Julien est un Gilet jaune de Lyon, âgé de presque 27 ans. Le 5 janvier dernier, il avait été arrêté à Lyon pendant la manifestation des Gilets jaunes, et accusé d’avoir jeté un pétard sur trois policiers qui se sont constitué parties civiles. Condamné à une amende et des dommages et intérêts, il a fait une collecte sur Leetchi – le site qui avait fermé celle de Christophe Dettinger et dont la patronne ne cachait pas ses sympathies macronistes. La cagnotte a-t-elle été fermée à bon droit ?
En théorie, oui. L’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse interdit en effet « d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». La loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 a étendu ces dispositions aux amendes dans les transports ferroviaires et en commun.
Il a été renforcé en 2016 par un amendement de la loi Egalité et citoyenneté présenté par le gouvernement et adopté par le Sénat. L’objet de l’amendement précisait qu’il « il paraît incohérent que la rédaction de l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse conduise à ne sanctionner que les annonces publiques de souscriptions en vue d’indemniser les transactions conclues pour une seule catégorie de contraventions, correspondant à certaines infractions à la police des services publics de transports terrestres, laissant impunies les annonces publiques visant à organiser la prise en charge financière de toutes les autres contraventions. En particulier, il existe sur des sites internet ayant pour objet de collecter des fonds en vue de prendre en charge le paiement d’amendes contraventionnelles ».
De fait, la cagnotte mise en ligne peu avant 11 heures a été suspendue presque immédiatement, après un don de 10 €, pour non-respect des conditions générales, en vertu de l’article 26-1 : « 26.1 activités interdites. Vous ne pouvez pas utiliser le Site pour des activités qui: enfreignent une loi, acte, ordonnance ou réglementation ». Des règles qui ne sont pas appliquées partout cependant – d’autres cagnottes pour payer « les amendes, les frais d’avocats si besoin voire même des soins » existent.
Et le don ne sera pas remboursé car c’est illégal, a répondu l’administration de Leetchi au donateur. Autrement dit, pile Leetchi gagne, face le donateur perd – tout bénéf.
Cependant, Julien, qui doit payer 900 € de dommages et intérêts (350, 350 et 200) ainsi qu’une amende délictuelle de 400 € aggravée du forfait de procédure (127€), réduite de 20% si elle est payée dans les 45 jours, a aussi des frais d’avocats. Et peut lancer une cagnotte pour les assurer. Diverses cagnottes existent d’ailleurs sur Leetchi à ce sujet, ici, là ou encore là.
Cependant il n’y a pas que Leetchi et sa patronne macroniste qui assurent le crowdfunding (financement participatif) en France. On peut citer entre autres Ulule, Kisskissbankbank, Kickstarter, Helloasso – réservé aux associations, mais il y a des Gilets jaunes qui ont adopté cette forme, et d’autres moins connus comme le Pot commun, Kengo en Bretagne, Colleo, etc. Puisque Leetchi n’aime pas les Gilets jaunes, pourquoi les Gilets jaunes devraient aimer Leetchi et l’enrichir ?
Louis Moulin
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