Roland Voter, un internaute suisse, nous adresse cette tribune, humoristique et corrosive, dans laquelle il épingle Richard Ferrand à propos de sa sortie sur la Suisse et son système politique. Cinglant.
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
C’est en 1963 que sortit le cultissime «Tontons Flingueurs» de Georges Lautner. Et un an déjà que tu polluais tes Pampers sous le ciel de Rodez.
À propos, tu permets que je te tutoie bien sûr ?
Si je te parle de ce film Richie (tu veux bien que je t’appelle Richie n’est-ce pas ?) c’est qu’évidemment tu as vu cet incontournable du cinéma français, et comme moi tu as ri tout ton soûl aux répliques d’Audiard.
On dit pourtant que tu es un homme politique rasoir et janséniste. Moraliste et autoritaire. Bref que tu peux être très chiant quand tu t’y mets.
Toutefois, ton esprit baroque fait parfois mouche par-delà les murs du palais Bourbon.
En Suisse, par exemple, on a tous bien ri avec ton analyse binaire du système démocratique helvétique et surtout quand tu as soutenu sans rigoler que les thèmes de votations en Suisse «sont très souvent le fait de quelques cliques affairistes et de quelques lobbyistes qui, à la fin, sont d’ailleurs démasqués».
Un ancien maire de Genève te rentre aussitôt dans le lard et là, toujours sans rigoler, drapé dans une pose de vertu outragée, tu «démens formellement avoir pensé ou tenu ces propos».
Alors on agite sous ta truffe humide le compte-rendu intégral de la 1ère séance du lundi 16 juillet 2018 à l’Assemblée nationale et un reportage explicite de France3.
La scène devient particulièrement cocasse.
Côté cour, sur le thème «ma journée est vraiment une journée de merde», voilà un Richie tout penaud, coi, pincé en flagrant délit de mensonge, côté jardin une ribambelle de petits Suisses hilares qui se frappent les cuisses en chantant le Yodel.
Mais qu’est-ce qui t’as pris de vouloir faire ton intéressant ce lundi 16 juillet 2018 ?
À l’époque, tu étais Président dépité du groupe LREM à l’Assemblée. Et encore avant, en 2017, le ministre décapité de la Cohésion des territoires.
Pour rire j’ai vérifié : tu n’as détenu (n’y voit aucune malice sémantique !) ton maroquin ministériel qu’ 1 mois et 2 jours. Pile-poil comme ton petit camarade de chambrée François Bayrou. Mais lui c’était ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Ton supérieur et bientôt compagnon de déshonneur. Le même fauteuil éjectable pour deux larrons en foire. Sentence, charrette et exécution simultanée un 1er Messidor.
Il faut cependant reconnaître qu’avec ton pote MoDem il y a eu davantage frictions que fornications.
Souviens-toi. On est le 14 mai 2017. Ton Maître Manu est élu par 26% d’abstention. Flamby a déjà rangé ses crayons dans un carton à chaussures.
On n’attend plus que la passation de pouvoirs.
Dans la salle des fêtes de l’Élysée, les courtisans échafaudent et s’échauffent. Parmi eux, deux spécialistes de la génuflexion, un Béarnais et toi, l’Aveyronnais, deux frotte-manches patentés qui convoitent la même récompense, celle qu’ils estiment juste et proportionnelle à la distance parcourue par leurs dos en courbettes.
Le poste de Premier ministre est à pourvoir. Il le leur faut.
Nos deux intrigants s’invectivent avec détestation. Pleuvent les noms d’oiseaux.
On assiste alors à un combat de coquelets dodus, à deux vieux garçons un peu retardés qui se montrent leur quéquette. Le JDD rapporte qu’il faudra l’intervention de plusieurs huissiers pour vous séparer.
Malgré tout, tu obtiens ton petit lot de consolation.
Philippe prend la tête, Bayrou hérite de la moralisation de la vie publique, et toi rien, ou presque rien.
Ministre de la Cohésion des territoires. As-tu seulement compris l’intitulé ?
Quoiqu’il en soit, ton passé ressurgi et tu es éjecté illico vers la sortie.
Pauvre Richie.
Ministre de l’Éphémère, adoubé par Macron un jour, acculé à sec le lendemain. C’est vrai qu’avec Cahuzac et Fillon, vous vous disputez la médaille en chocolat du krach moral en politique.
Mais qu’est-ce qui t’as pris de vouloir faire ton intéressant ce lundi 16 juillet 2018 ?
À l’évidence tu es plus habile pour mutualiser ton patrimoine immobilier avec une femme pacsée (la tienne) que pour enrichir l’échange et le débat.
Ou comme Oscar Wilde, tu détestes à ce point les discussions car elles font parfois changer d’avis ?
Par chance pour toi, tu sers bien la soupe, et l’Élysée aime les laquais en tenue de soubrette.
Alors te voilà intronisé Président du groupe LREM à l’Assemblée nationale.
Mais tu n’aimes pas ces néo députés, puceaux en politique, ces gens des classes moyennes, ayant souvent une bonne éducation, qui se prennent pour autre chose que ce qu’ils sont, qui se pensent bons, qui se pensent intelligents, qui sont dans un état de lévitation psychique.
Néanmoins vous avez tous un point en commun. On avait déjà eu droit à la «pensée complexe» du Roi Micron pour justifier son refus des interviews pendant la campagne.
Maintenant on a ton dauphin Gilles Le Gendre, dont le cerveau fait de la colle, qui résume bien en affirmant sans rire «nous avons été trop intelligents, trop subtils…» pour expliquer le manque de clarté des décisions de la majorité !
Mais tu vois, Richie, penser que l’on a trop d’intelligence est justement la première caractéristique des vrais imbéciles !
Tandis que Bayrou est retourné à Pau pour faire un peu le maire et aussi, sans doute, gifler des enfants comme à Strasbourg en 2002, toi tu as foi en ton avenir.
Ton Maître te l’a chuchoté naguère sur l’oreiller, tu l’auras ta prise illégale d’intérêts.
Sans enquête, sans magistrat, sans complexe. Et en effet, le 12 septembre 2018 tu reçois ton nouveau hochet.
Un truc sans valeur réelle sous le macronisme, de celui qu’on abandonne à un teckel nain pour le récompenser d’avoir mordu les bons mollets comme dirait Natacha Polony. Là où le chef de l’État devrait choisir un homme de valeur, il récompense un médiocre affidé.
Un François de Rugy bis, un avaleur de couleuvres à la gorge bien large, sectaire, suspect en outre de « prise illégale d’intérêts », même si ton innocence est bien entendu présumée.
Troisième personnage de l’État, Richie, tu jouis d’un salaire confortable et tu peux désormais péter dans les soies de l’Hôtel de Lassay.
Tu peux même bloquer l’accès de ton compte Twitter aux journalistes poil à gratter. Comme Donald Trump !
Tu peux tout te permettre mon petit Richie.
Alors pourquoi, pourquoi avoir voulu faire ton intéressant ce lundi 16 juillet 2018 ?
C’est Thomas d’Aquin qui fournit l’explication la plus convaincante :
« Omnes stulti, et deliberatione non utentes, omnia tentant ».
Ou comme le dit délicieusement Audiard dans «Les Tontons Flingueurs» :
« Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ».
Cordialement.
Roland Volet, citoyen suisse
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Une réponse à “Démocratie directe. Un Suisse épingle Richard Ferrand [Tribune libre]”
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