Quelle défense pour quelle Europe ? Par Alain Calvez

Interrogé par un journaliste sur la déclaration d’Emmanuel Macron plaidant pour accélérer la création d’une « armée européenne, pour se défendre face à la Russie, la Chine et les États-Unis », le général Pierre de Villiers a répondu : « Tout dépend de ce que revêt ce terme. Si elle prend la forme de projets de coopération entre différents pays autour de projets concrets, c’est même nécessaire ! Si c’est une armée fusionnée pour en faire une force armée pilotée de Bruxelles, non, impossible. On meurt pour son chef, sa patrie, ses valeurs nationales. Pas pour une communauté économique. Je suis pour une France souveraine dans une Europe forte, car nous n’avons plus le choix vu l’état du monde. »

Utopie d’un seul peuple européen

L’idée d’une armée européenne, qui anime de façon récurrente les partisans de l’Europe fédérale, c’est-à-dire supranationale pour préciser ce que les mots veulent dire, se présente comme un acte de foi en l’avenir de l’Union européenne, comme si cette structure bruxelloise était une réalité politique analogue aux gouvernements des nations européennes, ou en passe de le devenir. Mais un gouvernement implique une souveraineté nationale, dont il a la charge de défendre les intérêts, ce qui n’est pas le cas en l’espèce car l’UE n’a évidemment pas les attributs d’une nation. L’identité européenne, avancée contre toute évidence, n’existe pas et restera du domaine de l’utopie pendant encore longtemps.

Les nations européennes se sont constituées au cours des siècles sur des bases culturelles profondes, notamment des bases chrétiennes, alors que l’Union européenne n’est aujourd’hui qu’une organisation technocratique, économique et financière, même si elle se présente en donneuse de leçons de morale qui vont souvent à l’encontre des sentiments profonds des différents peuples : les théories du genre, les lois LGBT, les réformes qu’elle exige sur tout ce qui touche à la famille, base de toute société depuis l’origine de l’humanité, ne sont pas un socle commun aux citoyens européens et même, y sont radicalement opposées, semblant émaner d’une oligarchie adepte d’une mondialisation sans structure morale, déconnectée des réalités populaires. Il y a chez les peuples européens le sentiment d’appartenir à une civilisation enracinée dans la chrétienté qui lui a donné son éthique et qui, aujourd’hui, imprègne les athées au même titre que les croyants et les rend solidaires, d’autant plus que les rivalités de frontières et d’intérêts s’estompent, leur permettant d’envisager des coopérations dans de nombreux domaines.

Il existe plusieurs peuples européens aux caractéristiques spécifiques très différentes, que l’Histoire a modelés au cours des siècles en nations différentes qui se reconnaissent pourtant comme base commune  les valeurs de la chrétienté, surtout avec le retour d’un Islam sunnite conquérant comme aux origines de son expansion, mais qui ne constituent pas un peuple européen unique qui pourrait espérer un seul gouvernement pour une seule nation, tant les aspirations, les habitudes, les coutumes, les penchants des unes et des autres sont divers et parfois contradictoires, de même que leurs sympathies étrangères.

Mais il n’y a pas aujourd’hui d’identité européenne.

Il faut d’ailleurs ici rectifier une affirmation erronée souvent répétée que l’Union européenne aurait apporté la paix sur le continent alors que c’est l’inverse qui est vrai : c’est en raison de l’éloignement de ces causes de guerres entre les nations européennes que l’UE a pu avancer son projet fédéral, mais les partisans d’une Europe supranationale persistent à mettre cet acquis au crédit de l’organisme de Bruxelles. Il suffit pour démontrer le contraire de se souvenir des catastrophiques guerres de dislocation de la Yougoslavie puis de la Serbie dans les années 90. La responsabilité en incombe en grande partie à l’activisme allemand encouragé par la passivité de la France qui ont laissé les États-Unis s’impliquer militairement au cœur de l’Europe, débouchant sur une situation encore instable aujourd’hui dans les Balkans, du fait de la création au cœur de l’Europe d’un État musulman comme la Bosnie-Herzégovine et l’auto-proclamation de l’indépendance du Kosovo dont les exactions criminelles ont semé les ferments d’une discorde durable dans cette région.

Cette dislocation était d’ailleurs planifiée bien avant par les États-Unis, comme le grand stratège français, le Général Pierre-Marie Gallois avec lequel j’ai eu l’honneur et la chance de réfléchir, l’avait bien expliqué et documenté. Depuis, les États-Unis ont installé au Kosovo leur immense base militaire de Bondsteel d’où ils soutiennent leurs opérations, secrètes ou pas, entraînant des forces musulmanes aux combats sur plusieurs théâtres jusqu’au Caucase en passant par la Syrie.

L’Histoire des peuples européens a laissé des traces qui ont forgé leurs consciences nationales de manière différente.

