perdre leur pouvoir sur la vache à lait. C’est pourquoi aucune ne commence par cet article essentiel pour une démocratie, dont tous les autres découlent. L’élu doit pouvoir être révoqué ad nutum, comme un chef d’entreprise.
Article 2 : « Si l’élu est le chef de l’État, il est le magistrat suprême, aucune loi n’est supérieure à la sienne. »
En effet, la société évolue tellement vite que les lois ne doivent pas être inscrites dans le marbre ni être réservées à un « législateur » pléthorique et malhonnête. Elles doivent pouvoir s’adapter sans cesse, sans compter que des lois immuables laissent le temps à certains groupes d’en faire leur fromage aux dépens du peuple. Seul un élu, révoqué s’il déçoit et gardé s’il plaît, peut veiller à ce qu’elles soient adaptées à la satisfaction du peuple. Le chef de l’État a tous les pouvoirs. On est en régime « présidentiel ». D’aucuns imagineront qu’il risque d’en profiter pour s’accorder des privilèges exorbitants ou, pris d’un coup de folie, pour ordonner un génocide. Cela supposerait tout de même que le peuple ignorait tout de son passé de fou avant de l’élire. Invraisemblable au temps d’Internet. De toute façon, chaque intermédiaire sous ses ordres peut se rebeller en son âme et conscience, le temps que l’article 1 révoque le chef de l’État : il est remplacé, les troubles cessent.
Article 3 : « L’élu, chef de l’État inclus, n’est pas révoqué par une commission ou un Parlement, son mandat est simplement remis en jeu devant le peuple. »
Cette remise en jeu s’effectue simplement par de nouvelles élections. Elles désignent un nouveau président, ce qui revient à révoquer le précédent. Ou elles le maintiennent à son poste. Ainsi le pouvoir n’est jamais vacant.
Article 4 : « La proposition de révocation d’un élu se fait par le Conseil des Sages de son territoire, constitué de 3 membres eux-mêmes élus sur ce territoire. S’ils jugent qu’un meilleur candidat que le président en cours sera choisi par le peuple, ils provoquent de nouvelles élections. »
Le Conseil des Sages est le seul comité défini dans la constitution démocratique. Il y en a un par élu. Le Parlement, censé contrôler l’action du président et le révoquer en cas de faute grave mais qui ne le fait jamais, disparaît. Les représentants du peuple eux-mêmes, révocables à tout moment, s’autocontrôlent.
Pourquoi 3 membres seulement et pas les 577 députés et 348 sénateurs actuels ? La question est drôle tellement tout le monde pense que notre Parlement est pléthorique et inefficace, mais 3 seulement, cela en fera peut-être tiquer certains. Voilà pourquoi : plus une commission est nombreuse, moins la prise de décision est rapide et pertinente. Sans oublier que son coût est proportionnel au nombre de ses membres. En outre, il faut un nombre impair de décideurs pour éviter le ballotage, donc l’indécision.
Suite du texte : « Les membres d’un Conseil des Sages seront sanctionnés et inéligibles si le président est réélu, récompensés si un nouveau président est élu. Ils auront accès à toutes les réunions importantes de l’équipe de l’élu (le gouvernement pour le chef de l’État), n’étant présents qu’à titre d’observateurs tenus au secret. »
Pour éviter au maximum les élections inutiles, les Sages seront dotés du budget suffisant pour disposer d’une équipe qui effectuera ou commandera enquêtes et sondages, qui permettront de connaître en temps réel le sentiment du peuple sur son président. Ils publieront des analyses sur l’action du chef de l’État. S’ils lui trouvent un successeur potentiel à l’évidence meilleur que lui, ils organiseront de nouvelles élections. Ils proposeront aussi au peuple la cooptation de candidats.
La cooptation est la forme idéale d’élection pour choisir un responsable : un homme extrêmement compétent qui n’a pas d’ambition pour lui-même, donc ne se présente pas, doté d’un solide sens de l’honneur. Le genre à démissionner s’il trouve que le peuple ne l’apprécie pas assez (De Gaulle). Ce modeste n’a pour motivation que de réussir pour le bien commun là où les autres ont échoué, ce qui lui fait un peu peur car il ne veut pas décevoir ni se ridiculiser. Il faut que ce soit le peuple, qui le connaît et l’apprécie, qui le pousse aux manettes. C’est de ce genre de candidats dont nous avons besoin. Pour lui, il n’y a pas de « victoire » à être élu mais une immense et terrifiante responsabilité qu’il ne peut accueillir qu’avec gravité. Quand on voit ces candidats tout heureux d’être élus se congratuler avec leurs copains devant les caméras, on assiste à la victoire de l’ambition irresponsable et égoïste qui va mener à la faillite de l’État.
