Avec Florian bachelier, on ne rigole pas. L’ordre doit régner. Surtout lorsque ce sont les gilets jaunes qui viennent le troubler. La classe dominante n’aime pas les classes populaires.
Lorsqu’il s’agit de critiquer les Gilets jaunes, le meilleur s’appelle Florian Bachelier (LREM), député de Rennes – Saint-Jacques-de-la–Lande et premier questeur de l’Assemblée nationale. La classe dominante a trouvé en lui un porte-parole infatigable. Il est certain que sa profession d’avocat l’a habitué à défendre toutes les causes, les bonnes et les mauvaises.
Dès le départ du mouvement, il était très en forme : « Car sous beaucoup de Gilets jaunes, les chemises brunes sont de plus en plus visibles. Il y a ceux qui sont en colère et ceux qui s’en servent et engendrent des situations inacceptables, insupportables, des pressions, du racisme, de l’homophobie (…) Je dénonce une récupération par des milices factieuses d’extrême droite. » (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, 24/25 novembre 2018).
Deux mois plus tard, on retrouve le même punch chez le député rennais au lendemain du dixième samedi d’action des Gilets jaunes : « Honte à la frange encagoulée qui a de nouveau souillé Rennes. Honte aux tartuffes et boutiquiers revanchards qui légitiment ces violences depuis des semaines. » (Ouest-France, Rennes, lundi 21 janvier 2019).
Tant qu’on n’a pas établi un rapport de force favorable, on ne risque pas d’être entendu en haut lieu
S’il n’est pas question d’applaudir les casseurs qui se défoulent à l’occasion des rassemblements organisés par les Gilets jaunes, on peut tout de même rappeler qu’en politique, on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. C’est vieux comme le monde – même si ce principe n’est pas enseigné à Sciences-Po. Et tant qu’on n’a pas établi un rapport de force favorable, on ne risque pas d’être entendu en haut lieu. Et si, aujourd’hui, le Gouvernement se sent obligé d’organiser le « grand débat national », c’est bien parce que le pouvoir de nuisance et l’impact médiatique des Gilets jaunes est réel. L’Élysée et Matignon vont donc tenter de noyer le poisson « Gilets jaunes » dans un machin institutionnel dont il ne sortira pas grand-chose. C’est le but de l’opération…
Les émeutes, en Bretagne, on connaît
Les émeutes, en Bretagne, on connaît. Les dernières remontent à juillet 2018 dans les quartiers du Breil, des Dervallières et de Malakoff à Nantes. « C’est une véritable émeute (…) les jeunes sont cagoulés, ils ne veulent pas en démordre », racontait une habitante (Ouest-France, Loire-Atlantique, mercredi 4 juillet 2018). Avec à la clé des destructions d’une autre ampleur que celles commises à Rennes. Un policier, interviewé par Breizh-info, avait dit ce qu’il en pensait. Quelle fut la réaction de Florian bachelier ? De quelles commentaires vachards abreuva-t-il la presse bretonne ? Entra-t-il en campagne pour soutenir « nos policiers et nos pompiers » ?
Certes la différence est grande entre les événements de Rennes (janvier 2019) et ceux de Nantes (juillet 2018). Dans le premier cas, on a affaire à des bretons et dans le second à des immigrés. Le libéral de gauche qu’est Bachelier s’autorise donc à taper sur les Gilets jaunes qui ne sont que de vulgaires « indigènes », tandis que les « jeunes des cités » possèdent tous les droits. En particulier celui de bénéficier de la « compréhension » des gens du Système. Deux poids, deux mesures.
la justice ne fait pas de cadeau aux Gilets jaunes
Autre observation que Maître Bachelier gagnerait à prendre en compte : la justice ne fait pas de cadeau aux Gilets jaunes. D’après Jean-François Thony, procureur général près la cour d’appel de Rennes, depuis le 17 novembre, en Bretagne (5), 144 enquêtes ont été ouvertes. Sur 186 gardés à vue, 46 ont été jugés rapidement en comparution immédiate (Ouest-France, Bretagne, 12-13 janvier 2019). La police et la gendarme rie n’y vont pas non plus de main morte. Deux exemples : un jeune de 22 ans a été sérieusement blessé à la tête sur le cours des 50-Otages, à Nantes, le samedi 29 décembre (Presse Océan, mercredi 2 janvier 2019). Deux personnes sont blessées à l’œil le samedi 19 janvier à Rennes, avec la perte définitive de la vision d’un œil pour l’une (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, mercredi 23 janvier 2019). Voilà qui devrait rassurer Florian bachelier : le gouvernement sait se défendre.
Gilets jaunes, immigrés : deux poids, deux mesures ?
Cette différence de traitement appliquée par le Système aux Gilets jaunes et aux immigrés est soulignée par Xavier Lemoine (divers droite), maire de Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Il a le mérite de mettre les pieds dans le plat : « Jamais les gouvernants, en 2005, n’ont tenu des propos aussi méprisants envers les émeutiers d’alors. Actuellement une partie important des violences émane de manifestants sans casier judiciaire, désespérés et chauffés à blanc. Ils se sentent provoqués par la rigidité de la riposte de la police. Les dynamiques de foule aidant, ils se « radicalisent ». Leur réflexe vital s’exprime de façon brutale. En 2005, aucune manifestation n’avait été déclarée en préfecture et toutes dégénéraient en émeute. Pourtant, à l’époque, en Seine-Saint-Denis, il n’y a eu aucune charge de CRS, ni de policiers à cheval. Aujourd’hui, si. Voilà quatorze ans, les forces de l’ordre n’ont pas recouru au tir tendu, à l’horizontal, à face d’homme et à courte distance. Aujourd’hui, si. Pourquoi ce deux poids, deux mesures de l’État entre les émeutes urbaines de 2005 et les scènes d’émeutes des Gilets jaunes. » (Le Figaro, mardi 29 janvier 2019).
Il est facile d’imaginer les hurlements de la bien-pensance (médias, show-biz, curés et bonnes sœurs en tout genres) si, derrière, à l’occasion d’émeutes dans les quartiers dits « sensibles », les forces de l’ordre traitaient les « jeunes » avec des LBD 40 x 46 et des grenades lacrymogènes et assourdissantes GLI –F4. Mais silence radio lorsqu’il s’agit des Gilets jaunes.
Bernard Morvan
Crédit photo : A J./Wikimedia (cc) : Voiture en feu dans la Grande rue de Sèvres (92) le 03 novembre 2005 lors des émeutes urbaines de 2005.
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