Pierre Le Vigan est essayiste et philosophe. Il publie souvent des papiers dans la revue Eléments. Il est également l’auteur de plusieurs ouvrages et notamment de « Métamorphoses de la ville ». (voir ici)
Il revient avec nous sur l’annonce d’une liste Gilets jaunes aux élections européennes.
Breizh-info.com : Les Gilets Jaunes vont présenter une liste aux élections européennes. Est-ce une bonne chose ?
Pierre Le Vigan : Les sondages laissaient penser qu’une liste Gilets Jaunes ferait un bon score, supérieur à 10 %. Il était probable que cela donnerait des envies à certains. En outre, le pouvoir macronien était intéressé à l’existence d’une telle liste. Cela lui donne une chance de rester en tête aux élections européennes. Cette liste – dont l’avenir reste incertain – est plutôt une mauvaise chose pour les Gilets Jaunes. Ils ont le soutien de plus de la moitié des Français. Or, leur liste ne fera pas 50 % des voix. Il ne faut pas en France un parti politique de plus.
Il faut, à côté des partis politiques, une expression directe de la base, une démocratie de base. La pression exercée par les Gilets Jaunes, sur le pouvoir, et sur les partis, est plus efficace qu’une liste, dont il n’est pas exclu qu’elle soit en partie manipulée.
Breizh-info.com : Que pensez-vous du Grand débat et des invitations surprise de Macron dans un débat citoyen ?
Pierre Le Vigan : Le président n’est pas dans son rôle, une fois de plus. Un coup il se veut Jupiter, un coup il se veut Monsieur tout le monde. Perdant toute verticalité, et ayant visiblement beaucoup de temps libre, Macron passe son temps dans un Grand débat qui est la façon habile qu’il a trouvée de faire campagne pour les européennes. Du point de vue démocratique, cela n’est pas honnête. On remarquera que le Grand débat est particulièrement atone dans les banlieues et beaucoup moins dans la France profonde, qui est aussi celle des Gilets Jaunes. Il y a deux raisons à cela. L’une est que les banlieues sont aussi les territoires de l’immigration, et que les immigrés se sentent moins concernés, ou pas du tout, par ce débat. « Il n’y a pas de démocratie sans mémoire », disait Mitterrand.
On peut ajouter que la mémoire est le corollaire du sentiment d’appartenance. Mais aussi, et peut-être surtout, pour bien connaitre le mode de vie des banlieusards, les conditions de transport et de vie de ceux qui travaillent, qui sont donc les plus intégrés, et qui seraient les plus intéressés au débat sont difficilement compatibles avec la présence le soir à des réunions. La démocratie nécessite du temps et de la disponibilité mentale.
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