Ainsi, les peuples qui ont connu, de gré ou de force, le communisme comme doctrine d’État pendant 45 ans – de la fin de la dernière guerre mondiale à l’écroulement du Mur de Berlin et de l’Union Soviétique -, ont vu dans la victoire du libéralisme sur le collectivisme par l’Occident libéral et démocratique représenté par son champion, les États-Unis d’Amérique, la panacée qu’il était urgent de rejoindre politiquement et surtout militairement pour leur sécurité.

Certains continuent à voir à tort dans le Kremlin d’aujourd’hui le successeur de la dictature du prolétariat qu’ils ont rejetée, sous prétexte que la Russie renaissante est obligée de se défendre contre les empiètements répétés de l’OTAN sur son étranger proche, comme la Géorgie en août 2008 contrairement aux promesse faites à Gorbatchev lors de l’écroulement de l’URSS. Un étranger proche aussi comme l’Ukraine, où l’Occident a provoqué un coup d’État en 2014 pour mettre en place un gouvernement hostile prêt à entrer dans l’OTAN avec la flotte russe de Sébastopol, Crimée qui est en réalité le berceau de l’identité russe, rattachée à l’Ukraine en 1954 par une décision administrative inconséquente de Khroutchev qui n’avait aucune incidence pour Moscou au sein de l’Union soviétique.

Même si tous ne pensent pas ainsi, car la Russie ne cesse de faire des offres de coopération économique et sécuritaire aux Européens que certains pays comme l’Autriche, l’Italie, la Hongrie, la Slovaquie et l’Allemagne à certains égards, envisagent favorablement. En outre, le modèle occidental convoité est de plus en plus critiqué par des élites intellectuelles et politiques qui voient dans son matérialisme effréné et son relativisme décadent, la fin d’une civilisation n’ayant plus de repères moraux ni spirituels.

Ces nuances dans les sentiments des hommes, souvent même ces oppositions radicales, font des particularismes nationaux les vrais fondements de l’Europe dont les richesses nationales doivent s’additionner et non se diluer.

Une Défense européenne incompatible avec l’appartenance à l’OTAN

De sorte que les menaces pour leur sécurité ne sont pas regardées par les peuples européens de façon identique, alors que l’OTAN, pourtant, voudrait les unifier sous une doctrine et une organisation uniques conçues outre-Atlantique. L’OTAN est donc un obstacle à la coopération européenne en matière de Défense et de sécurité.

Tandis que les gouvernements de l’Allemagne et la France plaident pour l’accueil de migrants au nom de la morale et du besoin de main d’œuvre, de nombreux pays en première ligne pour recevoir ces vagues de malheureux déracinés s’opposent radicalement à la politique d’ouverture de Bruxelles, de Berlin et de Paris. Certains gouvernements voient d’ailleurs, à juste titre, dans ces arrivées incontrôlées le danger qu’elles présentent de comporter des terroristes islamistes défaits en Irak, en Syrie, en Afghanistan ou ailleurs.

Face à des menaces définies et ressenties par un peuple, une armée est une organisation hiérarchique avec un chef, des subordonnés et des soldats prêts à mourir pour leur patrie. La patrie européenne n’existe pas.

« Le combat est le but final des armées et l’homme est l’instrument premier du combat ; il ne peut être rien de sagement ordonné dans une armée, – constitution, organisation, discipline, tactique, – toutes choses qui se tiennent comme les doigts d’une main, – sans la connaissance exacte de l’instrument premier, de l’homme, et de son état moral en cet instant définitif du combat. » Colonel Ardant du Picq in Études sur le combat (Dumaine et Hachette 1880).

Une armée ne peut être engagée au combat que sur l’ordre d’un chef politique. Quel est le chef politique de l’Europe ?

Une armée ne peut être que l’outil militaire d’un gouvernement, seul légitime pour l’engager. Quel est le gouvernement de l’Europe ?

Une armée au combat exige l’unicité du commandement pour être efficace : cette nécessité incontournable a conduit à la fin de la première guerre mondiale à réunir sous le seul commandement du Général, puis Maréchal Foch, les différentes armées alliées pour parvenir à la victoire de 1918, car les nations avaient le même objectif de faire face à la machine de guerre formidable de l’Empereur Guillaume II qui voulait subvertir l’Europe à ses ambitions impériales. La coordination du commandement par un seul chef a permis de réagir efficacement à la dangereuse offensive allemande du printemps 1918, puis à pousser l’ennemi à une retraite qui aurait dû se poursuivre jusqu’à Berlin si les politiques n’avaient pas arrêté le généralissime dans son élan victorieux, à son grand dam.

Cet exemple de 1918 est révélateur, comparé à aujourd’hui où les Européens ne définissent comme menaces que celles prétendues par Washington, qui sont loin d’être ressenties par les peuples européens dans leur ensemble, en dehors des États baltes qui pratiquent envers leurs propres minorités russophones un ostracisme qui ne fait qu’exacerber les ferments de division de leurs communautés nationales, et de la Pologne qui garde le sentiment amer de sa riche  Histoire conflictuelle avec ses voisins lituaniens, allemands et russes, tantôt Royaume, Grand-Duché ou République, au rythme de  ses victoires ou défaites, mais toujours grande amie chérie par la France, à qui elle donna une reine et des ministres.

