De Pierre LAVAL je ne connaissais pas grand-chose. La première fois que j’en ai entendu parler ce fut à travers un récit familial :
Un petit bourg des environs de Dinan, été 1944, mes grands-parents sont importunés par les FFI sous prétexte de sympathie pour le régime de Vichy. Des portraits de Pétain et de Laval sont placardés sur leur propriété. Ma grand-mère s’offusque : « Le maréchal, pas de problème, vous pouvez l’afficher si vous voulez ; mais ce Laval surement pas, mettez lui la tête à l’envers. »
Mémoire des gens du peuple et transmission à travers les générations. En tout cas ce personnage m’intéressait personnellement peu et si je connaissais les grandes lignes de la période de Vichy je ne savais rien de plus sur lui. Cependant la parution de sa biographie m’intrigua et je décidai d’en apprendre plus sur ce personnage retors et détesté.
Le livre est une somme de plus de mille pages et est loin de se lire comme un roman, il nécessite du temps et de la persévérance mais à travers lui nous avons toute la narration de la période de l’entre deux guerres à 1945 par un spécialiste de la diplomatie pendant cette période. La lecture nous procure progressivement une appétence et le désir de toujours continuer jusqu’à ces jours fatidiques de l’exécution de Laval.
Car finalement ce personnage fut une des personnes clés de cette période ; il fut député, plusieurs fois ministre et sous un aspect austère voire repoussant mena une politique qui façonna grandement les axes majeurs des choix français. Penser Laval uniquement pendant la période de collaboration était mon erreur de départ.
Le parcours de ce petit auvergnat , fils du peuple , roublard comme un maquignon, qui gravit peu à peu les échelons qui le menèrent de l’extrême gauche de l’échiquier politique, avocat des syndicalistes et des socialistes puis député et ensuite plusieurs fois ministre à travers un parcours de plus en plus droitier jusqu’à la collaboration avec l’Allemagne nazie , s’explique cependant par une constante : son pacifisme , celui des dégoutés de la grande guerre , celui de Jaurès … ce pacifisme qui aveuglé par son essence refusa de voir les évolutions qui se tramaient sur la scène mondiale. Grand défenseur de l’Allemagne acculée aux réparations du traité de Versailles Laval ne vit pas ou ne voulut pas voir que celle qui se dessinait dans ces années terribles entraînerait la perte de l’Europe et sa propre chute.
Le livre se compose de cinq parties :
- la formation de Laval en insistant sur l’esprit de revanche qui le guide , cet esprit étant décliné sur plusieurs fronts : revanche du prolétaire contre les nantis , revanche de celui qui se fait tout seul, du pauvre qui devient riche à millions, revanche du pacifiste sur l’esprit guerrier …
- son ascension louvoyant entre idéologies politiques, gens des milieux de l’argent et les notables.
- l’épreuve du pouvoir entre 1931 et 1935, idiot utile d’Hitler ? ami indéfectible de l’Italie ?
- sa vocation irrémédiablement pacifiste
- la collaboration
Une bibliographie conséquente et l’énumération des sources complètent utilement cette biographie, il y manque à mon avis une synthèse chronologique car si le livre est globalement linéaire il y a aussi de nombreux va et vient qui demanderaient de pouvoir visualiser les statuts de Laval à ces moments distincts.
Donc un millier de pages qui régaleront toute personne désireuse d’en savoir plus sur cette période importante de notre histoire.
Eric Abgraal
Pierre Laval, un mystère français – Renaud Meltz – Perrin – 35€
Crédit photos : DR
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