La Hongrie en crise ? [Reportage]

Une série de manifestations a eu lieu en Hongrie contre le Premier ministre conservateur Viktor Orbán. L’élément déclencheur est le vote d’une modification de la loi sur le travail. Les médias hostiles – hongrois et étrangers – au Premier ministre illibéral donnent une image terrible de la situation et des événements. L’opposition progressiste, libérale et socialiste, a radicalisé son discours et son action, et les opérations d’agitprop ont été très nombreuses.

Mise au point sur la situation avec Ferenc Almassy, du Visegrad Post :

1/ Mise au point sur la fameuse « loi esclavagiste »

Le 12 décembre 2018, le parlement hongrois, dont un peu plus des deux tiers sont acquis à Viktor Orbán, a voté une modification de la loi sur le travail, augmentant d’environ un tiers le temps d’heures supplémentaires qu’un employeur peut demander à ses employés. Nous avons déjà publié un court article sur ce sujet.

Première manipulation des chiffres : ceux qui ont renommé cette loi en « loi esclavagiste » parlent en boucle d’un passage de 250 à 400 heures annuelles, de paiements décalés de trois ans, ou encore d’heures supplémentaires impayées. Mais c’est faux. En fonction des professions, le nombre d’heures que peut demander un employeur peut varier. Ainsi, ceux qui étaient à 250 heures par an ne passent pas tous à 400h par an. Ce palier supérieur ne concerne d’ailleurs que 10 à 15% des travailleurs (essentiellement des fonctionnaires, et des travailleurs aux horaires irréguliers). Pour beaucoup de petites et moyennes entreprises, comme des sous-traitants sur-sollicités des grosses usines automobiles allemandes, c’est un soulagement : plus besoin de trafiquer les chiffres et la comptabilité pour travailler les samedis par exemple.

Comme le fait remarquer le seul parti de gauche de Hongrie qui ne s’est pas converti au libéralisme, le Munkáspárt (ou Parti des Travailleurs, héritier du Parti Communiste), le culte de la croissance et l’économie de marché amènent nécessairement ce genre de loi. On ne peut qu’abonder en leur sens : la Hongrie, pays à la natalité faible (1,45), subissant le brain-drain imposé par l’Occident dont elle est un pays périphérique, refusant l’immigration, avec un chômage à 3,6% à échelle nationale, et où les salaires sont en augmentation constante (8% d’augmentation du salaire minimum début 2019), ne peut pour aller vers toujours plus de croissance – croissance du PIB de 4,3% pour 2018 selon les estimations – qu’augmenter d’une façon ou d’une autre le temps de travail. C’est ce qu’a fait également l’Autriche, et la Russie a elle aussi pris une mesure du même acabit avec sa réforme de la retraite.

Mais il faut relativiser : les statistiques sont claires, on est loin du sombre tableau que l’opposition dresse. En moyenne, un employé hongrois effectue 31,2 heures supplémentaires par an. Nous sommes très loin des 400h, mais même des précédentes 250h. On comprend vite que cette modification sert essentiellement à répondre aux besoins de certaines professions, comme nous l’avons décrit plus haut. Même si le gouvernement nie en bloc que cette modification vise à réduire les arrangements illégaux et le travail au noir. Quant aux trois ans de décalage pour le paiement des heures supplémentaires, c’est une fausse information. La modification de la loi permet en fait aux conventions collectives de passer de 12 à 36 mois pour définir des périodes de travail irrégulier.

Exemple : dans une usine, l’afflux de commandes impose d’augmenter les cadences. Dans le cadre d’une convention collective, les employés peuvent être amenés à travailler une semaine 50h (au lieu des 40h standard) – une autre semaine, les employés concernés travailleront par exemple 30h, pour compenser. Le tout est que sur la période définie (pouvant aller jusqu’à 36 mois, donc) le compte soit bon pour le nombre d’heures travaillées, qui restent à 40h hebdomadaires. Ceci n’a rien à voir stricto sensu avec les heures supplémentaires. La subtilité se trouve dans le fait que pour les employés concernés par des horaires irréguliers comme donné en exemple plus haut, si des heures supplémentaires sont effectuées durant l’intervalle de temps défini par la convention collective, elles ne seront comptabilisées qu’à la fin dudit intervalle – qui peut donc être désormais de 36 mois maximum. Pour l’immense majorité des employés, le salaire pour les heures supplémentaires est toujours versé mensuellement.

