L’UE doit « changer maintenant » après l’une des « pires années » de son histoire

L’Union européenne a connu l’une des années les plus désastreuses de son histoire et doit changer immédiatement pour éviter de sombrer davantage dans le désespoir politique et démocratique.

C’est le point de vue de nombreux experts s’adressant au tabloïd britannique Daily Express, qui ont donné leur avis sur ce qui a été une années chaotique pour l’UE. L’Union européenne s’est retrouvée plongée dans le chaos alors que les gouvernements de tout le continent se déchirent au milieu de crises internes et d’une vague de votes de défiance. Le leadership de la Première ministre Theresa May ne tient qu’à un fil, malgré sa victoire dans le vote de défiance déclenché contre elle plus tôt ce mois-ci.

Emmanuel Macron et Angela Merkel : une année désastreuse

Deux des plus grandes figures de proue de l’UE – Emmanuel Macron et Angela Merkel – ont connu une année désastreuse et ont vu leur taux de popularité parmi les électeurs chuter à des niveaux records.

Le président français subit d’énormes pressions après des semaines de manifestations violentes de la part des manifestants en gilets jaunes, tandis que l’emprise d’Angela Merkel sur son gouvernement de coalition fracturé s’est considérablement relâchée après son remplacement à la tête de son parti, la CDU.

La querelle entre l’UE et l’Italie au sujet du budget du pays pour 2019 se poursuit, avec toujours aucune résolution en vue sur la question de son déficit.

Arnaud Touati, cofondateur du cabinet parisien Alto Avocats, a déclaré au Daily Express : « Cette année a été ponctuée par la montée en puissance de nombreux gouvernements souverainistes anti-européens dont l’arrivée au pouvoir pourrait être la plus emblématique en Italie avec la victoire de Matteo Salvini. Les négociations extrêmement compliquées concernant la sortie du Royaume-Uni de l’UE ajoutent à l’agitation. Les discussions semblent conduire à une impasse. Un climat d’incertitude s’est donc instauré sur l’ensemble du continent.

Voilà les deux éléments clés qui font de 2018 l’une des pires années de l’histoire de l’Union [NDLR : européenne] ».

Jim Shields, professeur honoraire à l’Université de Warwick, a déclaré que l’année écoulée a été une année « lamentable » pour l’UE, déclenchée par les chutes d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, ainsi que par la formation de gouvernements « anti-UE » à travers le groupe des 28.

Il a ainsi affirmé : « Il y a à peine 18 mois, Emmanuel Macron et Angela Merkel semblaient prêts à insuffler une nouvelle vigueur au projet européen ; aujourd’hui, Merkel a été détrônée tandis que Macron a été rabaissé par de violentes protestations et des taux d’approbation en chute.

Un parti violemment anti-UE a été élu au gouvernement en Italie, un autre parti anti-UE est devenu une force en Allemagne, un autre encore co-gouverne désormais l’Autriche, Marine Le Pen est de retour en France, et la Grande-Bretagne se rapproche chaque jour davantage de la sortie de l’UE ».

Kostas Maronites, professeur de politique internationale à l’Université de Leeds Trent, a affirmé que l’UE n’a pas réussi à résoudre des problèmes tels que l’irresponsabilité démocratique, le parti pris idéologique en faveur d’objectifs fiscaux et budgétaires « non réalisables », et un manque de vision et de politique concernant la crise migratoire.

Il a ajouté qu’une « nouvelle génération de dirigeants européens comme Matteo Salvini en Italie, Sebastian Kurz en Autriche et Viktor Orbán en Hongrie défient ouvertement les aspirations françaises à une intégration européenne plus poussée » tout en rejetant « l’hégémonie de l’Allemagne en matière d’emploi, d’immigration, de fiscalité et de budget ».

Kostas Maronites a prévenu : « De nouveaux développements politiques et sociaux tels que le Brexit, la controverse autour du budget italien, les protestations des Gilets Jaunes révèlent que l’UE est à court d’idées pour convaincre les citoyens que leur prospérité et leur bien-être sont liés aux structures politiques et aux accords économiques existants ».

Les experts vont même jusqu’à affirmer que l’année chaotique que l’UE a connue lui a fait perdre le respect de beaucoup de ses États membres et qu’elle n’a jamais pleinement obtenu le soutien des citoyens européens, les laissant exclus.

« Trop éloignée, trop compliquée, les Européens semblent ne pas bien comprendre le but et l’intérêt de l’UE. »

Arnaud Touati précise : « L’Europe n’a surtout jamais vraiment réussi à obtenir la considération des citoyens – trop éloignée, trop compliquée, les Européens semblent ne pas bien comprendre le but et l’intérêt de l’UE. L’Europe est divisée entre une ligne fédéraliste et une ligne souverainiste de plus en plus inconciliable, d’où les désaccords au sein de l’Union européenne apparaissant au grand jour. Cependant, comment voulez-vous paraître fort si tout le monde ne tire pas dans la même direction. Face à des géants comme la Russie ou les États-Unis, la moindre erreur se paie cher ».

Kostas Maronites ajoute : « L’austérité et la consolidation budgétaire sont devenues des caractéristiques permanentes du paysage européen et les citoyens ne peuvent envisager un avenir meilleur dans les structures politiques et économiques existantes. L’UE n’est pas disposée à démocratiser ses institutions et ses structures et, par conséquent, tant les citoyens que les Etats membres se sentent exclus de la formulation des stratégies et des directives en matière d’immigration, d’environnement, d’économie et de protection sociale ».

M. Shields a affirmé que l’approche de l’UE pour communiquer sur sa mission est « profondément erronée », n’écoutant pas les citoyens particulièrement concernés par des domaines majeurs tels que les crises migratoires et économiques.

Il poursuit : « Elle n’a pas réussi à combler le fossé entre ses institutions et ses citoyens et à corriger l’impression que Bruxelles est une machine bureaucratique alimentée par l’argent des contribuables. Son approche des deux grands défis de la dernière décennie – la crise économique et la crise des réfugiés – a montré que l’UE était parfois sourde aux préoccupations de sa population ».

Autre « péché originel » de l’UE : l’ouverture de la libre circulation aux frontières intérieures sans assurer une protection adéquate des frontières extérieures

Dans la deuxième de ces crises, un autre « péché originel » de l’UE a été révélé : l’ouverture de la libre circulation aux frontières intérieures sans assurer une protection adéquate des frontières extérieures.

Quelle est la prochaine étape pour l’Union européenne ? Comment peut-elle rebondir en 2019 ? Un changement radical, estiment les experts, avec les élections européennes en mai prochain qui s’avèrent être un moment déterminant pour son orientation future.

Nick Evans, président de l’agence de marketing international ExtraMile Communications, va jusqu’à dire que la « vieille garde » à la tête de l’UE doit être « renouvelée ». Il ajoute : « L’UE devra changer. Si elle avait fait des concessions à David Cameron avant le vote sur le Brexit, nous n’en serions probablement pas là où nous en sommes maintenant.»

Philip Cunliffe, maître de conférences sur les conflits internationaux à l’Université de Kent, déclare pour sa part : « La seule véritable manière pour l’UE de rebondir est un processus de restructuration géré par lequel elle introduit différents niveaux d’intégration, et peut-être même une dislocation gérée de la zone euro. L’une ou l’autre de ces options sera lente et douloureuse et comportera de nombreux risques politiques et économiques qui déstabiliseront davantage l’Union à moyen et long terme ».

Source : Express.co.uk

Traduction : Breizh-info.com (Les sous-titres sont de la rédaction)

Crédit photo : Wikimedia Commons (CC0/EU2016 SK)
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