L’UE n’a aucune force politique ; aucune crise dans le monde n’existe qu’elle puisse agir pour la résoudre et, alors que tout récemment les sanctions américaines contre l’Iran constituent une attaque délibérée des États-Unis contre les intérêts économiques des Européens, on voit ceux-ci incapables de s’y opposer, n’annonçant que des subterfuges comme solutions qui apparaissent comme de la poudre aux yeux. Les entreprises européennes, notamment françaises, ont été obligées de quitter l’Iran, ouvrant la place à la concurrence mondiale.

Le souhait du Général de Villiers d’une Europe forte est un vœu pieux car elle n’en prend pas le chemin, détruisant chaque jour la force des nations membres pour faire avancer l’utopie d’une Union Européenne encore plus fédérale soi-disant plus forte, sur le modèle des États-Unis, « alors que ceux-ci ont été créés à partir de rien, sur une sorte de Sibérie fertile, par des flots successifs de colons déracinés. » (De Gaulle à Malraux, dans « Les chênes qu’on abat »). L’Europe sera plus forte si elle additionne les atouts de ses différentes composantes avec chacune leurs particularismes, et non en réduisant leurs souverainetés qui ne peut que déboucher sur un magma technocratique central qui n’atteindra jamais à aucune identité et encore moins à une souveraineté étatique.

La seule force politique en Europe est celle de l’OTAN, qui n’est pas seulement une alliance militaire, mais qui poursuit les objectifs stratégiques des Etats-Unis. L’ambiguïté résulte aujourd’hui dans la position du Président Donald Trump qui paraît vouloir s’éloigner à la fois de l’Union Européenne et de l’OTAN. Sa décision récente de sortir du Traité de 1987 sur les forces nucléaires intermédiaires FNI indique que ses stratèges sont prêts à envisager une guerre nucléaire sur le continent européen, ce qui ne fait qu’entériner les décisions de l’administration précédente d’installer à partir de 2020 de nouvelles armes nucléaires à guidage de précision qui remplaceront les B-61 déjà présentes en Belgique, Pays-Bas et Italie. En ajoutant la Pologne et la Roumanie, qui sont partie intégrante du système THAAD présenté comme défensif mais qui, en réalité, comporte des missiles nucléaires pouvant attaquer la Russie.

L’Europe devient un arsenal nucléaire américain face à la Russie, devenant ainsi la première cible évidente des armes nucléaires de notre grand voisin qui a pourtant fait des propositions pour éviter cette escalade militaire.

En réalité l’Union Européenne suit la politique des États-Unis partout dans le monde, y compris en Syrie où nous Français allons être associés à l’échec de cette stratégie et au retrait prochain inéluctable des forces américaines qui accumulent les déconvenues dans leurs interventions au Moyen-Orient, n’ayant acquis le contrôle d’aucun des pays que son armée a attaqués, les laissant en général dans des situations chaotiques, et toujours hostiles : Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Yémen.

Pourtant cette chimère de défense européenne continue d’être caressée par des dirigeants politiques depuis de nombreuses années. Nicolas Sarkozy a ordonné en 2009 le retour de la France dans l’organisation militaire de l’Alliance Atlantique, bien préparé par Chirac, au prétexte de faire avancer la création d’une armée européenne : on voit le résultat.

Sous François Hollande, lorsque l’Afrique a été menacée par des forces islamistes, seule la France s’est chargée de la défendre. Le Président et les chefs militaires français ont attendu un soutien de l’UE mais les plans du Comité Militaire de Bruxelles étaient à l’ébauche dans des cartons et y sont restés. Seule l’intervention militaire française décidée dans l’urgence de l’avancée islamiste a permis d’arrêter leurs conquêtes vers le sud et la prise de Bamako. Face à ce succès, le Président révèlera plus tard qu’il avait vécu les plus beaux jours de sa vie : parce qu’il était le chef des Armées françaises qui avaient montré leur efficacité exceptionnelle en cette occasion.

Fascination récurrente pour les États-Unis

Tous les pays membres de l’Union Européenne regardent vers les États-Unis pour leur défense, se conformant en cela au texte du Traité de Lisbonne de 2007, reprenant les termes du projet de Constitution rejeté en 2005 par les Français et nos amis Hollandais :

L’article 42-7 du Traité de Lisbonne est explicite à ce sujet :

 » Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. »

 » Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. »

Cette fascination pour les États-Unis empêche les dirigeants d’admettre que si ce grand pays a été notre allié pendant et depuis la dernière guerre mondiale – et même pour la France depuis la création du pays avec les La Fayette et Rochambeau -, il est maintenant notre concurrent dans bien des domaines, notamment en économie. La politique brutale de Donald Trump le révèle clairement pour les observateurs impartiaux capables de s’affranchir de l’idéologie atlantiste, mais elle n’est que la forme visible d’une politique plus feutrée que ses prédécesseurs ont pourtant menée envers l’Europe avec davantage d’égards diplomatiques.

