Les Gilets Jaunes vus par la presse italienne : une approche objective et lucide

« Je ferai tout pour que l’Italie ne vive pas les scènes que sont en train de vivre les français. » (Matteo Salvini). Comme beaucoup de pays dans le monde, l’Italie réagit au mouvement des Gilets jaunes qui secoue la France depuis quatre semaines, et ce d’autant qu’Emmanuel Macron a passé son temps a rabaissé son homologue italien et à lui donner des leçons. Maintenant c’est l’inverse : Salvini a réussi à fédérer son pays, à redonner de l’espoir aux Italiens en les plaçant au centre et avec des actions concrètes. Le rassemblement du 8 décembre sur la Place du Peuple à Rome à l’appel du ministre de l’Intérieur le prouve sans contestation.

Et ainsi, pendant que Salvini parle à la foule des Italiens venus l’acclamer et le soutenir parce qu’ils se sentent enfin compris et aidé par leur gouvernement, Macron est, lui, enfermé à l’Élysée. Et c’est donc au tour de Salvini de pouvoir dire ses quatre vérités à « l’ex donneur de leçons » érigé en héraut d’armes de l’hyperclasse mondialiste.

Pendant que la Ligue produit des affiches parodiques sur le président Français.

Les 4 actes traités par la presse italienne

Pendant ce temps, les Gilets Jaunes sont devenus un sujet de presse presque incontournable – une sorte de marronier. Les journalistes italiens ont pour ainsi dire bien cerné le mouvement, ses tenants et ses aboutissants. Ce qu’ils retiennent le plus c’est que « les gilets jaunes unissent droite et gauche radicales. C’est une des caractéristiques principales du mouvement de protestations qui paralyse littéralement la France et qui a envahi le centre de Paris. La violence des derniers jours, en grande partie due à l’infiltration de casseurs qui ont mis à feu et à sang la capitale, ne doit pas occulter les motifs de la protestation. Ni ce qui, en revanche, devient de plus en plus évident, à savoir une protestation transversale qui unit la France de la gauche à la droite », selon Il Giornale.

Et le Primato Nazionalede compléter : « Les Gilets Jaunes sont la pure expression du mécontentement populaire : un mouvement apolitique composé de travailleurs de la France profonde, qui doivent utiliser la voiture pour aller travailler et qui ne peuvent se permettre une augmentation des prix du carburant. La révolte pourrait même s’élargir aux agriculteurs (sans sous-estimer les étudiants, une classe sociale influente depuis mai 68) ». Ce qui est particulièrement souligné, toujours selon Il Giornale, c’est que c’est « un mouvement qui a rassemblé tout le monde, sans qu’aucun parti ne puisse mettre la main dessus. Pour la première fois, dans un pays extrêmement polarisé comme la France, les deux âmes du pays se sont unies contre un objectif commun : Emmanuel Macron ».

Les premières définitions élaborées au tout début du mouvement se complètent peu à peu : Il Giornaleapporte d’autres éléments : « C’est une protestation contre le gouvernement et contre le président d’un peuple dont la plus grande partie ne se sent non seulement pas représentée mais même complètement exclue. Et maintenant, ce sentiment a explosé avec une violence à laquelle personne ne s’attendait. Et sûrement même pas la police française qui se retrouve maintenant depuis plusieurs semaines dans le centre d’une capitale complètement retourné par des milliers de manifestants. Et les violences ne tendent pas à diminuer, elles deviennent même de plus en plus féroces ».

Dans un commentaire, un italien explique que le mouvement que l’on connait actuellement en France « est un peu comme le Mouvement des Fourches qu’on a connu il y a quelques années[entre fin 2011 et début 2012, était née une association d’agriculteurs, de bergers, d’éleveurs qui se disait apolitique. Durant l’hiver 2011-2012, le Mouvement des Fourches du Nord au Sud organise des soirées, des grèves et des blocages de routes surtout en Sicile d’où sont parties les protestations qui ensuite se sont répandues au reste du pays notamment grâce à l’adhésion des transporteurs routiers qui ont provoqué la paralysie du transport sur l’ensemble du pays à partir des réserves de carburant – NDT]… l’expression d’une colère plus que d’une revendication politique ». Et ceci résume bien la vision qu’ont les italiens en général des gilets jaunes sans mépris bien au contraire.

Davide Di Stephano, journaliste pour le Primato Nazionaleprésent sur le terrain à Paris évoque les évènements de la capitale avec beaucoup de réalisme. « Le 8 décembre devait représenter le point culminent de cette protestation. Mais cela ne l’a pas été pour deux raisons au moins : la fatiguede ceux qui mènent depuis un mois cette bataille politique très physique et la répression sans précédentde la part des forces de l’ordre françaises. Les gilets jaunes, dont la présence diminue au regard des samedis précédents, étaient 125 000 dans toute la France dont 10 000 à Paris pendant que les policiers étaient 89 000 dont 8 000 pour la seule capitale. Ce n’est pas utile d’avoir fait un master en manifestation de rue pour se rendre compte de la disproportion !

