Une véritable arlésienne que cette question de savoir si la nocivité du vin est comparable à celle attribuée aux alcools forts, et subir dès lors un régime de taxation identique, au motif d’attenter à la santé publique de la population.
Oui le vin constitue un vecteur important de l’alcoolisation rampante chez nos compatriotes
Ne tournons pas autour du pot et osons reconnaître une évidence de La Palice : oui le vin constitue un vecteur important de l’alcoolisation rampante chez nos compatriotes, en particulier pour ceux qui s’adonnent à une consommation du quotidien par l’achat de vins bons marchés dénués de tout véritable agrément.
En reconnaissant le danger potentiel du vin, nous évitons ainsi la démagogie et la défense à double tranchant forgée par une image insouciante, usant sans détours d’un argumentaire spécieux qui, in fine, dessert ses intérêts et ses valeurs.
« Quand je bois du vin naturel je m’enivre sans jamais devenir saoul » Antonin Iommi-Amunategui
L’alibi imparable pour les mufflées des bobos
Tout est affaire de nuance pour le sectateur du vin naturel qui ghettoïse par son discours ultra idéologisé les vins naturels. L’assertion clamée dans une interview de Télérama reflète bien la caution accordée par toute une intelligentsia crypto-guevariste aux relents pinardiers, à la pratique d’une ivrognerie distinguée et « sobre » sous le blanc-seing de boire un vin sain nanti d’une parfaite innocuité. L’illusoire vertu d’une meilleure métabolisation de l’alcool « made in vin naturel » par le foie a créé le nouveau leitmotiv des fermetures tardives de bar à vin et fourni l’alibi imparable pour les mufflées des bobos.
Quant à savoir si les alcootests de la maréchaussée sont susceptibles d’opérer une différence entre un type enivré ou saoul, il est fort probable que les deux spécimens, vin naturel ou pas, auront à finir leurs soirées en cellule de dégrisement…
Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, est aussi convié à plus de retenue quand il tresse les louanges de nos grandes appellations, qui ne sauraient du haut de leur insigne dignité, se faire les complices des soûlographies nocturnes.
« Mais je n’ai jamais vu un jeune qui sort de boite de nuit et qui est saoul parce qu’il a bu du côte du Rhône, du crozes hermitage, du bordeaux, jamais. Ils boivent du mélange, de l’alcool fort. »
Tempérons d’emblée l’image de qualité, associée avec un peu trop d’enthousiasme, aux vins d’appellations d’origine protégées. Elle masque en vérité une réalité beaucoup plus hétérogène à celle que l’on voudrait imposée aux yeux de l’opinion par cette peinture idyllique d’une réglementation exemplaire, soucieuse de défendre l’expression authentique du terroir.
Des vins d’appellation à moins de 3 euros la bouteille…
Le vin d’appellation se brade à vil prix dans les supermarchés et il n’est pas rare d’y trouver des madirans, cahors, bordeaux, autres côtes du Rhône vendus à moins de 3€ la bouteille. Acheté sur ce niveau de prix, le vin d’appellation perd de facto toute crédibilité et propose une porte d’entrée à une consommation journalière, mue par la grande accessibilité du produit.
Avant toute chose, un vin d’appellation protégée n’a jamais constitué un label de qualité dans la mesure où son cahier des charges, souvent très conciliant sur le niveau des rendements et permissif sur les tripatouillages œnologiques, autorise la mise sur le marché d’un nombre important de vins médiocres.
Et puis Didier Guillaume semble oublier que, hors du contexte des boites de nuit, la jeunesse a tout loisir de s’aviner au vin, notamment à l’occasion des grandes libations orgiaques des férias du Sud-Ouest. Assurément un joli débouché pour les côtes de Gascogne de tous poils, fournisseurs patentés en vins putassiers ensemencés sans pincette en levures aromatiques sélectionnées, puis fermentés à basse température dans le but de conserver toute leur pétulance tout en gardant ce soupçon de sucre résiduel si aguicheur. Ces vins festifs et « conviviaux » déniaisent avec une grande facilité les palais des jeunes sevrés à une longue consommation de sodas.
Un crime de lèse-qualité
Enfin les lobbyistes du vin (interprofessions, grandes groupes alcooliers) sont eux aussi invités à beaucoup plus de décence, quand ils se drapent sans pudeur dans leur rôle de thuriféraires du vin. Ils ont beau jeu d’englober le picrate industriel sous le même étendard de l’authentique vin de terroir. Ils dépeignent le vin comme le pilier de notre patrimoine paysager et culturel et veulent protéger un symbole de notre art de vivre, alors qu’ils écoulent sans vergogne un ersatz, qui est la négation même de cette représentation. Tous les vins ne méritent pas la plaidoirie d’un avocat, bien au contraire, une bonne partie aurait à entendre les réquisitions d’un procureur pour crime de lèse-qualité !
Taxer les tous, Bacchus reconnaîtra les siens
Trier le bon grain de l’ivraie reste sans doute la meilleur façon de préserver et sanctuariser le vin comme composante essentielle de notre art de vivre. Cela passe nécessairement par une impitoyable stigmatisation dirigée contre tous les pseudos-vins, dont la modicité du prix donne accès à une consommation ladre, quotidienne et déraisonnable.
Comment les reconnaître? Eh bien commençons par leur prix ! Un bon vin de terroir exige des rendements modérés et une certaine somme de travail et d’investissements, forcément inconciliables avec un prix de revente à moins de 5€. Il faut bien l’admettre une bonne fois pour toute, le véritable amateur de vin ne peut concevoir sa consommation de vin au quotidien car pour profiter de vins d’exception, elle doit rester précisément de l’ordre de l’exceptionnel.
Raphno
Crédit photo :DR
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