Le reggae de Jamaïque inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco ! La nouvelle provoque un déferlement d’enthousiasme dans la grande presse. Ses motivations sont pourtant étranges : l’Unesco adoube le reggae parce qu’il est cérébral, socio-politique, sensuel et spirituel…
Adoptée le 17 octobre 2003, la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) part d’une idée louable : préserver la diversité culturelle de l’humanité. Bien entendu, elle s’est livrée à quelques contorsions sémantiques pour concilier manifestations identitaires et politiquement correct. Ainsi, quand elle reconnaît que le patrimoine culturel immatériel est menacé par les « processus de mondialisation et de transformation sociale », elle s’empresse de saluer les mêmes processus en raison des « conditions qu’ils créent pour un dialogue renouvelé entre les communautés » !
Parler de « patrimoine culturel immatériel » est bien beau, mais de quoi s’agit-il ? Pour préciser son concept, l’Unesco a créé une liste officielle, établie par un comité international. Lequel, lors de sa 13e session, vient donc d’inscrire sur sa liste le reggae de la Jamaïque.
Combien de générations ?
Genre musical composite, pas vraiment stabilisé, le reggae est si récent qu’il est encore difficile de distinguer effet de mode et patrimoine culturel. Ce dernier, indique la convention de 2003, est « transmis de génération en génération » (article 2). Le reggae, né voici seulement un demi-siècle, n’a pas vu passer beaucoup de générations. Contrairement à l’uileann piping (cornemuse irlandaise) inscrit précédemment sur la liste de l’Unesco parce qu’il est « fortement ancré dans une tradition qui remonte à plusieurs générations ». Ou au fest-noz, basé sur la pratique collective des danses « traditionnelles » de Bretagne.
Aussi n’est-ce pas pour ses principes intangibles que l’Unesco a inscrit le reggae sur sa liste mais parce que « sa contribution au discours international sur les questions d’injustice, de résistance, d’amour et d’humanité souligne sa nature à la fois cérébrale, socio-politique, sensuelle et spirituelle ». Cette motivation opaque, faite d’un empilement d’adjectifs disparates, témoigne surtout de la difficulté de l’Unesco à trouver une justification présentable à cette inscription certainement facilitée par le fait que la Jamaïque fait partie du comité de sélection.
Illustration : Musicien de reggae [cc] Yardie sur Pixabay
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