Article 5 : « De la réforme de la justice au service du peuple »
Cet article, qui va être détaillé plus loin, définit une nouvelle organisation de la justice. Il n’est cependant pas indispensable, comme tous les autres, puisque c’est au chef de l’État de le faire au service du bonheur du peuple qui l’a élu pour ça. La justice est une fonction presque aussi importante que celle du chef de l’État car, en faisant cesser les conflits, elle est source de bonheur, de paix intérieure et de profits économiques. Pour comprendre l’intérêt de cette définition, écoutons cette définition du « bon juge » émanant de Rekhmirê, vizir et juge égyptien, presque l’égal de son pharaon Thoutmôsis III, il y a 3 500 ans :
« J’ai jugé de la même manière le pauvre et le riche, j’ai réprimé celui qui était avide. J’ai fait passer le mauvais moment de celui qui avait le cœur furieux, j’ai arrêté les pleurs en les changeant en consolation. J’ai défendu les veuves parce qu’elles n’avaient pas de mari, j’ai rétabli le fils comme héritier […]. J’ai donné du pain à l’affamé, de l’eau à celui qui avait soif, de la nourriture, des onguents et des vêtements à celui qui n’avait rien. J’ai secouru le vieillard en lui donnant mon propre bâton, et en faisant que la vieille femme dise : « Quelle bonne action ! ». Je haïssais l’iniquité et ne la pratiquais pas. Même lorsque je jugeais de graves affaires, je faisais sortir les deux parties en paix. Je n’ai pas perverti la justice en échange d’un cadeau, je n’étais pas sourd pour celui dont la bourse était vide. »
On savait donc parfaitement juger il y a 3 500 ans ! Pour Rekhmirê, la justice était bien source de bonheur, de paix intérieure et de profits économiques.
Voilà donc cet article 5 : « La justice prend deux formes : la justice préventive et la justice curative. La justice préventive est composée de conciliateurs locaux nommés par le chef de l’État. La justice curative est composée de juges également nommés par le chef de l’État. Une fois nommés, conciliateurs et juges ne peuvent être révoqués que par les justiciables, non par le chef de l’État. Les justiciables sont tenus de les noter chaque fois qu’ils passent devant eux, ces notes étant comptabilisées au fichier national de justice. Le nombre d’appels sur les décisions de chaque juge est également comptabilisé dans ce fichier, consultable par chaque citoyen pour lui permettre de choisir son juge ou son conciliateur. Les meilleurs conciliateurs et les meilleurs juges sont récompensés, les plus mauvais remplacés. »
La justice préventive est essentielle car elle résout 90 % des conflits comme le montre le tableau ci-dessous qui relate cent ans de conciliation aux prud’hommes au XIXème siècle. Ces tribunaux sont chargés de résoudre les différends entre employés et patrons en commençant par la conciliation. À l’époque, le patron était réellement présent face à son employé. Plus beau encore que ces 90 % de réussite, la conciliation aboutissait à des arrangements le plus souvent au bénéfice du salarié, le patron ne voyant pas d’intérêt à prolonger un conflit nuisant à son activité et à son image, tout en étant assez riche pour satisfaire son employé. Aujourd’hui, le système est vicié comme tout le reste et la conciliation ne fonctionne pas : le patron est rarement présent, des intermédiaires (cadres, avocats) parlant pour lui. Or l’avocat n’a pas de langage commun avec l’employé. Quant au cadre, outre qu’il est employé comme son adversaire, il ne peut consentir aucun « cadeau » ni mener aucune négociation valable de son propre chef car l’entreprise ne lui appartient pas.
En apaisant les conflits à la source par un débat oral et contradictoire, la justice préventive est bien plus rapide, économise 90 % des procès donc 90 % des juges. Elle est donc également intéressante sur le plan économique.
Pour être proches du peuple, ni conciliateurs ni juges ne sont tenus d’avoir une formation de juriste. Ils sont seulement reconnus par les justiciables comme ayant le sens de la justice, qualité que tout homme peut posséder. Les juges ont un budget pour s’adjoindre une équipe qui, elle, peut être formée au droit et à la recherche de la jurisprudence.
Le conciliateur officie dans sa localité à temps partiel pour continuer son activité principale ou à plein temps. Il en faut un pour cent habitants. Son rôle est plus essentiel que celui du juge : il consiste à désamorcer les conflits naissants, à les empêcher de dégénérer, pas à juger. Il écoute les doléances des parties, fait jouer son bon sens pour poser les bonnes questions, suggère des solutions mais ne décide rien. Après le départ des parties, il rédige un rapport sur le conflit et ses acteurs, transmis au fichier central de justice par Internet pour consultation par les autres conciliateurs et par les juges. Il peut réclamer l’intervention rapide de la justice curative s’il considère que le conflit est grave ou va s’aggraver dans les jours qui suivent.
Un justiciable peut rencontrer autant de conciliateurs qu’il le désire jusqu’au moment où l’un d’entre eux décide de transmettre le dossier à la justice curative. Dans ce cas, il ne sera plus reçu par la justice préventive.