Les nations européennes membres de l’OTAN ont, en général, fait un effort pour se rapprocher ou atteindre le seuil de 2 % de leur PIB consacré à la défense demandé par les Présidents américains, envoyant même des soldats les soutenir en Afghanistan où elles n’ont aucun intérêt, si ce n’est de plaire à leur protecteur, et où les experts savent que les Talibans, après 17 ans de présence militaire américaine contrôlent 80 % du pays et forcent les États-Unis à des négociations, discrètes pour l’instant, qui déboucheront par un retrait à court ou moyen terme.

Tout est organisé pour que la doctrine, le commandement, les matériels, l’armement soient américains et les pays européens n’ont en général rien contre : six pays de l’UE, cinq quand la Grande Bretagne en sera sortie, ont acheté des avions américains F 35 alors que de l’avis de tous les pilotes expérimentés du monde le meilleur avion est le Rafale. Mais il a l’inconvénient d’être Français ! Ou plutôt de n’être pas Américain. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres qui montre que les nations européennes sont totalement liées aux États-Unis par des liens qu’on peut appeler d’amitié, mais qui sont d’abord de subordination.

C’est pourquoi le projet du Président Macron de partager avec l’UE, c’est-à-dire avec l’Allemagne d’Angela Merkel, le siège de la France au Conseil de Sécurité des Nations Unies qu’elle détient grâce à l’action opiniâtre du Général de Gaulle est une démarche politique qui trahit les intérêts fondamentaux de la France et est en réalité irréalisable, ne constituant qu’une déclaration s’inscrivant dans une utopie qui consiste à caresser des chimères. Alors que l’UE vacille sur des bases mal conçues, est abandonnée par un grand pays comme la Grande-Bretagne, est critiquée de l’intérieur par des pays fondateurs comme l’Italie ou par de vieilles nations qui l’ont rejointe plus récemment comme la Hongrie et la Pologne, que deux pays fondateurs comme l’Allemagne et la France sont en crise, la solution n’est pas d’accélérer le fédéralisme mais au contraire d’y mettre un terme, ou au moins de faire une pause dans cette direction.

Le Député Honoraire Jacques Myard rappelle ce que Jacques Delors avait dit en commission des affaires européennes à l’Assemblée nationale le 6 avril 2011 :  » Il n’y aura jamais de politique étrangère commune ; la conception de l’Europe puissance est une utopie du Quai d’Orsay« .

Singularité de la France

« La France a été l’âme de la chrétienté ; disons aujourd’hui de la civilisation européenne. J’ai tout fait pour la ressusciter. » Charles de Gaulle à André Malraux dans « Les chênes qu’on abat »

La plus grande puissance militaire de l’Union européenne est la France avec un budget de 56,3 milliards de dollars (1). Son armée est, de l’avis de tous les experts militaires, une des meilleures du monde par les processus opérationnels qu’elle a mis au point, malgré sa petite dimension sans cesse amoindrie par des budgets en diminution depuis des décennies. En effet, jusqu’à encore récemment même si la baisse a été arrêtée par la dernière Loi de Programmation Militaire, Bercy ne rate pas une occasion de rogner sur les autorisations de paiement comme pour le financement des opérations extérieures, ce qui a provoqué la démission du dernier CEMA, le Général Pierre de Villiers, en juillet 2017. Il semble d’ailleurs que le processus sournois de Bercy soit à nouveau à l’œuvre. Malgré des moyens chichement accordés par le Ministère des Finances, l’armée française est encore une des rares du monde capable de se projeter rapidement pour faire face à une menace lointaine de ses intérêts vitaux, en déployant des moyens aéronavals et des forces terrestres aérotransportées outre-mer quasi instantanément. Mais en limite de rupture capacitaire, d’où la nécessité impérieuse de maintenir l’effort budgétaire sur plusieurs années.

Elle est suivie par la Grande-Bretagne qui quittera le navire en 2019, 48,4 milliards, et par l’Allemagne, 43 milliards, puis l’Italie, 28,5 milliards, l’Espagne, 15,7 milliards, la Pologne, 9,5 milliards.

Tous ces pays estiment que leur défense est indissolublement liée aux États-Unis, sauf la France dont les dirigeants successifs depuis de Gaulle n’avaient pas osé détruire sa politique de non-alignement. Cette politique d’indépendance des blocs n’empêchait pas de rester membre de l’Alliance Atlantique politique, c’est-à-dire allié des Américains, comme la crise des missiles nucléaires soviétiques à Cuba en 1962 l’avait démontré, le Général assurant le premier au président Kennedy sa totale solidarité pour répondre au coup de force de Khroutchev.

