Ça n’a pas traîné : en quelques heures, à la mi-janvier, Nantes a sacrifié une bonne vingtaine d’arbres adultes en pleine ville sur le quai Henri-Barbusse, qui longe l’Erdre entre le pont Saint-Mihiel et le pont Général-de-la-Motte-Rouge. Prétexte : aménager une piste cyclable qui s’inscrira dans une continuité cycliste Nord-Sud à travers la ville, des facultés à Rezé. Cet aménagement avait été précédé d’un « avis citoyen » à l’automne 2017. Bien entendu, aucun citoyen n’avait réclamé un abattage des arbres. Le document de synthèse établi à l’époque présentait pourtant une image sympathique de coexistence entre voitures, piétons, cyclistes et… arbres.
La méthode rappelle celle des promoteurs immobiliers, qui affichent des images magnifiques de leurs projets. Ils prennent soin d’y ajouter en petits caractères un avertissement du genre « image non contractuelle ». Rien de tel sur le document co-signé de Nantes et de Nantes Métropole. Un lecteur sourcilleux aurait cependant pu remarquer cette phrase sibylline au beau milieu d’un texte compact : « les arbres en place étant pour la plupart en état de dépérissement, le renouvellement de l’alignement sera effectué pendant les travaux d’aménagement de la piste ». Par « renouvellement » il fallait comprendre abattage. Quant à l’état de dépérissement, on peut en juger d’après la photo ci-dessous (prise quatre ans avant l’avis citoyen, mais toujours représentative au moment de l’abattage) :
En 2012-2013, Nantes a été désignée pour un an « Capitale verte de l’Europe »(1), une distinction décernée par la Commission européenne. Son dossier reposait en partie sur la présence de la nature dans la ville, qui alléguait posséder 100.000 arbres. Depuis lors, elle multiplie les opérations d’élimination d’arbres. Parfois, les arbres sont réputés « malades ». D’autres fois, ils ne sont « pas de grande valeur ». Souvent, les arbres coupés sont remplacés par des arbrisseaux, avec à chaque fois un marché public à la clé : moins d’ombre mais plus de dépenses. Souvent mais pas toujours : Nantes a sacrifié l’an dernier le bel ensemble de magnolias du square Fleuriot-de-Langle au profit de la construction d’un magasin de vêtements japonais.
Globalement, depuis 2012, la présence des arbres dans le centre-ville a nettement régressé. Les archives de photos aériennes affichées par Google Earth sont impitoyables. Voici par exemple les abords du château en 2012 :
et en 2018 :
Parmi les derniers sacrifices en date, celui de deux douzaines d’arbres situés devant la gare de Nantes. Là encore, les photos aériennes, incontestables, montrent que le parvis de la gare était assez abondamment planté :
et que la plupart de ces arbres auraient pu être conservés sans grande difficulté.
Nantes, il est vrai, a besoin que des arbres soient coupés. Pas seulement pour faire fonctionner des chaufferies à biomasse, mais aussi parce que, à la faveur des manifestations de ces derniers mois, elle est devenue une grosse consommatrice de contreplaqués !
(1) Moyennant une petite tricherie : ce titre réservé à des villes ne pouvait être attribué à des communautés urbaines, or Nantes avait basé son dossier sur les caractéristiques de Nantes Métropole. Au point même qu’elle avait créé un site web intitulé : « la-communaute-urbaine/capitale-verte-europe-2013.fr » !
E.F.
Illustrations : DR, {cc] photo Jean-Pierre Dalbéra via Wikimedia Commons, Google Earth
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