« Élections, pièges à cons », disait-on en mai 68. Lors des prochaines élections européennes, Ingrid Levavasseur, l’une des figures médiatiques des Gilets jaunes, aura l’occasion d’y penser. Dans l’hypothèse où sa liste « Ralliement d’initiative citoyenne » prendrait effectivement le départ.
A quel jeu joue Ingrid Levavasseur ?
A quel jeu joue Ingrid Levavasseur ? Autoproclamée locomotive d’une liste Gilets jaunes intitulée RIC (Ralliement d’initiative citoyenne), elle se lance dans le grand bain des élections européennes. A moins que ce ne soit son également autoproclamé « directeur de campagne », Hayk Shahinyan, ancien membre du Mouvement des jeunes socialistes – il a démissionné depuis-, qui lui ait vendu cette idée que les gens de l’Élysée et de Matignon trouveront formidable.
Beaucoup d’ennemis chez les Gilets jaunes
En franchissant le Rubicon, Mme Levavasseur s’est fait beaucoup d’ennemis chez les Gilets jaunes. C’est le cas de Maxime Nicolle (Saint-Brieuc) qui accuse les deux personnages d’être des « opportunistes ». Lequel ne tourne pas autour du pot : « Je ne sais pas qui t’a achetée, Ingrid, je ne sais pas qui t’a donné quoi que ce soit, qui t’a vendu du rêve, mais tu es en train de trahir des centaines, des milliers de personnes qui avaient confiance en toi. » (Le Monde, vendredi 25 janvier 2019).
Très énervé, le Breton Nicolle estime également que Levavasseur les a « trahis ». « Les européennes, c’est rester dans le système actuel, rentrer dans un jeu dans lequel nous ne faisons pas les règles. Ne croyez pas qu’en passant par les élections vous arriverez à changer quoi que ce soit. Parce que si c’était le cas, ça ferait longtemps qu’on aurait changé les choses. » (Libération, vendredi 25 janvier 2019).
Rendre service à Macron et compagnie
Si « Ingrid » peut mener son opération à son terme, elle rendra service à Macron et compagnie. En effet, selon un sondage Elabe, publié mercredi 23 janvier, avant l’annonce de la liste RIC, une liste Gilets jaunes était « créditée de 13% des voix ». Ainsi, elle « priverait le parti de Marine Le Pen de 3 points à 17,5%, contre 1,5 pour Debout la France, son allié de la présidentielle, et LFI, respectivement ramenés à 3,5% et 8% » (Les Échos, 25-26 janvier 2019).
Bien sûr, Mme Levavasseur aura à surmonter plusieurs obstacles. Pour l’instant, il n’y a qu’une dizaine de volontaires à la suivre. Or, aux élections européennes, une liste compte 79 femmes et hommes. Mais, femme moderne, « Ingrid » pense avoir trouvé le moyen de recruter les candidats manquants : un appel à candidatures a été lancé ; il est ouvert à tous les citoyens jusqu’au 10 février. Pour les élections législatives de juin 2017, l’équipe Macron avait procédé de la sorte. Autre difficulté : l’argent, car « Ingrid » n’est ni millionnaire , ni rentière, mais simplement aide-soignante en reconversion afin de devenir ambulancière. Autant dire que la question du financement de sa campagne se pose immédiatement. Même Ouest-France (vendredi 25 janvier 2019) s’interroge à ce sujet. Pourtant, on sait le quotidien de Chantepie peu porté à s’intéresser au dessous des cartes. Hayk Shahinyan évoquait « un appel aux dons » (sic). On a le droit de le croire.
Permettre à la liste LREM – MoDem de sortir vainqueur aux européennes
Mais, « Ingrid » peut faire preuve d’optimisme. Car si les sondages la maintiennent à haut niveau – au dessus de 10% des intentions de vote -, les « sponsors » sauront ce qui leur reste à faire. Car, ramener le RN – FN au dessous de 20% et permettre à la liste LREM – MoDem de sortir vainqueur de la compétition avec 25% des suffrages exprimés, voilà qui mérite des encouragements appuyés, voire sonnants et trébuchants le moment venu.
Ingrid Levavasseur a beau assurer, par exemple, que Bernard Tapie n’est pas impliqué dans le financement de son parti, elle revendique en revanche « un soutien moral » (sic) de l’ancien ministre.
Pour Benjamin Griveaux, un « processus intéressant »
Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, voit déjà dans cette candidature un « processus intéressant ». « Moi, je préfère qu’on le fasse dans les urnes à visage découvert plutôt que planqué derrière des pseudos anonymes sur des réseaux sociaux ou cagoulés dans les manifestations avec des violences. »
Les choses étant ce qu’elles sont, seule une liste « Gilets jaunes » peut creuser l’écart entre celle du RN-FN et celle de LREM MoDem. Et c’est bien ce qu’en haut lieu on attend de Ingrid Levavasseur et de son RIC. On compte sur elle…
Bernard Morvan
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