Nous vous proposons ci-dessous un texte d’Ulysse (l’Internaute, pas le navigateur), décapant, à propos des Gilets jaunes, de la droite, de la récupération. Il va y avoir débat !
Les Gilets Jaunes, c’est la révolte immanente dans ce qu’elle a de plus trivial, de plus évident, irréfragable. Elle pue, elle est sale, elle crie, mais elle a pour elle le parfum authentique de ce qui ne se discute pas – précisément parce qu’elle gueule et qu’elle sent très mauvais.
C’est l’inverse de la branlette déconstructionniste soixante-huitarde, cette révolte propre sur elle dont le rêve profond était juste de créer le système théorique lui permettant d’aller emballer des gisquettes dans les dortoirs des facs.
C’est l’inverse de la Manif Pour Tous qui, à 1 million contre 1, arrive à perdre la partie. C’est l’inverse du Front National qui, à force d’avoir raison en acceptant un système qui lui donne a priori tort, finit par avoir tort… de se laisser baiser dans un jeu dont il est le dupe consentant.
Les Gilets Jaunes, c’est la révolte qui ne sait rien d’autre que le fait qu’il manque un euro pour acheter un paquet de clopes, qu’il manque un litre pour arriver jusqu’à la zone industrielle, qu’il manque 100 balles pour réserver le camping ou payer la nounou, qu’il manque toujours, tout le temps, très peu, mais de bien trop, pour vivre décemment dans un monde intégralement obscène. Les Gilets Jaunes, c’est la raison du plus faible qui chie sur les lois du plus fort, qui écoute Johnny en pensant que c’est une sorte d’avant-garde, c’est la France dont le QI à deux chiffres immunise le système vital contre toutes les entourloupes trop complexes, tous les sophismes des fascinateurs de profession et des archontes du diallèle… C’est la révolte qui ne vise aucun Principe plus grand qu’elle, aucune valeur qui la surpasse en ses conditions immanentes, aucun index autre que sa propre survie, et qui, pour la garantir, est prête à démasquer tous les insolents, tous les arrogants, tous les fils de putes qui lui ont faite à l’envers depuis tant d’années.
Et, nous y arrivons désormais, c’est cette partie du peuple qui n’en a strictement rien à foutre d’être dans un régime ou un autre, pourvu que la vie puisse continuer sans devenir un prétexte à taxation systématique et à humiliations quotidiennes. Ces gens à la bile jaune de fureur, ces hommes colères comme on disait jadis, voient que ce système est fini, ce putain de système de merde est fini – que ce régime est foutu, que cette République qui n’a servi que de triste paravent à des Jets privés et des partouzes interraciales sous dorures XVIIème, est désormais bel et bien achevée. Maintenant, c’est la fin, voilà, c’est terminé.
Gros-Jean-Louis et Sabine jettent des pavés sur l’Assemblée. Frank et Denis font cramer le magasin Maserati de l’avenue Kléber comme la supérette de Rachid qui fait son Bif de Raclo rue Marbeuf, et peut-être même qu’ils feront un petit détour par l’Elysée, pour aller chercher ce petit fils de timps qui réclamait qu’on vienne le chercher. Cette lopette imbécile, ce rail de Coke humain, qui traverse la vie comme un jet privé un ciel qui n’est plus qu’une autoroute d’occasion pour novhomme pressé.
Oh ! Pas d’exaltation compagnons… Juste cette lucidité : ce que les partis nationalistes, ce que la droite couille-molle n’a pas compris ni réussi en 50ans, des prolo dégueulasses l’ont compris et accompli en 15 jours.
Pensons-y, compagnons : encore aujourd’hui, ça tergiverse dans les brasseries parisiennes pour qu’Untel ou Untel parvienne à tirer son épingle du Jeu. Jean-Léonard de la Roseraie de Merde pense qu’il tient là sa révolution conservatrice tant attendue. De leur côté, Marie-Amélie et Cyprina Bas-Bleu pressentent un grand besoin d’enracinement dans ce mouvement un peu gauche qui toutefois témoigne d’une détresse qu’il faut entendre. Oh oui, ces gens sont incompriiiiiisss. Les cercles s’animent et les tractations débutent déjà : et si le Général Trou-de-Balle n’avait pas une carte à jouer ? Et si l’Amiral en retraite Edouard de la Vega constituait un parti pour affirmer ce besoin aux prochaines élections ? Ah… C’est pas con ! Et p’têt même qu’on pourrait lancer une nouvelle Revue ? Tiens, oui, pas bête. Ca s’appellerait : Le Besoin de Limites dont nous avons Réellement Besoin pour retrouver Nos Repères qui nous Manquent Tant Aujourd’hui puisque nous sommes un peu perdus dans ce Monde sans Racines livré au Capital prédateur. Ah ouais putain, ça claque Ducon, ça claque…
Vas-y, conserve ma biatch, conserve petite tchoin !
Et j’en passe ! Le collectif On avait raison prépare la constitution d’une nouvelle start-up nation, mais de droite cette fois ! Ah ouais, vraiment pas con… C’est exactement ça. C’est exactement ça…
Qu’il ne faut pas faire.
Ces gens puent la défaite et n’ont pas compris que la seule, l’unique, l’inévitable carte à jouer, ici et maintenant, c’est celle du renversement de régime, qui détruira toutes ces institutions mortes, à commencer par ce système pseudo-représentatif qui n’est que l’alibi démocratisant de la mystification technocratique universelle.
Gros Jean-Louis, quand il balance son pavé, voit plus loin et voit mieux que tous ces champions de calcul qui se sont chiés dessus pendant 40 ans. Il voit plus loin et il voit mieux. Il voit qu’à l’Elysée, ça pétoche de grailler moins, et qu’il faut payer les Gardes deux fois plus pour espérer qu’ils continuent de faire le job.
Alors oui, sans doute, c’est probable, Gros-Jean-Louis va échouer, et tout continuera dans le meilleur des I-mondes impossibles, à ne pas tourner rond, sauf pour les Princes et les Putes des Princes. En attendant, c’est au sein même de ce désir de chaos, que le minuscule, le dérisoire, le presque inapparent espoir d’un redressement du peuple, est venu se loger. Il faut souffler sur la braise, compagnon, et féliciter la vulgarité de n’être que ce qu’elle est, puisque c’est sa faiblesse qui la rend inaccessible aux compromissions de ces élites incapables qui ne l’ont jamais défendue.
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