Sortez les mouchoirs. Car Olivier Dacourt, ancien joueur de football professionnel, vous livre sur Canal + ce mois-ci un reportage intitulé « Je ne suis pas un singe », sur le racisme dans le football.
https://www.youtube.com/watch?v=cOg0Bfchqwo
Ou plutôt sur l’expérience raciste qu’ont vécu quelques joueurs millionnaires dans quelques stades d’Europe. Et sur le scandale, pour Olivier Dacourt, je cite, qu’il n’y ait pas assez de noirs et d’Arabes, à de hautes responsabilités dans les championnats d’Europe de l’Ouest.
Petites réflexions sur ce reportage, dont il serait intéressant de connaitre le montant déboursé par Canal + pour pouvoir le diffuser et qui laisse comme un arrière-goût de manipulation mentale.
Samuel Eto’o au FC Barcelone : l’équivalent de 730 salaires minimum Espagnols
« Je ne suis pas un singe », c’est un peu la complainte d’Olivier Dacourt et de ses millionnaires.
Son postulat de base ? Les joueurs noirs, les Africains, sont victimes de racisme dans les stades de football en Europe et personne ne réagit. On (mais qui est ce on ?) leur jette des bananes, on leur fait des cris de singe, on les traite de « noirs de merde », bref, les footballeurs noirs vivraient un véritable calvaire en Europe depuis 30 ans.
Un calvaire si prononcé d’ailleurs, que Samuel Eto’o, star mondiale née à Douala au Cameroun, a quitté son pays natal à 15 ans pour ne plus jamais y revenir jouer (sauf en sélection nationale) et pour passer toute sa carrière en Europe, jusqu’en 2015 et son départ pour la Turquie, puis le Qatar.
Rappelons qu’à Barcelone, Samuel Eto’o touchait en 2009 un salaire de 625 000 € par mois (7,5 millions d’euros par an), et cela sans compter les contrats publicitaires, les primes, etc. Pour information, en 2017, le salaire minimum en Espagne était de 858,55 € par mois. Le salaire d’Eto’o de l’époque représentait donc 730 salaires minimum espagnol. On comprend alors pourquoi ce dernier n’a pas fait carrière au Tonnerre de Yaoundé, à l’abri des horribles supporteurs blancs et racistes….
Est-ce que ce salaire mirobolant justifie de se faire jeter des bananes à la figure ou d’être victime de cris de singe ? Absolument pas. Mais Olivier Dacourt ne s’est pas intéressé au côté « provocation » dans les tribunes de football, ces tribunes autrefois populaires, aujourd’hui en passe de devenir des prisons aseptisées. Il ne s’est pas interrogé sur le fait qu’un supporteur pouvait débourser une grosse partie de son maigre salaire pour un billet de match, un déplacement, tout cela pour aller voir quelques millionnaires taper dans un ballon, au nom de l’amour, non pas pour une équipe à un instant T, mais avant tout pour un club. Pour son club, pour son quartier, pour sa ville. Et qu’importe s’il se lâche un peu dans un stade, s’il se défoule. C’est primaire, ce n’est pas fin, certes. Mais c’est comme ça. Du pain et des jeux.
Olivier Dacourt est allé rencontrer un supporteur italien du Hellas Vérone, issu d’une Curva (une tribune) historiquement fasciste et revendiquée comme telle. Outre les sérieux doutes qu’on peut émettre sur la traduction française de certains des propos du supporteur interrogé, ce dernier explique d’ailleurs parfaitement cela : les bananes, les cris, les insultes, c’est de la provocation pour déstabiliser, pour donner envie au joueur de quitter le terrain, pour faire perdre l’équipe adverse.
https://www.youtube.com/watch?v=Y35G6qAzB0w
L’ancien footballeur pousse même le vice jusqu’à interroger le supporteur, comme si c’était un fait admis : « Avec les arrivées de migrants en Italie, il y aura peut être demain plus de Noirs dans l’équipe, cela vous ennuie ? ». La réponse affirmative du tifoso opposé à l’immigration semble déjà sceller son sort d’horrible fan raciste…
Ce que dit également cet ultra de Vérone, c’est qu’il ne trouverait pas normal que l’équipe d’Italie soit composée majoritairement de joueurs noirs, car ce ne serait plus l’équipe d’Italie. Cela semble interpeller et même choquer Olivier Dacourt, comme il a été choqué du fait qu’en France des supporteurs s’interrogent sur la composition ethnique de l’équipe de France, qui pourtant ne représente pas proportionnellement la population française.
Mario Balotelli, 3,7 millions d’euros gagnés en salaire en 2016, nous joue également la complainte du malheureux parce qu’une poignée d’imbéciles l’ont pris à partie à plusieurs reprises dans un stade de football et se sont acharnés sur lui verbalement. Mais derrière cette complainte, il le dit ouvertement de suite après : il aimerait voir beaucoup plus de joueurs noirs en équipe d’Italie.
