Vivre ensemble, mais uniquement entre gens qui pensons globalement la même chose. Tel pourrait être l’appellation des « assises nationales de la citoyenneté et du vivre ensemble » qui se déroulent les 18 et 19 janvier, à Rennes, pour la deuxième édition (nous avions déjà évoqué ces « assises de l’entre-soi » l’an passé).
Des assises organisées par Ouest-France, financées en grosse partie sur fonds publics (Région Bretagne, département d’Ille-et-Vilaine, Rennes Métropole, ville de Rennes, Public Sénat, France Inter…) et soutenues par des entreprises privées (EDF ; Orange, Harmonie mutuelle).
Sur le papier, voici ce que l’on nous dit : « L’égalité des chances au sein de la société : tel sera le thème majeur de cette deuxième édition de vivre ensemble, les Assises nationales de la citoyenneté. Et tous les débats de ces deux jours permettront de confronter les opinions comme de faire émerger des solutions pour y contribuer. »
Mais en se penchant sur le programme, on se rend compte, sur les sujets clivants, que ces débats sont loin de « confronter les opinions ».
Un débat sur les migrants… sans opposants
Prenons « au hasard » le débat sur les migrants. « Migrants : quelle réalité en France et en Europe ? Quelle intégration ? » est le titre du débat, animé, comme tous les autres… par un journaliste d’Ouest-France (qui est donc à la fois organisateur et animateur des débats ?)
Outre la question biaisée d’avance, l’intégration des Migrants étant imposée dans l’intitulé du débat, la liste des intervenants montre le gouffre qui sépare les chantres du « vivre ensemble » et la population, dont plus de la moitié est opposée à cet accueil selon les sondages récents.
Vont « débattre » en effet, uniquement des personnalités liées de près ou de loin à l’accueil ou au soutien aux migrants : Francis VALLAT, président de SOS Méditerranée, Pascal BRICE, directeur général de l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides) de 2012 à 2018, Agnès VIBERT-GUIGUE, avocate au barreau de Gap (Hautes-Alpes) qui défend les migrants, Lilian THURAM, ancien footballeur, engagé dans le projet Migrations en questions porté par l’association European Migration Law et l’association Res Publica, Yves PASCOUAU, directeur de l’association European Migration Law, Cécile PELLERIN, enseignante documentaliste au CFA de Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine) qui, le programme ne le précise pas, donne des cours aux migrants.
Ne cherchez pas un contradicteur, il n’y en a pas. Pas de Michèle Tribalat, pas de Jean-Paul Gourévitch, pourtant tous deux spécialistes des questions migratoires, pas de membres de Génération identitaire, ONG qui s’est opposée à l’accueil des migrants. « Vivre ensemble » donc, mais en excluant une bonne partie de la population française….
Des débats sociétaux majeurs et des interventions…. sans contradicteurs
Ces assises ressemblent, lorsque l’on regarde le programme, à un véritable bras d’honneur adressé à une partie de la population et notamment aux Gilets jaunes qui réclament justement moins de corps intermédiaires et plus de démocratie.
Voyez plutôt la façon dont sont tournés les intitulés de débat, morceaux choisis :
À quand la fin des discriminations liées à l’orientation sexuelle ? Invités : une victime d’homophobie, trois responsables d’association militantes de lutte contre l’homophobie.
Inégalité femme homme : comment changer la donne ? Il ne s’agit donc pas de débattre, mais de constater que des changements sont impératifs. Drôle de conception du débat.
S’engager pour l’inclusion de tous : enjeu sociétal ou utopie ? « Plus fort qu’intégrer, inclure chaque individu met en lumière la place de “plein droit” de toutes les personnes dans la société, quelles que soient leurs caractéristiques. Mais peut-on espérer une société où l’égalité et la différence trouvent leur place faisant de la diversité la norme ? »
Comment réduire les fractures territoriales ? Un débat organisé en présence uniquement d’élus PS, LREM, LR. Aucune contradiction possible, là encore.
On notera la présence, non pas de Mattéo Salvini, ministre de l’Intérieur italien incarnant un courant partagé par des millions d’Européens, mais par contre de Cécile Kyenge, député européen italienne, ancienne ministre chargée de l’Intégration dans le gouvernement d’Enrico Letta (2013-2014) et partisan de l’immigration africaine en Europe.
Pas de contradicteur pour interpeller le ministre de l’Éducation nationale, M. Blanquer, à propos du « vivre ensemble » au sein de l’école. Pas de témoignage de professeurs de ZEP pour nous raconter comment cela se passe, là-bas, pour certaines catégories d’élèves.
Tout le programme est à retrouver ici
Nous avons tenté de joindre les organisateurs de l’événement. Nous leur avons adressé plusieurs questions, restées sans réponse. La liberté d’informer et d’être informé a ses limites manifestement, y compris pour l’organisateur principal, plus important quotidien en France. Impossible de connaître le coût global de l’événement et le coût pour le contribuable.
Impossible de savoir également pourquoi ne sont invités que les représentants non pas de la France, mais d’une France, celle aujourd’hui justement contestée dans la rue par les Gilets jaunes et dans les urnes par de nombreux électeurs, des abstentionnistes (majoritaires lors de la dernière élection législative) aux électeurs RN, DLF ou LFI.
Après « le dîner de cons », les assises nationales de la citoyenneté et du vivre ensemble pourraient être renommées « le débat des con-vaincus ». Vaincus, car dans la rue, ils sont de plus en plus nombreux à ne plus croire à ce qui s’apparente au mieux à une mascarade, au pire à une arnaque médiatique …
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