L’accord de Brexit (pour Britain exit), négocié dix-huit mois durant par Theresa May, Premier ministre, avec la Commission européenne, a été repoussé ce mardi 15 janvier par les Communes. Une décision sans appel : 432 voix contre, seulement 202 voix pour. Voilà qui marquera pour longtemps les annales politiques britanniques. Le vote négatif des Communes ouvre en effet un espace aux issues incertaines. Jamais dans leur histoire – elle remonte au Bill of Rights de 1689 -, les Chambres titulaires de la souveraineté n’auront montré avec autant d’acuité les limites de leur système représentatif.
Autant la consultation du 23 juin 2016, approuvant le Brexit à une courte majorité, avait produit un résultat clair, ce qui est le propre des réponses par ‘oui’ ou ‘non’ à une question donnée, autant les deux années de foire d’empoigne des députés titulaires de la souveraineté ont rendu cette réponse incompréhensible, ce qui est le propre des querelles partisanes. Le départage impossible entre les ‘oui mais’, les ‘oui peut-être’, les ‘non peut-être’ et les ‘non mais’ a construit un mur sur lequel vient maintenant s’écraser un système politique plus que tricentenaire.
Deux scénarios envisageables
Deux scénarios sont, parmi d’autres, actuellement envisageables : l’organisation, avec ou sans Mrs May, de nouvelles élections générales et/ou l’organisation d’un nouveau référendum consultatif. Chacun de ces scénarios implique, compte tenu des délais d’organisation des consultations, un préalable inévitable : un vote majoritaire des Communes investissant Mrs May d’une nouvelle mission auprès de la Commission de l’UE, aux fins d’obtenir une prorogation du délai à échoir avant la mise en application d’un Brexit dur, sans négociation préalable, intervenant en toute hypothèse à 0 heure UTC le samedi 30 mars 2019. Mrs May ne parvenant pas à trouver quelque majorité que ce soit aux Communes, il n’est pas acquis qu’elle puisse obtenir un vote en faveur d’une telle mission.
Un troisième scénario se présente aussitôt, celui de l’advenue d’un Brexit dur après le 29 mars, dans un contexte de désorganisation administrative et politique peu contrôlée de l’autre côté de la Manche. Certes Mrs May, en application d’un amendement voté le 9 janvier, doit présenter le lundi 21 janvier au plus tard un « plan B » pour l’organisation de la sortie de l’UE. Mais les députés se sont octroyé par avance la possibilité d’en contrôler – et d’en amender – le contenu et le budget. En d’autres termes, le pilotage de la suite des événements appartient à la seule Chambre, qui dispose des moyens de paralyser le gouvernement, sous la réserve qu’il y en ait encore un.
Un feuilleton à épisodes mouvementé
Les Britanniques ont toujours été habiles dans la réalisation de series feuilletonnesques à épisodes mouvementés. Ils persistent et signent. Les actuelles manifestations encombrant les rues de Londres voient défiler, mégaphones en main, toutes les nuances du pour le Brexit, aux côtés ou non loin d’autres cortèges vantant toutes les nuances bénéfiques du contre. Les financiers s’affolent, les industriels et les laboratoires pharmaceutiques stockent, les transporteurs s’inquiètent pour leurs camions, leurs trains ou leurs avions, et les douaniers se grattent la casquette. Les uns et les autres parient sur des lendemains encore obscurs, mêlant imaginairement le meilleur et le pire. Dans son palais de Buckingham, la reine Elizabeth II attend, impassible, le 21 avril prochain pour fêter ses quatre-vingt treize ans d’âge. Entre temps, elle aura célébré le 6 février ses soixante-sept ans de règne. Elle aura vu passer quinze Premiers ministres, et beaucoup d’eau, durant cette période, aura coulé sous les ponts de la Tamise. Fin de la saison 1. La saison 2 du Brexit débute lundi prochain.
J.F. Gautier
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