Le statut du sapeur-pompier volontaire (SPV) est-il menacé en France ? C’est la question que se posent les 195.800 sapeurs-pompiers volontaires recensés aujourd’hui sur tout le territoire, et oeuvrant dans 79% des opérations de secourisme, de sauvetage, d’incendie partout en France.
En cause, un arrêt du 21 février de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui a estimé que la directive de 2003 sur le temps de travail s’appliquait aux sapeurs-pompiers volontaires belges. Une décision qui pourrait faire jurisprudence en France, en cas de recours.
Actuellement, le statut des SPV est cadré par la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011. L’article L723-5 du code de la sécurité intérieure qui indique que : « l’activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n’est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ». Cela permet actuellement aux salariés, d’enchainer leur travail avec une garde dans leurs centres de secours, mais c’est ce qui pourrait être remis en cause si il y avait un recours effectué devant une juridiction française, en raison de la nouvelle jurisprudence donc.
Se faisant la voix de l’inquiétude des sapeurs-pompiers volontaires, le député Paul Molac a récemment posé une question à l’Assemblée nationale à ce sujet, publiée au Journal officiel le 25 décembre.
M. Paul Molac attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le devenir du statut de sapeur-pompier volontaire. En France, le système de secours d’urgence repose sur l’implication de près de 247 000 sapeurs-pompiers dont 194 000 sapeurs-pompiers volontaires, soit 79 % des effectifs. Le sapeur-pompier volontaire, en réalisant 66 % des interventions quotidiennes, en est un maillon essentiel et indispensable. Ces hommes et femmes volontaires effectuent bien souvent ces missions en plus de leurs activités professionnelles. Cet engagement citoyen et altruiste est aujourd’hui menacé par la directive européenne de 2003 sur le temps de travail (DETT). En effet, par un arrêt du 21 février 2018 concernant un sapeur-pompier volontaire belge, la Cour de justice de l’Union européenne considère le temps de volontariat des sapeurs-pompiers comme du temps de travail au sens de la directive de 2003.
En conséquence, la très grande majorité des sapeurs-pompiers volontaires exerçant par ailleurs une activité professionnelle seraient conduits, en cumulant les deux activités, à dépasser les limites du temps de travail autorisé (13 heures par jour, 48 heures par semaine) et contraints de mettre un terme à leur engagement au service de la population. Le 23 octobre 2018, M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur a déclaré en séance publique au Sénat, refuser que le modèle de secours français « qui repose sur l’engagement de femmes et d’hommes sapeurs-pompiers volontaires notamment » soit « remis en cause » par cette directive européenne et annoncé une initiative gouvernementale auprès de l’Union européenne à cette fin. Aussi, il lui demande, compte tenu de la menace que fait peser la DETT sur la pérennité du modèle de sécurité civile française et de l’urgence de la situation (le mandat de l’actuelle Commission européenne expirant en mai 2019), de bien vouloir lui préciser son calendrier d’action ainsi que les démarches qu’il compte engager, auprès des instances européennes, sur cette question.
Voici la réponse qui lui a été adressée :
La sécurité civile française repose sur un modèle qui démontre chaque jour sa pertinence et sa robustesse : par son organisation et son implantation territoriale cohérente, notre modèle permet aussi bien de faire face aux accidents du quotidien, que d’affronter les crises exceptionnelles. Ce modèle, garant de la sécurité des Français au quotidien, doit être protégé et conforté. Il convient en premier lieu de rappeler que l’objectif de la directive européenne, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (2003/88/CE), est de garantir à tous les travailleurs de l’Union européenne un socle de droits communs, harmonisé et protecteur. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, dit arrêt Matzak, suscite une inquiétude chez les sapeurs-pompiers volontaires (SPV), qui craignent une remise en cause du modèle français de sécurité civile.
En effet, l’assimilation sans aménagement du volontariat à un travail pourrait limiter sa compatibilité avec tout autre emploi salarié en ce que le cumul d’activité résultant de cette assimilation pourrait potentiellement conduire à un dépassement des plafonds, rendant le salarié inemployable à l’issue d’une période d’activité de sapeur-pompier volontaire. Dès lors, le Gouvernement, qui entend et partage la préoccupation des SPV et des élus, a immédiatement fait part de sa volonté de protéger notre système de secours, reposant précisément, pour sa plus grande part, sur l’engagement citoyen des SPV.
Plusieurs pistes de travail sont engagées afin de protéger ce modèle de volontariat : d’une part via une démarche auprès des autorités européennes pour consacrer le caractère spécifique de l’activité de SPV à travers la directive, et d’autre part, au travers de la proposition de transposition de la directive, afin d’en exploiter les larges facultés de dérogation. Les élus et les sapeurs-pompiers peuvent compter sur la mobilisation du Gouvernement pour préserver le modèle français de sécurité civile.
A l’heure actuelle, quoi qu’il en soit, l’inquiétude est de mise, d’autant plus que dans tous les centres d’Incendie et de Secours (CIS), et notamment en zone rurale, les nouvelles recrues manquent souvent à l’appel, ce qui motive des campagnes de recrutement parfois chocs. Chaque citoyen peut en effet très facilement comprendre que sans engagement, ce sont demain ses enfants, sa famille, qui peuvent être victimes d’un manque de pompiers dans sa commune ou dans son secteur (pour connaitre les modalités d’engagement, c’est ici).
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