Ayant doté la France de « la force de dissuasion nucléaire qui rend invulnérable » disait-il et « qui n’est pas faite pour frapper mais pour empêcher d’être frappé », dont la mise en œuvre éventuelle est nécessairement nationale, il proposait déjà à l’époque du rideau de fer, dans une période bien plus difficile qu’aujourd’hui où le bloc soviétique n’existe plus, une coopération militaire avec les autres Etats d’Europe de l’Ouest, à commencer par l’Allemagne dont il pensait qu’elle devait accompagner la politique d’indépendance de l’Europe qu’il prônait. On sait qu’il a été déçu à cet égard car si le Chancelier Adenauer y était prêt, le personnel politique allemand orienté vers les États-Unis a ruiné cette volonté de construire avec l’Allemagne une Europe forte et indépendante, en ajoutant le fameux préambule au traité de l’Elysée de 1963 qui rendait caduc son contenu en rappelant l’exigence allemande d’inscrire sa politique avant tout dans l’alliance américaine, ruinant par-là les efforts français pour construire une Europe européenne vraiment indépendante.

La France, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, position acquise également grâce au Général de Gaulle, détentrice du feu nucléaire, même si de mauvaises politiques lui ont fait perdre de sa puissance économique au profit de l’Allemagne, souvent au nom d’arrangements prétendument en faveur de l’Europe, ne peut être comparée aux autres pays européens, erreur de certains qui jugent sur des critères faux ou incomplets. Erreur répétée par les politiques qui se sont succédés au pouvoir depuis Giscard d’Estaing, jugeant la France trop petite et trop faible pour pouvoir peser dans le monde et qu’il fallait donc la fondre au plus vite dans un ensemble supranational, seul capable de peser dans la mondialisation grandissante.

Elle a évidemment un rôle original à jouer en Europe, d’autant plus que ses responsabilités mondiales découlant de son riche passé, avec ses 11 millions de km2 de possessions marines réparties sur toute la planète, deuxième puissance mondiale à cet égard, à peine dépassée par les États-Unis, de ses liens et accords de coopération avec beaucoup de pays africains, impliquent qu’elle doit avoir les moyens d’intervenir partout dans le monde pour faire face aux menaces éventuelles, notamment une marine et des moyens de projection rapides et puissants.

Les autres pays européens peuvent bénéficier de ce particularisme français et construire avec elle des coopérations dans divers domaines, notamment dans celui des industries d’armement, et l’accompagner dans les projets qui offriraient des intérêts partagés.

Mais les instruments de la puissance, feu nucléaire et siège permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU ne peuvent être partagés et toute velléité de le faire serait une trahison.

Ces instruments donnent des responsabilités à la France dans la construction de coopérations renforcées avec d’autres nations européennes dans de nombreux domaines, c’est-à-dire dans un vrai rapprochement des nations du continent qui ont tant de valeurs à partager et à défendre, tout en gardant leurs souverainetés. Par son riche passé la France a des liens d’amitié avec presque tous les pays européens : les rues et les monuments de Paris ne cessent de rappeler la profondeur de cette amitié avec nos voisins immédiats mais aussi avec la Pologne, la Hongrie, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie, la République Tchèque, la Slovaquie, et d’autres encore dont les intellectuels, les écrivains, les artistes nous sont devenus familiers et appartiennent à notre patrimoine, comme l’Italie de la Renaissance a imprégné nos monarchies . Des coopérations qui pourraient d’ailleurs concerner des pays non membres de l’actuelle Union européenne, tant il est possible d’envisager des accords économiques, industriels, sécuritaires avec tous les pays qui apporteraient leurs pierres à l’édifice et y trouveraient intérêt. Comme l’a indiqué Jacques Myard à nouveau, il existe de grands projets qui nécessitent de s’entendre avec des Etats non européens parce que la technologie nécessaire n’est pas présente chez nous. La construction de moteurs d’avion nécessite que Safran coopère avec General Electric ; le projet dans le nucléaire d’ITER est mondial et dépasse les frontières de l’Europe ; de même, notre coopération stratégique avec le Brésil, en particulier dans le domaine maritime, est porteuse d’espoirs.

On ne fait de la politique que sur des réalités, et avec du bon sens, aimait à répéter le Général de Gaulle. Il ajoutait aussi que les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Les vielles nations du continent ne sont pas prêtes à voir disparaître leurs cultures, ni leurs souverainetés. On le voit clairement avec de plus en plus de pays européens qui s’opposent avec fermeté aux décisions de Bruxelles, et les opinions publiques qui portent au pouvoir des majorités qui veulent retrouver leurs souverainetés. Il faut donc revenir au bon sens et laisser les Etats qui le souhaitent rapprocher leurs politiques et avancer ensemble vers des objectifs partagés en fonction de leurs intérêts bien compris. On voit que les politiques concernant l’immigration sont partagées par les Etats qui sont en première ligne et qui s’opposent radicalement à celles de Bruxelles, de l’Allemagne de Merkel et de la France de Macron. Ces pays d’ailleurs entrent dans des groupes de nations, comme le Groupe de Visegrad : Hongrie, Pologne, République Tchèque et Slovaquie, ou le Triangle de Weimar : Allemagne, Pologne et France, parce qu’ils ont des menaces identiques et entendent y faire face ensemble. Il existe un terme dans le texte du Traité de Lisbonne pour appeler ces processus : les CSP, Coopérations Structurées Permanentes, ou les coopérations renforcées entre Etats qui se sont définis des intérêts communs dans des domaines précis. Suivons l’exemple de Visegrad et de Weimar.