On peut dire que le vrai héros de la journée du 8 décembre a été le ministre de l’Intérieur français – Christophe Castaner. Entre les blindés spéciaux de la gendarmerie pareils à des chars armés, les grenades GLI-F4 avec 25 grammes de TNT, les flash-ball, et les gaz lacrymogènes comme s’il pleuvait, le centre de Paris ressemblait à un théâtre de guerre. Et pour affronter les manifestants, plus que des agents anti-émeute, on aurait dit une armée organisée pour transformer les Champs Elysée en un véritable piège. Postés aux coins des rues donnant accès aux Champs, les escadrons anti-émeute tiraient sur la foule à hauteur de visage même dans les moments de tranquillité relative. Même les journalistes ou les personnes âgées qui manifestaient pacifiquement ont fini sous les coups des flash-ball et les gaz lacrymogènes ». (Il Primato Nazionale– 10 décembre 2018).

Toujours selon le journaliste du Primato Nazionalele fait qu’il y ait eu si peu de « contact physique » avec les forces de l’ordre – plus des tirs de dispersions que des charges – « a rendu la manifestation plus chaotique évitant ainsi l’effet cortège », manière de régler une telle manifestation qu’il qualifie « à la mode d’une dictature sud-américaine ». Pourtant, c’est une image très forte que de voir le peuple français uni chantant ensemble LaMarseillaise, notamment sous l’Arc de Triomphe, et qui a beaucoup marqué la presse italienne. Ce peuple uni face à la répression, aux forces de l’ordre, qui s’entraide dans la dispersion, quand il y a un blessé.

Toutefois, « si dans la matinée aux Champs Elysées, nous avons pu voir la France réelle, la France périphérique, en substance celle des blancs pauvres, dans l’après-midi, depuis les différentes banlieues multiethniques autour de Paris, des centaines de casseurs se sont retrouvés en ville exclusivement pour des actes de vandalisme et pillages de supermarchés et de commerces ». En effet, avec la tombée de la nuit, Davide Di Stephano note bien qu’une fois les gilets jaunes partis, réprimés par les forces de l’ordre, des hordes de racailles se ruent en ville pour piller, casser, voler, et incendier des voitures installant dans la ville un climat d’insécurité et d’émeutes.

Les Gilets jaunes chantent l’hymne italien poing levé sur le péage de Vintimille

Mais les Gilets jaunes ne se limitent pas aux grandes manifestations parisiennes, et organisent aussi beaucoup d’autres actions locales. Ainsi, touchant directement les italiens, les Gilets jaunes ont occupé la barrière de péage de Vintimille, à la frontière franco-italienne. « Dans un mouvement improvisé, mais surtout inattendu, une centaine de gilets jaunes ont rejoint l’Italie en scooter, ce samedi 8 décembre, bloquant la circulation entrant et sortant du pays. Les manifestants, donc, débordent sur le territoire italien occupant la barrière de péage de l’A10 à Vintimille. Une manifestation surement pas autorisée ! Une occupation pour le moment pacifique, bien que quelques fumigènes aient été allumés à des fins de démonstration. La manifestation a provoqué des kilomètres de bouchons dans les deux sens de circulation. Les gilets jaunes passaient les véhicules au compte-gouttes ». (Il Giornale – 8 décembre 2018) Sur le barrage, les manifestants ont chanté La Marseillaise puis Fratelli d’Italia, l’hymne national italien, le poing levé.

Les conseils et souhaits des Italiens aux Gilets jaunes

Enfin, pour les italiens, « à la veille des élections européennes, en cette période de forte transition politique dans le monde entier, ces manifestations sont le symptôme d’une changement profond au sein de l’Union Européenne ». Le Primato Nazionale, lui, se pose cette question : « est-il possible que Macron soit encore plus impopulaire et incapable que la gauche italienne ? » laissant « au peuple européen la tâche ardue de rendre le verdict » !

Ce que tous les journalistes italiens soulignent plus ou moins, c’est que « la limite de ce mouvement est le chaos total qui y règne. Chaos qui fait aussi sa force, si paradoxal soit-il ». « Sur la capacité de tenue et de durée du mouvement, les gilets jaunes français ont déjà atteint un point impensable pour beaucoup de nations européennes (Italie comprise), mais sans un guide politique, et avec un Macron qui va faire des micros concessions pour calmer les ardeurs, il y a tout de même un risque que tout s’effondre ». « Fédérer énergies et personnes dans la batailles est maintenant l’objectif le plus compliqué des gilets jaunes qui, divisés par régions ont annoncé l’ouverture prochaine d’un site officiel du mouvement(www.la-france-en-colere.fr). Dans l’attente de trouver leur ‘Beppe Grillo’ français ![Personnalité italienne de la télévision et du spectacle qui était la personne la plus populaire d’Italie, tant sur internet qu’à la télévision – NDT]» (Il Giornale– 4 décembre 2018).

Le mot de la fin de Salvini :

Hélène Lechat

Crédit photo : breizh-info.com
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