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Me Frédéric Pichon : « Les révoltes des cités n’ont pas pour but de remettre en cause le système contrairement aux Gilets jaunes » [Interview]

Maître Frédéric Pichon est avocat parce que militant, et cela depuis des années. C’est à travers son métier d’avocat qu’il exerce son engagement,  il y a quelques années auprès des militants de La Manif Pour Tous, aujourd’hui auprès des Gilets jaunes.

Alors que la répression est sans précédent depuis 50 ans en France, Maître Pichon défend sans relâche tous ceux qui se retrouvent menacés d’emprisonnement ou d’amendes en raison de leur appartenance supposée aux Gilets jaunes.

Nous lui avons demandé ce qu’il pense de ce mouvement, comment il juge la répression et quelles perspectives il envisage pour demain.

Breizh-info.com : Tout d’abord, en tant qu’avocat, on vous imagine débordé aux côtés des Gilets jaunes. Sont-ce des casseurs, des factieux, des séditieux que vous défendez actuellement ?

Frédéric Pichon : Il y a de tout, des patriotes, des anarchistes et beaucoup, la majorité qui n’ont jamais eu d’engagement politique et qui sont d’une certaine manière des novices en la matière.

Breizh-info.com : Il semblerait que des interpellations préventives se multiplient avant les manifestations, y compris visant des gens ne s’y rendant pas. En tant qu’avocat, je suppose que cette  notion de prévention doit particulièrement vous irriter ?

Frédéric Pichon : Oui en effet. C’est l’application de l’article L 222-14-2 du code pénal qui est ici utilisé pour arrêter préventivement les manifestants. Cet article dispose que : Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Il suffit qu’une personne soit arrêtée avec un gilet jaune et des lunettes de piscine et qu’il ait échangé avec deux ou trois copains pour considérer qu’il entre dans le champ d’application de l’article. il importe peu que l’infraction ait été réalisée puisqu’il est seulement demandé de supposer de manière quasi divinatoire que le prévenu ait envisagé de commettre une infraction. Cette incrimination est un moyen utilisé de manière massive par le parquet pour arrêter préventivement les manifestants.

Breizh-info.com :  Que vous inspirent ces trois mois de révolte contre le gouvernement ou plutôt contre plusieurs décennies de mauvaises gouvernances si l’on en croit les revendications principales ?

Frédéric Pichon : Nous assistons à une révolte profonde qui vient de la France des oubliés, de la France périphérique qui pendant des années a souffert en silence dans l’indifférence générale de l’oligarchie.

C’est une heureuse surprise même si je m’inquiète de la tentative de récupération de l’extrême gauche et de Mélenchon. Nous ne savons pas ce que tout cela va donner mais, même si le mouvement s’essouffle, il laissera des traces durables et la légitimité du  gouvernement sera durement entamée.

Breizh-info.com : Le pouvoir se montre « faible avec les forts et fort avec les faibles » , disiez vous récemment sur un plateau TV. Vous faites allusion au laxisme visant les révoltes de banlieue ? C’est une volonté selon vous de mater plus durement la révolte des Gaulois ?

Frédéric Pichon : Très certainement. Et puis on ne peut mener deux fronts à la fois. D’où la mansuétude du pouvoir vis à vis des casseurs des cités. De plus  Les révoltes des cités n’ont pas pour but de remettre en cause le système contrairement aux Gilets jaunes qui réclament un RIC  – référendum d’initiative citoyenne – et la démocratie directe. Les Gilets jaunes de ce point de vue sont politiques contrairement aux cités qui visent simplement à préserver leurs territoires. On tolère d’une certaine manière l’abandon de pans entiers de territoires à condition qu’ils restent chez eux.

Breizh-info.com : Comment expliquez vous enfin que ce mouvement des Gilets jaunes soit un mouvement de « Gaulois », dans lequel les femmes ont une place prépondérante ?

Frédéric Pichon : Encore une fois il correspond à la France périphérique qui ne peut plus habiter les villes pour des raisons économiques et qui évite aussi les banlieues souvent pour des raisons de sécurité ou identitaires.  De plus les femmes qui sont souvent des mamans célibataires sont le plus touchées par la précarité et elles sont souvent isolées. Mon souhait est l’alliance de la France des oubliés avec la France de La Manif Pour Tous dont une partie au moins a compris en 2013 ce qu’était le mépris.

Si une petite partie de la bourgeoisie a rallié Macron par intérêt économique il est impératif de ne pas perdre les classes moyennes ni la petite bourgeoisie au risque de devenir un mouvement de classe. Si je crois à l’opposition populistes-mondialistes, le populisme seul ne parviendra pas au pouvoir s’il n’est pas aidé et éclairé par la partie saine de la petite bourgeoisie et une partie des classes aisées qui ont reçu.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2019, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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