« La justice curative est une justice du dernier ressort. Elle n’intervient que lorsque la tentative de conciliation d’un conciliateur au moins a échoué et qu’une des parties exige de passer devant un juge, ou lorsqu’un conciliateur demande que leur conflit soit jugé rapidement. Dans tous les cas, le juge curatif dispose des informations du fichier central de justice rassemblées par les conciliateurs qui contiennent déjà leurs avis et suggestions sur le conflit et les adversaires en présence. »
« Aucune condamnation n’est interdite au juge, sanctions infamantes, peine de mort ou torture incluses. Ce n’est pas à la loi de fixer dans le marbre des interdictions ou des règles qui ne tiennent pas compte de l’évolution de la société. Le juge ne répond de ses actes que devant ses justiciables et son patron direct, le chef de l’État. Si l’une des parties en présence est le chef de l’État lui-même, il le poursuit de la même façon que les autres justiciables sauf qu’il est assisté du Conseil des Sages, qui peut lancer une procédure de révocation, et qu’il peut se protéger en faisant la publicité à sa procédure.
Les juges sont obligatoirement notés par les justiciables qui passent entre leurs mains. Le cumul de ces notes est accessible publiquement sur le site du gouvernement. Les plus mauvais juges sont remplacés, les meilleurs voient leur rémunération et leurs moyens augmenter, sans limite de taille. Les juges sont donc en concurrence. Un très bon juge peut diriger une vaste maison de justice avec un grand nombre d’employés et d’autres juges qu’il a lui-même embauchés et formés à ses méthodes.
Un justiciable peut choisir son juge et faire appel autant de fois qu’il le désire, à ses risques et périls. En effet, les sanctions peuvent augmenter et devenir exécutoires s’il est manifeste que ses appels sont dilatoires. Un juge peut refuser d’instruire un appel s’il considère le jugement attaqué comme pertinent. Dans ce cas, il doit justifier sa décision par écrit dans le fichier central de justice pour l’édification des autres juges qui pourraient être sollicités pour la même affaire.
« La profession d’avocat disparaît ». En effet, pour le justiciable elle est source de coûts, de lenteurs, d’injustices et parfois de corruption. Un justiciable puissant ne pourra plus arriver avec sa cohorte d’avocats tous spécialisés face à un justiciable faible avec son avocat commis par l’aide juridictionnelle. Le meilleur avocat du justiciable, c’est le juge. Si possible du calibre de Rekhmirê. Il ne doit plus y avoir d’intermédiaire entre le justiciable et le juge. Le justiciable peut cependant être assisté d’un conseil si le juge est d’accord. Le juge mène un débat oral et contradictoire : il pose aux justiciables des questions auxquelles il est tenu de répondre, demande à le revoir s’il ne peut répondre sur l’instant, et finalement trouve la solution adaptée qui résoudra le conflit le mieux possible, punissant les responsables si besoin est.
Article 6 : « L’éducation doit être accessible à tous. L’État finance donc une Éducation nationale qui fixe les programmes mais animée par des écoles privées afin d’instaurer la concurrence en matière pédagogique. »
Il n’y a plus d’école publique sauf pour les élèves refusés par les autres écoles. Il n’y a plus de programme imposé mais des suggestions de connaissances et d’aptitudes faites par le chef de l’État selon la catégorie d’âge des élèves. Les diplômes ne sont plus indispensables mais toute école ou tout groupe d’écoles peut en créer un pour faciliter la recherche de candidats par les employeurs. Il n’y a plus de baccalauréat mais un système de notation constant décrivant le profil de l’élève tout au long de sa scolarité. Il est archivé au fichier national des élèves pour consultation par les employeurs éventuels. Tout élève peut donc à tout moment, quel que soit son âge, recevoir des propositions d’embauche d’employeurs séduits par son profil. Si étant devenu adulte, il n’en reçoit pas ou les refuse toutes, il sera pris en charge par un service de l’État qui lui trouvera une activité rémunérée dans ses cordes.
Article 7 : « Le chef de l’État est le chef des armées. »
C’est l’évidence même.
Article 8 : « La présente constitution ne peut être modifiée que par décision des Français au suffrage universel direct majoritaire à un tour. Si la proposition ne recueille pas au moins 60 % des suffrages, elle est rejetée. »
Cette disposition, incontournable, est conçue pour empêcher quiconque de modifier la mère de nos lois sans l’accord du peuple comme cela s’est fait trop souvent sur la constitution actuelle.
Question posée à ceux qui doutent de l’intérêt de cette nouvelle constitution
Voilà donc des extraits de la constitution que je propose. Je pense que son aspect moderne et réellement démocratique vous sautera aux yeux. Bien entendu, certains vont chercher à en détecter les défauts. C’est bien normal et même souhaitable pour la faire avancer, elle en a sûrement dans l’état actuel et je serai curieux de savoir lesquels. Cependant, pour les aider à faire du constructif, je répondrai d’avance : « Oui, mais… sur ce point que vous critiquez, préférez-vous la constitution actuelle ? »
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