Ni lui, ni Olivier Dacourt ne semblent pourtant s’offusquer que l’équipe du Sénégal ne comporte aucun joueur blanc, ou que l’équipe d’Égypte ne comporte pas de joueur noir. Mais les Européens, eux, sont de vilains racistes !
Le racisme, uniquement le racisme.
Lorsque l’on est supporteur de football, tous les moyens sont bons pour déstabiliser son adversaire, pour lui faire perdre les pédales. « Ohhh, hisse enculé », inventèrent les supporteurs marseillais à une époque, à chaque dégagement du gardien de but adverse. Un chant repris alors dans toutes les tribunes de France. Aujourd’hui, il vaudrait à ses auteurs des condamnations pour homophobie, des plaintes de la Ligue, des interdictions de stade adressées au prolo pour qui le football le samedi, c’est une religion, un exutoire à la semaine qu’il a passé, ici à l’usine, là dans un bureau.
Voici ce qu’on pouvait entendre quasiment partout en France, « Ah, c’est une belle salope, ah, c’est une belle salope, Ah c’est une belle salope, la femme de…….. et en plus elle est gourmande, et en plus elle est gourmande, et en plus elle est gourmande et elle en redemande salope… ». Pour déstabiliser encore une fois le gardien adverse. On vous laisse imaginer l’ambiance durant un Rennes-Nantes, un Lyon-Saint Etienne, un PSG-Marseille ou un Lille-Lens. Et le déchaînement des supporteurs. Madame Schiappa aurait pu faire un infarctus dans une tribune d’ultras en entendant ces propos, et cela dans tout l’hexagone.
Et à Paris, en tribune Boulogne, les supporteurs encourageaient leurs joueurs noirs (notamment Weah, mais aussi Luyindula) en chantant : « Il est noir, mais on s’en fout, du moment qu’il marque pour nous ». Repris ensuite par des supporteurs de Lyon quelques années plus tard.
Personne n’a dit qu’un supporteur — par définition pas objectif — était une personne qui, dans la peau du supporteur qu’il incarne pendant 90 minutes, était une personne fine, intelligente et posée. C’est comme ça. Le football provoque des émotions que ne provoque pas un match de curling ou de hockey sur gazon. Et des dérapages également, cela fait partie du jeu.
Pourquoi pensez-vous que des chaines télévisées, à travers le monde entier, n’ont cessé durant des années de faire des reportages, des enquêtes, des infiltrations sur les ultras, les hooligans, les supporteurs ? Parce que justement ce petit monde fascine, attire… parce que les rivalités, les haines, les comportements autour du football sont irrationnels.
Olivier Dacourt donne la parole à un représentant du FARE (Football against racism in Europe). Une association militante qui existe depuis 1997, ne vivant quasi exclusivement que de fonds publics européens (de l’argent du contribuable donc) et des dons d’organisations philanthropiques proches de Georges Soros. Il va également interroger le patron de la FIFA, Gianni Infantino, en lui demandant pourquoi l’organisation mondiale (sans doute une des plus puissantes dans le monde) ne mène pas plus d’action concrète contre le racisme.
Et là, les supporteurs peuvent s’étrangler en regardant l’émission. Eux qui voient, à tous les matchs, lors de tous les gros événements, ces banderoles « No to Racism » déployées par les joueurs ou mises à la place de bandeaux publicitaires (jusque dans les jeux vidéos de football), comme s’il fallait absolument imprimer cela dans la tête des populations, par la force de la manipulation mentale. Olivier Dacourt aurait pu s’intéresser à l’opacité du « système FIFA ». Mais non, il a préféré faire son reportage sur le racisme dans le football en Europe.
Une majorité de joueurs « noirs et arabes » en Ligue 1 ?
Patrick Vieira, et son salaire de 1,2 million de dollars la saison en fin de carrière aux États-Unis. Mario Balotelli et Samuel Eto’o, et leurs salaires de stars chiffrés plus haut. Samuel Umtiti et ses 9 millions d’euros par saison. Ces gens-là ont-ils réellement le droit de se plaindre devant les caméras de télévision ? Est-ce décent, pour les autorités ou les clubs qui les emploient, d’aller réclamer l’exclusion à vie d’un stade de football d’un Smicard qui vous a insulté, y compris de manière raciste, homophobe, mais plus globalement idiote ? D’aller demander sa mise à l’index, la publication, comme ils font désormais en Angleterre, de sa photo dans le journal ? Des millionnaires et un système comme la FIFA ont-ils le droit de tuer socialement ?
Le reportage d’Olivier Dacourt aurait pu être honnête, s’il s’était également posé la question du pourquoi. Pourquoi ce comportement dans les stades de football ? Pourquoi, parfois, ce ressenti envers certains joueurs ? Pourquoi ces réactions primaires, sauvages ? Qui sont ces supporteurs ?
