Cesare Battisti a été livré à l’Italie depuis la Bolivie il y a plus d’une semaine. C’était supposé être la fin d’une époque, mais cela pourrait aussi marquer le début d’un nouveau cycle. Gabriele Adinolfi nous explique pourquoi :
Cesare Battisti : Une question de justice
Pour comprendre ce qu’il se passe, il est indispensable de faire abstraction du personnage et de son appartenance politique, de notre grille de lecture politique.
Les crimes pour lesquels Battisti a été condamné remontent à quarante ans. Dans les pays dont les lois ont été écrites sur la base du Droit romain il est impensable qu’il n’y ait pas de prescription (allant de vingt à trente ans après le crime). En Italie nous l’avons annulé et c’est particulièrement inquiétant.
Battisti avait également bénéficié d’une disposition présidentielle brésilienne en sa faveur qui a été annulée suite au changement de régime présidentiel, ce qui est également une aberration. Ce n’est pas la seule du genre, car, au début des années 90, en France, l’amnistie pour René Bousquet avait été annulée plus de trente ans après son décret.
L’abolition des frontières, l’annulation des amnisties et de la souveraineté juridique qui vont jusqu’à remettre en cause mêmes les décisions présidentielles et des tribunaux, indique que – populisme ou non, souverainisme ou non – la mondialisation est désormais un fait, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Battisti : une affaire de communication
L’arrestation de Battisti fut utilisée par Sarkozy pour le lancement de sa campagne présidentielle en 2007, lorsqu’il se présenta comme un homme d’ordre, tout en le laissant partir en exil au Brésil. Maintenant, le communiste traqué est devenu un trophée de Bolsonaro et Salvini.
On notera à cet égard la mesquinerie de trop de gens de droite, qui se prétendent être des opposants au système, des révolutionnaires, tout en se félicitant de cette arrestation.
Tout comme sont des mesquineries et des trahisons les prises de distance vis à vis du personnage de part de la gauche qui dans le même temps mène une nouvelle chasse aux sorcières contre l’extrême droite.
Ces gens donnent la nausée.
Cesare Battisti : Une question d’histoire ?
On continue à nous cacher la vérité sur le terrorisme et les massacres durant les années de plomb, en Italie.
On essaye de dissimuler la complicité qu’il y’eut à l’époque entre la Démocratie chrétienne, et le Parti communiste en Italie. Et celle entre les deux bandes de Yalta au niveau international.
On fait silence sur ce réseau de partisans, apparu pendant la Seconde guerre mondiale et très actif dans le terrorisme entre les années 50 et les années 80.
On ne nous parle jamais de la présence, à l’époque des années de plomb, en Italie, de centaines d’agents de la Stasi de l’Allemagne communiste (liés à la fois à Moscou et à Tel Aviv), de l’Internationale trotskiste et du soutien dont ils bénéficiaient à l’ONU.
Ces réseaux, ces structures ont protégé des gens (et les protègent encore) qui ont œuvré à des niveaux beaucoup plus élevés que Battisti.
Maintenant, lorsque ces structures sont évoquées ainsi que leurs complices, on évite soigneusement de nous expliquer ce qu’elles étaient vraiment et d’où elles recevaient leurs ordres.
Cesare Battisti : Une question d’image ?
La campagne médiatique de ces derniers jours en Italie, est symbolique : La lecture historique des évènements est faite selon la prose de l’époque dictée par le Parti communiste. Un mythe selon lequel une série de personnes exaltées d’extrême gauche (ou de droite) attaquèrent un État innocent.
La réalité est bien différente, puisque l’État italien est depuis 1943 l’otage des gangs et des lobbys. Ses services secrets ont donc joué des jeux dangereux. Le Parti communiste italien a ainsi pu prendre les commandes, grâce à la « stratégie de la tension » et non pas malgré elle, et a pu se faire passer pour le parti de l’ordre tout en ayant provoqué le désordre généralisé.
Des lois spéciales ont ainsi été votées et ont complètement bouleversé les droits légaux en Italie.
Ce n’est pas un hasard si durant ces années-là les extraditions politiques furent refusées par presque tous les tribunaux étrangers : France, Angleterre, Suède, Autriche, Suisse. Cela ne dépendait pas exclusivement de protections politiques mais surtout des aberrations juridiques dont la justice italienne se fit une spécialité.
Cesare Battisti : une question morale ?
On dit que les institutions italiennes ont beaucoup de cadavres dans le placard, c’est pire que cela : ce sont de véritables usines à cadavres que l’État italien a toujours cherché à cacher.
Même le terrorisme international doit avoir moins de casseroles que les institutions italiennes de la « Première République » (1948-1994).
Il faudrait désormais établir une enquête globale afin de déterminer les différentes responsabilités historiques. Ceci non pas dans le but de faire mourir en prison un demi-siècle après les quelques survivants – certainement pas les principaux coupables déjà tous morts de vieillesse en toute impunité – mais pour nettoyer la mémoire et la conscience collective.
Une conscience qui ne s’ennoblit certes pas quand on joue les tricoteuses autour des guillotines.
Cesare Battisti : Une question politique ?
L’effondrement de certaines structures internationales est un événement remarquable, en particulier en ce qui concerne le Brésil, qui jusqu’à présent a été l’un des principaux sanctuaires de l’internationalisme trotskiste et donc du terrorisme.
Un Brésil dans lequel un Achille Lollo (qui brula vif un adolescent et un enfant jugé « fasciste » à Rome) se trouvait en sécurité et se trouvait être un proche du président Lula. Maintenant, c’est Lula lui-même qui se retrouve en prison et si Battisti est arrivé à Rome, c’est justement en raison de cette tabula rasa.
Ce grand effondrement de la bourgeoisie progressiste ouvre donc des espaces immenses partout pour un gramscisme de droite et pour d’autres formes de création de pouvoir. C’est la donnée la plus importante de cette affaire, et c’est ce qui nous intéresse le plus.
Comment profiter dès lors du changement actuellement en cours dans nos sociétés ? Nous y travaillons…
Gabriele Adinolfi
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