L’observateur avisé notera également que cette modification de la loi sur le travail garantie plus de jours de repos pour les travailleurs concernés par un travail à horaires irréguliers, mais également que l’opposition ayant renommé cette modification légale en « loi esclavagiste » est la même, Jobbik inclus, qui a lutté – et obtenu gain de cause – contre la très forte limitation du droit de travailler le dimanche voulu par le gouvernement Orbán. L’opposition se battait alors pour laisser les gens travailler plus et quand ils le voulaient. De tout cela ressort en fait, dans ce contexte particulier, la faiblesse des syndicats en Hongrie. Annihilés sous le communisme, les syndicats n’ont n’ont pas su retrouvé une influence depuis le changement de régime.

2/ La stratégie de survie de l’opposition libérale : opérations de manipulation et agitprop

Après 8 ans de pouvoir socio-libéral, Viktor Orbán est revenu au pouvoir en 2010. Puis il a été encore réélu en 2014, et en 2018. À chaque fois avec environ 50% des voix, et obtenant à chaque fois la majorité constitutionnelle des deux tiers au parlement monocaméral de Hongrie.

Jusqu’en 2015, l’opposition parlementaire était composée de la gauche libérale et de l’extrême-droite (Jobbik). Mais la crise migratoire de la route des Balkans et la réaction ferme et radicale du Premier ministre hongrois face à l’immigration incontrôlée a coupé l’herbe sous le pied du Jobbik, qui a alors, pour des raisons électoralistes, précipité une dédiabolisation accélérée pour gagner des voix à gauche. Après de nombreux conflits internes et les départs massifs de ses militants et de certains de ses cadres, le Jobbik est désormais un parti qu’on peut classer sans exagération parmi les partis libéraux centristes – appels à l’UE contre le gouvernement national, positionnements atlantistes, favorables à la « gay pride », favorable à un gouvernement technocratique, pour que la Hongrie rejoigne le Parquet européen, etc.

Le reste de l’opposition libérale de gauche n’a depuis le retrait de la vie politique de l’ancien président du parti vert-libéral LMP András Schiffer, aucune figure majeure pouvant fédérer l’opposition et prétendre défier Viktor Orbán, ainsi qu’aucun programme commun. La seule chose qui fédère la « machine à perdre » de l’opposition libérale hongroise est le rejet de l’orbanisme.

Et c’est précisément là-dessus que se construit toute la rhétorique de cette opposition. Car cette opposition n’a aucune chance dans les urnes face à Orbán, et est en perte de vitesse dans sa domination des médias – la majorité des audiences reviennent toujours aux médias d’opposition, mais le clan d’Orbán réduit l’écart progressivement pour approcher des 50/50 – ce que l’opposition qualifie de fin de liberté de la presse et de la liberté d’expression. Il ne reste donc plus qu’une option : saboter la paix sociale pour nuire aux gouvernements successifs d’Orbán.

Cette stratégie s’est mise en place en parallèle des attaques plus virulentes de Viktor Orbán contre les réseaux mondialistes de George Soros. Avant l’élection d’avril 2018 et la victoire écrasante de Viktor Orbán, l’opposition libérale montrait déjà des signes de mutation : abandonnant progressivement le terrain politique – nous reviendrons dans la 4e partie sur le rôle du Fidesz dans cette évolution – elle s’intéressait de plus en plus aux actions d’agitprop et de communication, s’appuyant sur le réseau de médias sympathisants en Hongrie et dans le monde, ainsi que sur les réseaux sociaux.

On le voit bien aujourd’hui à travers les articles biaisés et les pluies d’articles pro-manifestants dans la presse libérale de Hongrie et d’Occident. Des manifestations de 2.000 militants deviennent des « frondes populaires importantes », l’emploi de gazeuses contre des manifestants poussant la police et lui jetant des bouteilles devient de « la violence policière », les marches de militants annoncent rien de moins que « l’exaspération de la population hongroise ».

Enfin, les députés d’opposition ont créé une liste de cinq points. Empêchés de les annoncer du fait de leur tentative d’invasion des plateaux sur la télévision publique, ils ont pu développer leur narration : « ces cinq points font peur au régime ! »

Voici les cinq points :
* le retrait de la loi sur les heures supplémentaires
* moins d’heures supplémentaires pour la police
* des tribunaux indépendants
* que la Hongrie rejoigne le Parquet européen
* un service public indépendant

Le retrait de la loi sur les heures supplémentaires apparaît comme logique dans ce contexte. La demande concernant la police a tout d’une tentative de clientélisme, et visant à donner l’image de ne pas être opposé à la police. Les trois derniers points sont assurément les plus importants.