Définition de la menace

La définition des menaces est la première exigence précédant la construction des parades. En matière de défense, les nations européennes ne définissent pas les mêmes menaces et ont des priorités différentes.

A la base de toutes ces velléités de vouloir bâtir une armée européenne, il y a l’idée que les Européens auraient une conception commune des menaces et devraient y faire face ensemble. Là aussi, c’est une erreur de réflexion stratégique quand certains veulent présenter la Russie comme une menace, prête à envahir l’Europe avec ses chars ! alors que d’autres estiment que nous devrions construire avec notre immense voisin un concept de défense et de sécurité partagé, notamment face à l’islamisme terroriste, sans parler de notre sécurité énergétique et de nos intérêts économiques qui lui sont étroitement liés. Pour cela il faudrait, évidemment, nous entendre avec elle sur des échanges et une coopération mutuellement profitables, au lieu de suivre aveuglément l’hostilité que les EU entretiennent contre cet immense pays de notre continent, qui renaît de ses cendres et possède une importante dimension asiatique qui nous serait indispensable.

La menace terroriste qui est commune à toute l’Europe, est la menace prioritaire et nécessite en premier lieu une organisation des services de renseignement et de police pour y faire face. Il existe déjà des organismes communs dépendant de l’UE à cet égard, mais la coopération peut, et doit, dépasser les seuls Etats européens pour concerner les pays d’où sont issues les vagues de migrants qui, évidemment, incluent des terroristes. Les services les mieux renseignés au monde sur la mouvance jihadiste sont les services de renseignement syriens avec lesquels nous échangions autrefois de précieuses informations, mais avec lesquels nous n’avons plus aucune coopération à cause de la politique aberrante que nous continuons à mener pour renverser un Président Bachar el Assad qui a renforcé son prestige par la magnifique résistance de son peuple et de son armée qu’il a dirigée, avec l’aide de ses alliés russes et iraniens, contre le terrorisme islamique. Tout cela pour avoir fait le choix catastrophique de nous mettre dans le sillage des Etats-Unis et de ses affidés du Golfe. Au moment où les États arabes qui étaient les plus engagés pour renverser le Président syrien se rendent désormais plus ou moins discrètement à Canossa, c’est-à-dire à Damas cette fois, pour envisager de reprendre des relations avec le pays qu’ils ont tentés de détruire en alimentant une myriade de terroristes islamiques, le gouvernement français devrait rapidement sortir de sa bulle idéologique démentie par les faits pour revenir aux réalités du terrain.

Or, la menace terroriste est une menace endogène aux pays européens comme la France qui ont des populations pas ou mal assimilées. Elle ne disparaîtra pas avec la probable destruction prochaine de DAESH au Moyen-Orient. La haine de l’Occident qui habite le cœur de ces populations en déshérence subsistera de manière latente ou violente tant que les Etats n’auront pas pris de mesures sérieuses face aux migrations sauvages qui amplifient cette fracture des sociétés. Il n’y a plus besoin d’une ordre d’un émir islamiste de DAESH ou d’Al Qaïda pour que des individus en marge de la société passent à l’acte. Il n’y a pas d’organigramme des organisations terroristes islamiques que nos services de renseignement pourraient découvrir, même si des cellules dormantes prêtes à passer à l’action existent et qu’ils doivent les repérer, mais de nombreux candidats au suicide pouvant décider de leur propre chef de tuer des citoyens en mourant eux-mêmes, par haine d’une société dans laquelle ils ne veulent ou ne peuvent s’intégrer. Le Pacte de Marrakech proposé par l’ONU pour inciter les nations à accueillir les migrants est un vœu pieux très dangereux car ce n’est pas ainsi qu’on peut tarir les flots de migrants, et c’est plutôt les inciter à se lancer dans leurs équipées périlleuses.

Il s’agit donc avant tout de coopération de renseignement et de police à développer, coopération qui ne nécessite pas d’intégration fédérale et d’abandon de souveraineté à un quelconque organisme centralisé.

C’est d’ailleurs ainsi que les États d’Eurasie et d’Asie coopèrent dans des organisations internationales comme l’Alliance Economique Eurasienne ou l’Organisation de Coopération de Shangaï, en conservant leurs totales souverainetés dans la mise en commun de leurs capacités.

L’effort européen en matière de défense devrait porter sur le développement d’industries de fabrication d’armement, domaine dans lequel la France dispose encore d’une grande expertise, en coopération avec les groupes industriels qui en ont aussi comme les Tchèques, les Slovaques, les Serbes, les Croates, les Allemands, les Italiens, les Belges… et y trouveraient leur intérêt. Les armées nationales doivent s’entraîner à travailler ensemble pour s’habituer à participer à des opérations communes, à utiliser des matériels sortis d’usines européennes, éventuellement en coopération avec des pays hors du continent.

