Par nature, lorsque je vois des élus de gauche à l’unisson évoquer un possible rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, je me méfie. Pourquoi réaliser tout d’un coup ce qui n’a pas été fait depuis plusieurs décennies?
Espérons pour la démocratie qu’un référendum, qui concerne aussi bien les habitants de Bretagne que des Pays de la Loire – puisqu’on les a rattachés à une région virtuelle depuis des décennies – soit organisé rapidement. Mais au final, quel intérêt de rattacher, aujourd’hui, la Loire-Atlantique à la Bretagne ?
Une Bretagne qui, au lieu d’être dirigée par deux grandes métropoles vampires que sont Rennes et Brest, le sera par trois avec Nantes en plus. Car il ne faut pas se leurrer : aujourd’hui, les métropoles de Rennes et de Nantes notamment et leurs dirigeants ont beaucoup plus de pouvoir que le Conseil Régional de Bretagne, dont l’autonomie est très encadrée, dont les prérogatives sont limitées.
Tester et investir l’argent des Bretons dans l’écriture inclusive ou l’égalité hommes-femmes dans la Région, c’est possible, mais généraliser l’enseignement bilingue, construire un réseau ferroviaire digne de ce nom, assurer l’équilibre des territoires vis à vis des métropoles, ça l’est beaucoup moins.
Pas certain finalement – hormis arrêt et fin de la métropolisation du territoire – que la Bretagne ait a gagner, notamment la Basse-Bretagne, de l’arrivée d’une nouvelle métropole socialiste depuis plusieurs décennies dans son giron.
Et puis entre nous : si historiquement, il ne fait aucun doute que la Loire-Atlantique est bretonne, qu’en est-il culturellement et ethniquement aujourd’hui ? Les migrants qui défilent à Nantes vont-ils du jour au lendemain devenir des Bretons eux aussi ? Les caïds qui font régner la terreur (et marcher l’économie) dans les cités nantaises vont-ils avoir leur certificat de bretonnitude ? La population de Loire-Atlantique a changé profondément ces dernières années. Mais les militants Bretons semblent fermer les yeux à ce sujet. Faut-il rappeler qu’en 2016, plus de 14% des naissances en Pays de la Loire étaient d’origine extra-européennes ? Pas certain que cette population se sente concernée par ce changement administratif.
Par ailleurs, lorsque l’on voit s’agiter la gauche et l’extrême gauche pour la défense et la refonte d’une frontière, n’y a-t-il pas là un paradoxe venant de gens qui réclament « des papiers pour tous », « le droit de s’installer partout », et même pour certains » l’abolition des frontières » ? Ainsi pour ceux-ci, l’Europe ne devrait pas avoir de frontière, c’est à dire de ligne qui permette de la distinguer, de la démarquer, de la protéger de l’extérieur, mais la Bretagne, elle, devrait en avoir une toute neuve ? Étrange n’est-ce pas ?
Si le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne amenait demain une possibilité de relier Brest à Nantes en ligne directe via le train et de mailler tout le territoire, de développer des aéroports internationaux sur le territoire breton, de généraliser l’enseignement des langues de Bretagne, de définir un statut de résident et de citoyen breton (avec les droits civiques et immobiliers liés à cette qualité), d’avoir sa propre police, de gérer l’immigration comme les Bretons l’entendent, d’optimiser le service régional de santé au nom de l’égalité des territoires, plus globalement, de permettre aux zones rurales de ne pas être victimes de la métropolisation à outrance, alors oui, ce rattachement devrait être un combat prioritaire.
En attendant, porté par des gens à qui l’idée de frontières donne des boutons, qui contribuent par leurs actions de tous les jours à saper tout combat identitaire, on est en droit de se demander : pourquoi voulez vous rattacher la Loire-Atlantique à la Bretagne désormais ? Quel intérêt ?
J’entends déjà certains ayatollahs hurler que Breizh-Info donne la parole à des gens qui ne défendent pas la Bretagne ! Qu’ils se rassurent. Je voterai pour le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne, parce que c’est sans doute mieux que rien, et que, dans tous les cas, cela ne changera rien à la politique migratoire de peuplement, que ce soit en Pays de Loire ou en région Bretagne.
Mais on est tout de même en droit de se poser des questions, d’empêcher de tourner en rond et de ne pas biniouser avec tous les biniouseurs !
OUI à la Loire-Atlantique en Bretagne, mais dans une Bretagne bretonne, dans une France française, dans une Europe européenne.
Julien Dir
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