La narration libérale répète ad nauseam que les tribunaux ou les médias publics ne sont pas indépendants. Viktor Orbán a en 2011, s’inspirant de la République française et de l’Allemagne, réformé le service public. Comme à l’Ouest, les cadres principaux du service public sont choisis par le gouvernement. Et comme dans tous les pays, les médias du service public deviennent en quelque sorte la voix du gouvernement actuellement en place. Quant à la Justice, les réformes prises par Viktor Orbán cherchent à expurger ou limiter l’intouchabilité des juges rouges, certains en place depuis le communisme, et qui ne répondent devant nul autre que leurs pairs. C’est le soi-disant « État de droit » tant prôné par l’opposition progressiste, qui n’est rien d’autre qu’une domination sur le pouvoir politique de la corporation des magistrats, faisant fi du principe démocratique. L’exigence de rejoindre le Parquet européen est également logique de la part de partis pro-Bruxelles, souhaitant moins de souveraineté nationale. Par « indépendant », l’opposition libérale entendant toujours « libérale ».

La stratégie de l’opposition progressiste est claire : elle se livre à une guerre de l’image. La communication est le seul terrain où elle a encore un ascendant sur le gouvernement de Viktor Orbán. Et elle sait que c’est son seul moyen de survivre sur la place publique. Chant du cygne ou début d’un changement ? L’avenir nous le dira.

3/ Exemples concrets de la guérilla d’agitprop

Depuis le début de la série de manifestations, les cadres de l’opposition libérale et les activistes des réseaux d’ONG anti-Orbán ont mis en pratique des techniques peu ou pas utilisées en Hongrie jusque là, montant d’un cran le niveau de tension et donnant à leurs actions un écho disproportionné dans la presse.

Parmi ces techniques, les provocations violentes contre la police, afin de contraindre les forces de l’ordre à utiliser des gaz lacrymogènes ou arrêter des manifestants devant les militants et journalistes filmant et photographiant. Les députés participant à ces manifestations ont également appliquées des méthodes clairement identifiables.

En leur qualité de parlementaires, les députés hongrois ont un accès libre aux bâtiments de la télévision publique. Ils ne peuvent en revanche évidemment pas s’imposer sur les plateaux, notamment en direct. Tentant de faire cela, ils ont été bloqués par les gardiens du bâtiment. C’est alors que, les portables sortis, les opérations de victimisation commencèrent.

Le député LMP Ákos Hadházy se laissa choir alors que les gardiens tentaient de l’escorter à l’extérieur du bâtiment. C’est cette image qui sera retenue, sous-entendant que le député a été violenté et jeté au sol :

La députée et ancienne présidente du parti LMP Bernadett Szél – qui a suivi cet automne la formation de l’IVLP aux États-Unis – a crié et menacé les agents de sécurité avant de se faire pousser hors du bâtiment de la télévision publique, surjouant avec cris et pleurs la situation (visionner de 1:00 à 2:00).

La députée socialiste (MSZP) Ildikó Bangóné a été prise en flagrant délit ; parlant à sa collègue filmant la scène dans le siège de la télévision publique, elle dit « ce serait une image super forte si on s’allongeait sur le ventre, les mains sur la nuque ». Et quelques minutes plus tard, avec d’autres députés, elle est filmée au sol, sur le ventre, les mains sur la nuque, déclarant dramatiquement « et dire qu’un jour mes enfants verront ces images… » (sous-titres en hongrois et anglais) :

La députée socialiste (MSZP) Ágnes Kunhalmi a quant à elle courut contre une porte. Probablement l’opération de victimisation la moins réussie.

Enfin, la députée libérale de gauche (DK) Ágnes Vadai a également ostensiblement surjoué la victimisation devant les caméras.

Ces quelques exemples illustrent bien la stratégie de manipulation de l’image, et de la volonté de créer des martyrs face à un pouvoir certes très dur en paroles contre son opposition mais en même temps extrêmement permissif quant à leur liberté de parole et d’action. Ce qu’utilisent plus ou moins adroitement les députés de ladite opposition.