Participer avec les USA a des opérations communes, pourquoi pas si les Etats européens définissent des menaces communes avec eux, mais pas pour s’y subordonner comme dans l’OTAN. En outre, la Grande Bretagne sortie de l’UE devrait rester le partenaire industriel qu’elle est avec nous dans de nombreux domaines. C’est contre l’avis des élites britanniques que le peuple a voté pour le Brexit, considérant qu’un grand pays comme le leur ne pouvait plus continuer à accepter une réglementation supranationale tatillonne, – alors pourtant qu’il disposait encore de sa monnaie et de nombreux accommodements ou exemptions-, et qui lui imposait des quotas d’accueil de migrants jugés inacceptables. Finalement pour la nation amie d’outre-manche, le seul frein à notre coopération avec elle réside dans son attachement à l’OTAN qui devrait ne plus être notre bréviaire. Mais nous avons en partage des responsabilités mondiales qui exigent des coopérations dans de multiples domaines, à commencer par le domaine industriel militaire, si l’attirance pour le grand large de notre voisine d’outre-Manche ne lui fait pas négliger son appartenance géographique au continent. La France devrait montrer la voie en poursuivant et amplifiant la coopération industrielle avec elle, entérinée en 2010 par les Accords de Lancaster House, notamment dans le domaine naval. Notre grande voisine, notre alliée de la dernière guerre, est bien trop éloignée des Etats-Unis par mille raisons pour ne pas souhaiter continuer avec les pays européens des coopérations économiques, financières, militaires, culturelles en dehors d’une tutelle de Bruxelles qui devrait d’ailleurs se dissoudre dans ses excès technocratiques.

Conclusion

L’Union européenne n’est pas une force politique et on ne voit pas qu’elle prenne le chemin d’en devenir une : elle se soumet aux décisions unilatérales des Etats-Unis qui lui nuisent directement en n’émettant que des protestations de principe, même quand celles-ci portent des préjudices importants à ses intérêts vitaux, comme les taxes imposées à ses produits ou les interdictions punitives de commercer avec l’Iran ou Cuba.

Dominique de Villepin, resté célèbre pour son discours à l’ONU en février 2003 comme ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, rappelant les vertus de la « Vieille Europe » avec lyrisme pour dénoncer la volonté de G. W. Bush d’attaquer l’Irak, a fait récemment des déclarations télévisées qui ont été diffusées sur les réseaux sociaux, auxquelles les dirigeants européens devraient porter attention. En substance il a dit qu’il fallait que la France et l’UE réalisent enfin qu’après les attaques répétées des États-Unis contre l’Europe, ils ne sont plus leur allié mais un rival brutal.

La décision récente de Donald Trump de sortir du Traité sur les Forces Nucléaires Intermédiaires (INF en américain) signé en décembre 1987 à Washington entre les Présidents Reagan et Gorbatchev est une attaque de plus contre le continent européen, il faut bien le comprendre.

Ce traité prévoyait la destruction simultanée de milliers d’armes nucléaires par les deux puissances, faisant un premier pas vers l’annihilation totale un jour de cette épée de Damoclès de la possible destruction de l’humanité par cette arme terrible, et avait pour but de réduire les tensions en Europe. Or ni l’UE, ni les nations européennes, membres ou pas de l’OTAN, n’ont été consultées avant cette décision de retrait, montrant bien le mépris dans lequel les États-Unis tiennent une Europe qu’ils considèrent comme leur docile sujet. Les USA accusent la Russie d’avoir enfreint le traité alors qu’il y a maintenant belle lurette qu’ils ont installé des armes nucléaires de portée intermédiaire sur le continent, notamment en Italie, Belgique, Pays-Bas, Roumanie et Pologne clairement annoncées maintenant contre la Russie, même s’ils les présentent comme des armes défensives. Les États-Unis envisagent donc l’Europe comme le théâtre possible d’une guerre nucléaire limitée (aberration dangereuse de pseudo-stratèges qui n’ont pas compris que l’arme de non-emploi, comme on l’a appelée, parce que les représailles automatiques seraient insupportables pour l’attaquant, d’où le concept de dissuasion pas toujours compris par certains qui continuent à raisonner selon le principe de coercition que la détention de l’arme nucléaire annihile pour le remplacer par la dissuasion du faible au fort), entraîne de facto une réaction en chaîne stratégique analogue au processus physique qui lui donne sa puissance. Il ne faut pas confondre la coercition qui était le principe de base de l’art de la guerre depuis les origines de l’humanité, avec celui de la dissuasion qui a bouleversé les concepts au point de rendre une guerre mondiale impossible depuis l’apparition de l’atome militaire. D’où la multiplication de conflits dits asymétriques pour atteindre des objectifs stratégiques par le biais de forces hybrides.

Face à l’attaque directe des États-Unis contre les intérêts économiques européens que constitue leur retrait unilatéral de l’accord nucléaire avec l’Iran signé à Vienne le 14 juillet 2015 et entériné par la résolution 2231 de l’ONU, l’Union européenne montrerait sa capacité à acquérir ou non une existence politique en montrant sa fermeté face à ce défi américain. Pour le moment nous n’avons vu que des déclaration sans conséquences pratiques, et on ne voit pas comment le « véhicule spécial » (SPV en anglais) mis en place par Bruxelles permettra aux entreprises françaises et européennes de reprendre leurs activités en Iran.

