L’œuvre très riche de l’artiste tchèque Alphonse Mucha fait actuellement l’objet d’une exposition à Paris. C’est donc l’occasion de revenir sur le parcours d’un homme talentueux, en avance sur son temps mais ayant également une part sombre…
Sa vie, entre Paris et la Tchécoslovaquie
Alphonse Mucha est né en 1860 dans ce qui était encore l’Empire d’Autriche. Il souhaite entrer aux Beaux-Arts à 18 ans alors qu’une carrière plus classique d’avocat lui est promise mais essuie un refus l’obligeant à partir à Vienne. De là commence réellement sa carrière qui le mène par la suite à Munich et à Paris. Il travaille beaucoup, sur différents supports et pour des clients variés, le plus prestigieux étant la maison d’édition parisienne Armand Colin.
Il fut très impliqué dans l’exposition universelle de 1900 pour laquelle il fut récompensé. Son passage aux États-Unis quelques années plus tard le laissera cependant sur sa faim, ses peintures n’y rencontrant que peu de succès.
Après la Grande Guerre, la Tchécoslovaquie a retrouvé son indépendance, c’est à cette période qu’il entame la plus grande œuvre de sa vie sur laquelle nous reviendrons un peu plus tard. Celle-ci est liée à sa conviction nouvelle, le nationalisme slave, qui prône, comme vous l’avez deviné, l’unité politique entre les pays slaves, de la Pologne à la Serbie en passant par la Macédoine, la Bulgarie, la Russie, etc…
Bien qu’ayant rencontré quelques ennuis avec les Nazis, Alphonse Mucha ne verra pas la Seconde Guerre mondiale puisqu’il décède à Prague le 14 juillet 1939 des suites d’une pneumonie, laissant derrière lui deux enfants, une fille et un garçon.
Symbole de l’Art nouveau, mystique et nationaliste
L’exposition présentée au palais du Luxembourg depuis le 12 septembre dernier retrace l’ensemble de la carrière de l’artiste.
Elle débute par ce qui a fait sa renommée en France, à savoir ses affiches pour les pièces de théâtre jouées dans la capitale à la fin du 19ème siècle. Son égérie était Sarah Bernhardt, la célèbre actrice. A côté des affiches qui font figures de références de l’Art nouveau, l’on retrouve quelques photos de Mucha, parfois des autoportraits, pris notamment dans son bureau parisien ou en compagnie de son ami Paul Gauguin.
Viennent ensuite ses dessins et quelques croquis, ses peintures et quelques produits, notamment des savons, pour lesquels il avait créé un emballage avec son style caractéristique : les jolies femmes et les fleurs sont omniprésentes. Si tout ce qu’on observe jusque-là est très vivant et coloré, la pièce consacrée à la part occulte de l’artiste jette un froid. Les diplômes délivrés par sa loge maçonnique côtoient des peintures réinterprétant la prière du « Notre Père », la technique est belle mais les œuvres sont sombres, presque glauques, et l’on n’est pas mécontent de passer à la suite.
« L’Épopée slave»
Qui plus est, la salle suivante est certainement la plus grandiose de l’exposition, celle-ci est dédiée à « L’Épopée slave», la fameuse œuvre réalisée à son retour d’Amérique, entre 1911 et 1928, financée par un homme d’affaires rencontré à Chicago. Elle est composée de vingt tableaux majestueux racontant l’histoire de la région du troisième siècle à l’époque contemporaine. L’ensemble de ce travail gargantuesque ne pouvant être transporté à Paris, un écran les diffuse en boucle, permettant aux visiteurs d’avoir un bon aperçu de l’ensemble, et ce en grand format. Les références païennes sont nombreuses, l’on est aussi témoin de la christianisation et de divers moments historiques majeurs comme des couronnements de tsars. En terme de style, l’évolution entre la première partie de sa carrière et sa maturité est tout de même frappante, le ton est désormais bien plus sombre et pessimiste.
Voilà donc une exposition aussi intéressante que variée qui ne laisse pas les novices sur la touche, rendez-vous au musée du Luxembourg jusqu’au 27 janvier prochain pour la découvrir. Attention, il devrait y avoir foule jusqu’au dernier jour !
Alexandre Rivet
Crédit photos : DR
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