Mais il aurait également pu s’interroger sur d’autres phénomènes surprenants : qu’est-ce qui explique que des clubs bretons, et non pas africains, comme Rennes, Nantes, Guingamp, Lorient, Brest, soient composés parfois, sur une feuille de match, d’une majorité de joueurs « de couleur » comme il se complait à le dire dans le reportage ?
Même Noël Le Graët — peu suspect d’idées racistes — semble surpris des interrogations d’Olivier Dacourt quand celui-ci s’étonne du peu de Noirs et d’Arabes à des postes d’entraineurs ou de sélectionneurs. « Ils n’ont qu’à passer leur diplôme », lui dit-il.
Du côté des joueurs, prenez la dernière journée de Ligue 1 la 19e.
Bordeaux : 7 joueurs « noirs ou arabes » (expression chère à Olivier Dacourt dans le reportage) sur 11 sur le terrain. Amiens : 6/11.
Monaco : 6/11 Guingamp : 7/11
Rennes : 6/11. Nîmes : 4/11
Reims : 5/11. Caen : 7/11
Strasbourg : 4/11. Nice : 7/11
Angers : 6/11. Marseille : 6/11
Saint-Étienne : 6/11. Dijon : 6/11
Montpellier : 4/11. Lyon : 9/11
Lille : 11/11. Toulouse : 5/11
PSG : 2/11. Nantes : 4/11.
Au total donc, sur 20 équipes alignées, 220 joueurs, dont 118 « noirs ou Arabes », soit 53 % des joueurs de Ligue 1 lors de la 19e journée.
Ces statistiques se répètent sensiblement dans les mêmes proportions journée après journée. Pas de quoi amener Olivier Dacourt à venir faire un reportage sur la discrimination de facto que subissent les « blancs », pourtant majoritaires en France et qui ne sont plus majoritaires dans les clubs de football, puisque les recruteurs, plutôt que d’aller « perdre du temps » à dénicher des pépites dans les campagnes, se concentrent sur les grandes banlieues, où se trouvent de fortes proportions de populations d’origine extra-européenne.
Non, Olivier, Mario, Patrick, Samuel et tous les autres, vous n’êtes pas des singes
En conclusion, « Je ne suis pas un singe » d’Olivier Dacourt, est une complainte : celle de joueurs millionnaires, qui dénoncent des comportements ultra-minoritaires, émanant de personnes qui, parfois, consacrent une vie et une grosse partie de leur budget à un club que ces mêmes millionnaires quitteront la saison d’après, pour un salaire ou une destination plus attractive.
Une complainte qui reflète aussi, d’une certaine façon, ce qu’est devenu le football moderne. Une grande messe avec ses Papes et ses prêtres qui la voudraient déracinée et indifférenciée, et ses fidèles, à qui l’on demande de ne plus être supporteurs, mais spectateurs, consommateurs.
À qui l’on demande de s’asseoir, de ne pas boire d’alcool, de ne pas fumer, de ne pas insulter, de ne pas allumer de fumigène, d’accepter d’être enfermé, pour le coup comme des singes, dans des cages. De dire amen à ceux qui gagnent en un mois ce que le supporteur lambda gagnerait parfois en une vie. De payer leur abonnement à l’année en déboursant un mois de salaire (c’est le cas en Angleterre) et de surtout la fermer. Le tout sous peine d’être arrêté, condamné, interdit, dénoncé, montré du doigt, tué socialement et économiquement, privé d’une passion parfois transmise de pères en fils.
Oui, le football, ce furent des supporteurs avinés et smicards hurlant bêtement à la mort dans les années 80 au gardien Joseph-Antoine Bell « Joseph, tu pues, vas te laver le cul ».
Le tout avant de rire en visionnant Téléfoot le lendemain à 11h, devant le compte rendu du match de leur équipe favorite (à l’époque où l’on pouvait voir des images de football sans payer un abonnement) et un reportage de Pascal Praud sur les joueurs noirs du FC Nantes.
Oui, si l’on compare avec aujourd’hui, et à ces spectateurs déboursant à minima 1000 euros pour ne pas bien voir une finale de Ligue des Champions, il y a plus qu’un monde d’écart, mais une galaxie.
Et cela, Olivier Dacourt ne l’a pas compris, lui qui semble ne voir le football que sous le prisme, très à la mode et peu original, de l’oppression des noirs par les blancs.
Non, Olivier, Mario, Patrick, Samuel et tous les autres, vous n’êtes pas des singes. Mais vous êtes des privilégiés.
Et le football que vous incarnez, celui qui empêche les supporteurs historiques de Chelsea, du PSG ou de Madrid, de se rendre dans leur stade au profit de « spectateurs mondiaux » venus de Dubai, de Sydney, et de Pékin, celui qui cherche à tout mélanger et au final à tuer l’identité des clubs , ce football là nous fait profondément vomir. C’est comme ça.
Football populaire, football identitaire !
Julien Dir
Photo : DR
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