Du côté de la classe dominante, l’opposition est totale au référendum d’initiative citoyenne (RIC). On craint beaucoup que le politiquement correct ne soit pas respecté. Seule Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à Rennes 1 et vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel, souhaite « que les Français puissent avoir le dernier mot sur les sujets qui touchent à leur « contrat social » ».
Aucun tabou ?
L’histoire du référendum d’initiative citoyenne ennuie beaucoup les macronistes. « Je ne veux pas que demain on puisse se réveiller avec la peine de mort parce qu’on aura eu un référendum d’initiative citoyenne », s’inquiète Stanislas Guérini, patron du groupe LREM, tout en affirmant qu’il ne devrait y avoir « aucun tabou » (Le Monde, jeudi 20 décembre 2018).
Ce qui ne peut pas convenir aux Gilets jaunes : « Il faudrait un référendum citoyen, une assemblée constituante et une Sixième République », disent-ils (Presse Océan, dimanche 9 décembre 2018) ; « on continuera tant que le RIC, le référendum d’initiative citoyenne, ne sera pas mis en place. C’est le seul moyen de redonner la parole au peuple. C’est primordial.» (Ouest-France, Ille-et-Vilaine, vendredi 14 décembre 2018). Le référendum d’initiative populaire figure en bonne place dans les 61 pages de revendications détaillées adoptées par les délégués des Gilets jaunes bretons lors de leurs états généraux à Carhaix (Le Télégramme, mardi 8 janvier 2019).
Le peuple ? « Pour les élites une bande de ploucs aux idées étriquées et aux bas instincts » (Anne-Marie Le Pourhiet)
Les élites sont également partagées sur cette question. Ainsi, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’université de Rennes 1, ne tourne pas autour du pot : « Les élites « progressistes » se méfient du peuple français, qu’elles considèrent volontiers comme une bande de ploucs aux idées étriquées et aux bas instincts. Cette condescendance s’exprime ouvertement aujourd’hui. C’est pourquoi je redoute que l’on institue encore un gadget inefficace portant sur des sujets mineurs et sans intérêt pour les Français, qui ne règlerait en rien la crise politique que nous connaissons. Le référendum d’initiative populaire à l’échelle nationale n’a de réalité que s’il permet au pays de décider lui-même sur les sujets essentiels, de l’immigration aux questions de société. » (Le Figaro, mardi 18 décembre 2018).
Ce n’est pas l’avis d’Olivier Duhamel, président de la Fondation nationale des sciences politiques, qui voit dans le RIC une « illusion ». En effet, « si on met en place des filtres, soit parlementaires (…), soit constitutionnels (…), cela ne satisfera pas la soif de souveraineté populaire (…) En revanche, si on ne met aucun filtre, ce sera un poison. On peut s’attendre alors à toute sorte de démagogies : fiscales (baisse de la CSG, taxation confiscatoire des « riches »), mais aussi sécuritaire (camp de détention pour les fichés S, peine de mort). Bref, s’il est tellement ouvert, il sera dangereux, et s’il est partiellement fermé, inutile » (Le Figaro, mardi 18 décembre 2018).
Le contrôle du Conseil constitutionnel ?
Dominique Rousseau, professeur de droit public à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, a le mérite d’aller à l’essentiel, à savoir « les droits énoncés dans la Déclaration de 1789, le préambule de 1946 et la Charte de l’environnement de 2004 ». C’est pourquoi, selon lui, « il conviendrait donc de soumettre les lois votées par le peuple au même contrôle que celui exercé sur les lois votées par les élus du peuple » (Le Monde, mercredi 19 décembre 2018).
Voilà un passage obligé auquel les Gilets jaunes n’ont certainement pas songé. Mais, avec l’ambiance régnant actuellement, en cas de loi obtenue par le RIC et censurée par le Conseil constitutionnel, il faudrait s’attendre à des manifestations qui tourneraient rapidement à l’émeute. A coup sûr les Gilets jaunes trouveraient des renforts… On assisterait à l’union des anti-Système !
Bernard Morvan
Crédit photo : Thomas Bresson/Wikimedia (cc)
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