La défense militaire de l’Europe comprend aussi la défense économique de ses intérêts et doit être pensée au travers d’une entente entre Etats qui se trouvent des intérêts communs. Et des ennemis communs.

Que les stratèges réfléchissent à cette problématique sans idéologie toute faite, avec pragmatisme. Ils devraient comprendre que l’OTAN est le principal obstacle à la prise en compte par les Européens de leur destin ; destin qui n’est pas fait d’une table rase du riche passé des nations mais au contraire du rapprochement des politiques de pays souverains, économiquement, monétairement, fiscalement, socialement et militairement, si proches à bien des égards par leurs racines chrétiennes communes.

Il n’y a pas de possibilité d’armée européenne commune aujourd’hui, parce qu’il n’y a pas d’identité d’un peuple européen, pas de souveraineté européenne, donc pas de soldats européens prêts à mourir pour une patrie européenne chimérique.

En revanche, la richesse des Histoires des nations du continent doit les amener naturellement à se rapprocher souverainement du fait de leurs nombreuses affinités, sans carcan idéologique ou technocratique quelconque mais en mettant en commun leurs capacités. Les craquements de plus en plus forts dans les fondements de l’Union européenne, provoqués par des forces extérieures et intérieures multiples et variées, laissent augurer des jours sombres pour les thuriféraires de l’Europe supranationale. Le rouleau compresseur du réalisme des peuples devrait bientôt écraser les fausses valeurs en Europe. Ces peuples sont de plus en plus agités, comme le montrent les mouvements protestataires actuels en France qui savent, inconsciemment ou consciemment, que la source de leurs maux est dans la transposition des directives d’austérité bruxelloises dans la législation française.

Au moment où je termine ces analyses, la politique du Président américain vient de les confirmer avec sa décision de retrait de ses forces de Syrie, et en fait du Moyen-Orient à court terme, au grand dam d’une partie de son gouvernement mais pas de son opinion publique. Le Président américain avait vu juste avant d’être élu et annoncé pendant sa campagne qu’il mettrait un terme aux opérations militaires calamiteuses de son pays au Moyen-Orient, allant même jusqu’à dire au journaliste qui l’interrogeait que le terrorisme était la conséquence du chaos créé par ces interventions.

Présageons qu’à terme, il rendra service aux pays européens en se retirant de l’OTAN, les obligeant alors à construire entre eux un concept de défense qui ne soit plus intégré dans celui des États-Unis et accompagne les aventures guerrières de Washington, toutes coûteuses et catastrophiques.

Sorties de ce carcan idéologique, les nations européennes pourront alors construire des coopérations dans le domaine de la Défense, après avoir défini en commun les vraies menaces dont la plus importante reste le terrorisme islamiste et les États qui le soutiennent pour des objectifs stratégiques. Il faudrait d’ailleurs commencer à l’appeler terrorisme wahabite, car le véritable islam n’a rien à voir avec le fanatisme de cette secte qui dévoie la religion du Coran.

A cet égard, le Président américain devrait savoir que l’Iran chiite est en première ligne pour lutter contre ces barbares qui l’attaquent sur son propre sol, et se méfier davantage de ses amitiés arabes du Golfe. En Syrie, la subtile diplomatie russe, de concert avec l’iranienne et la syrienne, est parvenue à convaincre la Turquie de participer au processus d’éradication du terrorisme dans ce pays dévasté par près de huit ans d’une vaine guerre, en lui donnant des garanties face à l’irrédentisme kurde, son obsession récurrente, et en l’amenant à user de son influence sur les groupements terroristes qu’elle contrôle de façon plus ou moins ambiguë depuis le début du conflit.

La Turquie a compris quelle était la grande puissance référente désormais pour régler ses problèmes, et son pragmatisme traditionnel lui fait choisir les alliances utiles à ses desseins, en cultivant l’ambiguïté habituelle à sa situation géographique entre l’Orient et l’Occident.

L’Union européenne, absente de cette crise majeure dont le règlement en cours sous les auspices de la Russie bouleverse l’équilibre des forces au Moyen-Orient et dans le monde, devrait comprendre que le fléau de la balance a changé de sens et que son intérêt est de s’entendre maintenant résolument avec la Russie pour lutter contre le terrorisme international dans le cadre d’une structure européenne de défense et de sécurité qui a l’avantage d’exister mais qui est devenue inopérante. Si ce n’est l’UE, qui n’a pas de politique étrangère, au moins les pays membres qui en ont une.

« Enfin ! J’aurai fait ce que j’aurai pu ! S’il faut regarder mourir l’Europe, regardons : ça n’arrive pas tous les matins. » Charles de Gaulle à André Malraux dans « Les chênes qu’on abat », récit de son entretien du 11 décembre 1969 à La Boisserie.

Alain Corvez

[i] Chiffres de 2017 de l’Institut de Recherche pour la Paix de Stockholm)

Source : Iveris

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