La police hongroise a fait preuve d’une retenue et d’un professionnalisme remarquables. Cela s’explique par deux raisons. La première est le traumatisme des violences policières lors des émeutes de 2006, quand le libéral de gauche Ferenc Gyurcsány (DK) était au pouvoir, et qui a poussé le Fidesz, une fois de retour au pouvoir en 2010, à réformer la police de fond en comble. Les identifiants des agents sont toujours clairement visibles, toutes les opérations de police sont filmées et peuvent être filmées par quiconque. L’autre raison est que le gouvernement sait très bien que les provocateurs n’espèrent qu’une chose : que la police réponde et leur fournisse ainsi des images exploitables pour leur narration d’état policier.

En revanche, il est probable que des sanctions judiciaires tombent contre les agitateurs, y compris étrangers. Affaire à suivre.

Pour clôturer cette partie sur les techniques employées par l’opposition, il est important de souligner l’ironique tentative de reprise du mouvement des Gilets Jaunes. Tentative morte-née, tant tout sépare les manifestants hongrois des insurgés français. En effet, sociologiquement et politiquement, les deux contestations s’opposent. D’un côté, les Gilets Jaunes sont constitués essentiellement par les populations de la « France périphérique » telle que conceptualisée par le géographe français Christophe Guilluy, tandis qu’en Hongrie, ce sont les centre-villes qui se rebiffent. Alors qu’en France, ce sont les classes moyennes et les travailleurs qui manifestent, loin de tout parti, syndicat et organisation politisée, et dénonçant de façon récurrente l’UE, en Hongrie, ce sont des activistes d’ONG, les partis d’opposition pro-UE et proches de Macron, ainsi que des étudiants et quelques sympathisants politiques qui manifestent. Et puis, les chiffres et la capacité de mobilisation parlent d’eux mêmes. Alors qu’en France, 75% de la population soutient les Gilets Jaunes malgré les violences, en Hongrie, 80% de la population rejette les actions violentes des manifestants politisés. Et dimanche dernier, la grande manifestation unitaire des anti-Orbán a réuni entre 10.000 et 15.000 personnes, dont seulement 3.000 maximum se sont rendues au siège de la télévision publique pour prolonger les actions.

Capture d’écran d’image aérienne du cortège de manifestants en marche vers le siège de la télévision publique MTVA, le 16 décembre 2018, à Budapest. Image : Index.hu

4/ Quelle responsabilité du gouvernement de Viktor Orbán dans cette situation ?

Il serait malhonnête et dangereux de nier la réalité d’une grogne en Hongrie. Comme dans tout pays, une partie de la population et des groupes d’intérêts ne se retrouvent pas dans la politique menée par le gouvernement. Et Viktor Orbán n’a pas décidé de gouverner sans faire de vagues. Il assume fermement son idéologie illibérale et s’oppose frontalement aux élites libérales, déchues en Hongrie, mais encore dominante dans l’UE et le monde occidental. La crise du modèle libéral a amené Trump, le Brexit, le gouvernement populiste en Italie et les Gilets Jaunes en France. Viktor Orbán a pris les devant et a commencé à transformer le pays pour le sortir du libéralisme politique occidental. Cela ne va pas de soi et provoque des tensions très sérieuses sur le plan politique, avec deux camps de plus en plus irréconciliables, séparés par une ligne de fracture entre libéraux (au sens anglo-saxon, id est progressiste) et illibéraux, tels que définis par Viktor Orbán en 2014.

La situation de tension en Hongrie est due principalement aux facteurs suivants.

1* La confrontation frontale avec les réseaux d’influence du milliardaire spéculateur et homme d’influence George Soros, figure de proue du monde libéral et progressiste, no-border, LGBT et cosmopolite. Ces réseaux, constitués de professionnels de l’agitprop, jouent quelques-unes de leurs dernières cartes contre le gouvernement hongrois, notamment en accentuant les tensions entre les différents groupes de la société pour affaiblir et déstabiliser le pouvoir.

2* Plus généralement, la politique illibérale du gouvernement ; celle-ci consiste notamment, dans la pratique, à équilibrer voire couler l’influence des milieux progressistes. Dans la Justice, en mettant fin à un système où les juges forment une corporation toujours très marquée à l’extrême-gauche, intouchable et ne devant rendre aucun compte aux dépositaires légitimes du pouvoir politique. Dans la presse, en mettant fin à la super-domination libérale dans les médias ; des proches de Viktor Orbán ont créé ou racheté des médias pour réduire l’écart entre l’audience écrasante des médias anti-Orbán et ceux favorable à l’homme fort de Budapest. La télévision publique, sous contrôle du gouvernement, laisse désormais peu de place aux représentants de l’opposition. Enfin, dans le domaine de la culture, c’est la mise en pratique de la « contre-révolution culturelle » annoncée il y a deux ans ; après des décennies de passivité à l’égard du milieu de la culture – monopolisée par les libéraux et l’extrême-gauche – par idéologie anti-totalitariste et réflexes de non-intervention, Viktor Orbán a en 2016 annoncé vouloir agir en faveur des artistes conservateurs et patriotes, et les financements publics commencent tout doucement à migrer d’un pôle vers l’autre.

