Les valeurs de la République, l’esprit républicain, mais pas trop quand même. Un ouvrier de 51 ans vient d’être condamné à 4 mois de prison avec sursis à Vesoul.
Son « crime » ? Avoir crié à deux reprises le mot guillotine, alors qu’une discussion houleuse opposait Christophe Lejeune, député LREM, et des Gilets jaunes, lors d’une scène filmée le 20 décembre dernier et diffusée sur les réseaux sociaux. Le député de Haute-Saône a dans la foulée déposé plainte pour menace de délit ou d’atteinte contre un élu de la nation.
Garde à vue, puis comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et au final, de la prison avec sursis donc, pour cet ouvrier, à qui la Justice semble reprochait une référence à un outil pourtant très « Républicain »
Petit rappel historique : Le 1er décembre 1789, le député Joseph Guillotin, docteur de son état, suggère à la tribune de l’Assemblée constituante – ancêtre de l’Assemblée nationale – que soit introduite l’égalité de tous les citoyens devant le juge. « Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l’état du coupable, écrit-il dans son projet de loi. Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort, le supplice sera le même (décapitation), et l’exécution se fera par un simple mécanisme ».
Voici ce que nous indique le site Hérodote ensuite :
L’Assemblée constituante édicte donc le 3 juin 1791 que « tout condamné à mort aura la tête tranchée »(article 3 du Code civil). Elle demande à Antoine Louis, secrétaire perpétuel de l’Académie de chirurgie, de mettre au point la machine à exécuter.
Le chirurgien s’inspire d’une machine d’origine écossaise, avec un tranchoir entre deux montants en bois. Il améliore son mécanisme et remplace le couperet en forme de croissant par un couperet en forme de trapèze. La machine assure selon ses promoteurs une mort immédiate, à la différence de la décapitation à la hache ou à l’épée (la « décollation », privilège des nobles) ; à la différence également de la pendaison, de la roue ou, pire, de l’écartèlement, supplices réservés aux roturiers.
Elle est essayée à Bicêtre sur des moutons et des cadavres. Nicolas-Jacques Pelletier, en fait les frais pour la première fois le 25 avril 1792. C’est un voleur de grand chemin qui a frappé un citoyen pour lui extorquer ses assignats.
La machine est d’abord appelée « louisette ». Puis, les journalistes parlementaires, mécontents du docteur Guillotin qui, à l’Assemblée, leur demandait de bien se tenir, la baptisent « guillotine », non sans s’attirer les protestations de l’intéressé.
Dans l’argot des rues, la machine sera aussi surnommée le « rasoir national » ou la « Veuve ». Les magistrats préfèrent quant à eux le délicat euphémisme : « bois de justice ».
Pendant la Grande Terreur, en 1793 et 1794, environ 17 000 condamnés auront à la connaître. Elle recueillera en France un vif succès populaire jusqu’au 29 juin 1939, date à laquelle les exécutions cessent d’être publiques. Les armées de la Révolution et de l’Empire diffusent l’invention dans les pays conquis. C’est ainsi que la guillotine sera utilisée jusqu’au milieu du XXe siècle dans certains Länder allemands telle la Bavière.
Ainsi donc, en 2018, pour avoir prononcé le nom de la très républicaine machine à couper des têtes par excellence, un ouvrier français se retrouve condamné à de la prison avec sursis. Ce qui fera dire à Ferenc Almassy, journaliste au Visegrad Post :
« Cocasse. Les fameuses « Valeurs de la République » qu’on nous rabâche à longueur de temps, nées dans l’action répétées des guillotines, seraient donc bafouées parce que quelqu’un aurait dit deux fois « guillotine ! » face à un élu à la langue de bois dans une situation de crise profonde du pays.»
Cocasse, c’est bien le mot. D’autant plus qu’il a quelques semaines, alors que le domicile du député avait été envahi par des Gilets jaunes, ce dernier déclarait : « Je crois aux valeurs de la République et de la démocratie ». On ne peut pourtant pas prétendre croire dans la République sans épouser y compris l’un de ses principaux instruments de domination et d’asservissement, il y a quelques siècles, à savoir la guillotine, à laquelle les magistrats de l’époque condamnaient à tour de bras ceux qui justement ne croyait pas dans « les valeurs de la République ».
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