Malgré un réveillon plutôt chaud, des règlements de comptes entre gangs jusque et y compris le centre-ville, des manifestations très violentes à répétition depuis trois ans – les Gilets jaunes n’ont rien changé à la donne – et une aggravation générale de l’insécurité, surtout la nuit, avec de nombreux vols à main armée, l’État considère toujours qu’à Nantes, il fait bon vivre et l’insécurité y est inexistante. C’est tout au moins la traduction de renforts policiers cinq fois moins importants qu’attendus, dont Madame Rolland, maire socialiste, a préféré se contenter.
En effet ce sont 39 policiers qui arriveront à Nantes d’ici le 1er avril, dont 19 pour compenser des départs à la retraite. Soit 20 créations de poste nettes, destinées en grande partie à la « police de sécurité du quotidien » à Bellevue, aux Dervallières et à Malakoff. Mais pas au Breil d’où étaient parties les émeutes de juillet dernier. Émeutes qui n’ont d’ailleurs toujours pas fait l’objet d’un bilan officiel, puisqu’à Nantes, en conviennent municipalité socialiste et gouvernement macroniste, « il fait bon vivre ». En 2015 déjà, 20 policiers supplémentaires avaient été affectés (13 gardiens de la paix, 4 brigadiers et 3 brigadiers-chefs) après des demandes répétées.
Donc le 11 janvier dernier, le maire de Nantes Johanna Rolland s’est réjouie de ces renforts très attendus – mais qui ne délesteront qu’à la marge des policiers noyés sous la charge de travail, surtout dans les commissariats secondaires et les brigades spécialisées.
L’opposition en revanche s’en est inquiétée par la voix de Laurence Garnier (Ouest-France 15/1/2019) : « il convient de faire les comptes avant de s’en réjouir : Nantes est depuis plusieurs années sous-dotée en effectifs de police nationale (moins 18 % par rapport aux villes de même taille), soit un déficit de près de 200 policiers nationaux. Les trois quartiers nantais retenus pour l’expérimentation de la PSQ (1)devaient être dotés chacun de 15 à 30 policiers supplémentaires, soit une dotation attendue entre 45 et 90 policiers ».
Lire entre les lignes : Nantes a moins les moyens de se faire entendre, notamment par rapport à d’autres villes. Serait-ce parce que Johanna Rolland a renvoyé Macron dans les cordes en refusant la fusion de la métropole et du conseil départemental ? Quoi qu’il en soit, après avoir laissé entendre le contraire, l’État a laissé payer seule la Ville – et donc les Nantais – pour la « mise à l’abri » des 700 migrants du square Daviais. Soit 4.2 millions d’euros qui ne seront pas récupérés. De quoi financer un nombre certain de repas de cantine ou rénover quelques gymnases.
Unité SGP Police : à Nantes, « la police au point de rupture »
Le syndicat USGP-Police lui, avait demandé en janvier pas moins de 97 postes en renfort – et c’était avant les émeutes. « UNITÉ SGP POLICE a alerté Monsieur le ministre sur la situation catastrophique des effectifs nantais ! Nous lui avons rappelé, dans le respect mais très fermement, que la situation des effectifs à Nantes est très critique et inconcevable pour un bon fonctionnement des services et que nous ne sommes plus, aujourd’hui, en mesure d’assurer une sécurité de qualité pour les citoyens nantais. Nous lui avons indiqué que le directeur départemental reconnaît qu’il manque plus de 70 collègues à Nantes. Nous lui avons demandé un renfort significatif de 97 fonctionnaires en urgence pour Nantes ! ».
Le ministre avait promis une fois de plus des renforts qui ne sont pas arrivés. Rebelote en juillet, au beau milieu des émeutes, où le syndicat réclame 70 policiers de plus pour une ville « en manque flagrant d’effectifs » alors « plongée dans l’insécurité la plus totale ». Alors que sept mois plus tard il n’y a toujours pas de bilan officiel des émeutes, ces quelques mots en disent long…
Début 2019 enfin, le syndicat relève des « conditions de travail déplorables, rappels incessants, augmentation des missions ». Rien ne change, sinon qu’il n’y a toujours pas assez de forces de l’ordre à Nantes pour y assurer un semblant d’ordre justement. Et venir à bout des nombreuses enquêtes.
Sans parler de limiter l’ardeur des casseurs – parfaitement connus des forces de l’ordre pour la plupart – alors qu’ils viennent à nouveau de déferler ce samedi sur le quartier Graslin-Crébillon, curieusement très peu protégé contrairement aux habitudes.
Une situation très critique à la PAF aussi
Car il n’y a pas que les policiers qui manquent clairement d’effectifs – ce qui se ressent sur le maintien de l’ordre à Nantes, notamment la nuit. Il y a aussi l’aéroport, qui a dépassé les 6 millions de passagers. La charge de travail y augmente pour la police aux frontières, qui sature… au contraire de l’aéroport, bien loin des performances de Genève (17.7 millions de passagers), Gatwick (44 millions de passagers) ou Mumbai en Inde (45 millions de passagers), le tout avec une seule piste.
Contrairement à l’aéroport donc, qui a de beaux jours devant lui, la PAF n’en peut mais, relève USGP-Police en octobre dernier : « Les effectifs de la Police aux frontières de l’aéroport de Nantes Atlantique connaissent déjà depuis trop longtemps de vraies difficultés suite à l’augmentation incessante du nombre de vols à contrôler ».
Et de fait, plus il y a de passagers et plus il y a de travail : « A ce jour, au détriment d’un contrôle de qualité, les fonctionnaires, respectant les instructions du DCPAF, contrôlent 100% des vols aux arrivées (Intra-Schengen inclus), les vols aux départs Extra Schengen ainsi que les vols à destination de la Grèce, de l’Italie et de la Belgique. Dans le même temps, nous n’avons pu que constater : une recrudescence des faux documents obligeant la plupart du temps une garde INAD [individus non admis sur le territoire] entraînant un rappel quasi-systématique des fonctionnaires en position de congés ».
De quoi faire réagir le syndicat : « Trop c’est trop, la soute est pleine !!! Sans effectifs supplémentaires les missions ne pourront plus être assurées correctement !!! ». Le syndicat demande donc un « allégement des contrôles » pour les « destinations touristiques ».
Louis Moulin
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