3* Une opposition déchirée et sans figure majeure, incapable de menacer Viktor Orbán dans les urnes. Le principal succès de l’opposition dite unitaire a été une élection municipale partielle quelques semaines avant les élections législatives d’avril 2018, où toute l’opposition parlementaire s’est unie derrière un candidat officiellement indépendant, et a remporté la mairie de Hódmezővásárhely (44.000 habitants). Pour réaliser cette union, qu’elle estime nécessaire pour atteindre des succès électoraux, l’opposition libérale cherche des points de bascule pour pousser vers plus d’union. Le premier signe en a été la manifestation contre la « taxe internet » en 2014, et cette stratégie de convergence s’est accentuée en 2018 après le succès de Péter Márki-Zay à la mairie de Hódmezővásárhely. Les événements des derniers jours s’inscrivent dans cette démarche. Il s’agit pour l’opposition de dramatiser de plus en plus la situation et d’aggraver la fracture avec l’orbanisme pour justifier et rendre aux yeux de ses électeurs inévitable et nécessaire l’union de l’opposition. Cette fracture amène l’opposition à crier « tout sauf Orbán » et appeler de ses vœux un gouvernement technocratique tandis que les partisans d’Orbán en viennent à considérer ces forces comme anti-nationales, presque comme des non-Hongrois – notamment parce qu’ils font appel à des forces étrangères contre le gouvernement légitime : UE et Soros.

4* L’image en partie négative du Fidesz, exacerbée et déformée par les médias d’opposition. L’arrogance de certains de ses cadres envers l’opposition, l’attitude de nouveaux riches de personnalités proches du pouvoir, les accusations de corruption que créent et relaient les médias d’opposition, sont autant d’éléments qui attisent la haine des anti-Orbán. Mais on pourrait citer également le refus à peu près systématique du Fidesz de voter les propositions de loi des partis d’opposition ; si toutefois une idée leur convient, le Fidesz réécrira une proposition allant dans le même sens pour ensuite voter cette loi-ci et faire sienne l’idée de départ.

5* Une communication gouvernementale lourde, parfois maladroite. Le gouvernement produit de façon pratiquement constante des campagnes de communication répétitives et assez simplistes (contre l’immigration massive, contre Soros, contre le diktat de Bruxelles,…), qui irritent une partie de la population, tandis qu’il ne communique pas du tout sur la plupart de ses succès réels sur les plans économiques et sociaux – à l’exception de sa politique familiale unique en Europe, relativement bien mise en avant. De plus, le Fidesz au pouvoir joue avec l’esprit des lois, en effectuant des campagnes gouvernementales durant la période électorale sur les résultats du gouvernement, faussant l’esprit d’équité des campagnes électorales.

La succession de manifestations, l’aggravation de la fracture entre deux Hongrie n’est donc ni quelque chose d’anormal, ni quelque chose d’anodin. Dans le contexte de la politique d’illibéralisme menée par Viktor Orbán et compte tenu de l’impuissance de l’opposition libérale et progressiste, il est à attendre que cette fracture s’aggrave encore au fil du temps. Tout semble indiquer que le pouvoir cherchera de plus en plus à diaboliser une opposition de plus en plus radicale, voire violente. Au cours des 10 derniers jours, plusieurs locaux du Fidesz ou de son allié le KDNP (parti populaire chrétien-démocrate) ont été attaqués (vitres  et portes recouvertes d’excréments, cassées ou peintes), des journalistes ont été intimidés, de nombreuses dégradations ont eu lieu durant les manifestations – ce qui est un fait rarissime dans ce pays calme, policé et amoureux de l’ordre qu’est la Hongrie.

Tout semble indiquer également que l’opposition va chercher à fanatiser de plus en plus ses troupes dans le cadre d’une guérilla d’activisme de rue permanente et faire monter la température pour fondre en un bloc l’opposition, et saboter durablement le travail, la paix et la prospérité du gouvernement Orbán. Une perspective inquiétante pour la Hongrie.

Crédit photos : DR
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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