En France c’est bien connu (ne riez pas) la presse mainstream est libre et indépendante. Tellement libre et indépendante, que certains journalistes se reconvertissent en porte-parole du ministère de l’Intérieur ! Et qu’une poignée de milliardaires détiennent financièrement à eux seuls la quasi-intégralité de la presse française, qui ne peut compter que sur leur financement et les subventions… étatiques. La boucle est bouclée.
Mais intéressons-nous plutôt au mouvement des Gilets jaunes, et au rôle joué par certains journalistes, rôle que l’on pourrait qualifier d’agent du Gouvernement, tant tout cela manque d’esprit critique.
Des exemples précis ? On en trouve à la pelle.
Ainsi, lorsque le ministre de l’Intérieur communique les chiffres du nombre de manifestants, toute la presse les reprend, sans broncher, sans faire son propre calcul. Au cœur de ce dispositif « indépendant », l’AFP, l’Agence France Presse, cette agence qui évite parfois aux journalistes d’aller sur le terrain et de travailler, se contentant de reprendre ici ou là des dépêches. « Gilets jaunes » : près de 283 000 manifestants en France, selon l’Intérieur, titraient ainsi de nombreux médias au soir de la première mobilisation des Gilets jaunes.
Ainsi, les mêmes journalistes qui sont, à raison, sceptiques lorsqu’ils reçoivent la communication d’un Donald Trump, d’un Vladimir Poutine, ne cherchent même pas à creuser, à obtenir le vrai chiffre (le fameux « selon les manifestants » ou « selon les organisateurs », qui est systématiquement donné lors des manifestations syndicales notamment).
A la télévision ou à la radio, défilent ces agents, d’Alain Duhamel à M. Leclerc sur CNews, chargés systématiquement (par idéologie ?) de défendre l’action gouvernementale…
La presse régionale n’est pas en reste : « Que risquent les gilets jaunes ? », « Que risquez-vous si vous allez manifester ? », « Les Préfets seront intraitables avec les blocages » titraient ainsi une multitude d’organes régionaux, comme pour mettre en garde le citoyen (avez-vous déjà vu la presse vous mettre en garde de manifester à Notre-Dame-des-Landes ou à Nantes, malgré les risques d’émeutes ?), tout en se faisant, à nouveau, le relais de l’État, ce qui, encore une fois, n’est pas le rôle primaire d’un journaliste (à moins de n’être devenu qu’un chargé de communication reprenant les communiqués des Préfectures et des ministères).
La rédaction de LCI elle, se fait porte-parole du ministère de l’Économie, dans un article titré : « Barrages, manifestations… : combien coûte le mouvement des Gilets jaunes à l’économie française ? ».
« Pourquoi les Gilets jaunes haïssent-ils tant les médias ? »
Mais la palme du journaliste « chargé de communication » du Gouvernement revient sans aucun doute à Cyril Simon (le Parisien), qui titre « On a épluché les profils Facebook des porte-paroles des Gilets jaunes ». Cela s’appelle un travail de flic (pas de journaliste) et risque de ne pas réconcilier les Français avec les journalistes du système (ou vus comme en faisant partie). « Parmi les “traces” numériques visibles de Mathieu Blavier, on découvre aussi des “like” en 2016 sur des publications de Marion Maréchal Le Pen contre l’immigration clandestine ou, plus lointaine, sur la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012. » éructe Cyril Simon…
Ou encore : « Parmi les publications aimées, on retrouve plusieurs communiqués ou vidéos issus du compte de Marine Le Pen, ou encore un article du Figaro relatant la décision du Premier ministre autrichien Sebastian Kurz (droite conservatrice alliée à l’extrême droite) de se retirer du pacte de l’ONU sur les migrations. Ce 8 novembre, celui qui se fait appeler “Fly rider” sur Facebook (plus de 30 000 abonnés) expliquait avoir dû changer de photo de profil (un drapeau français actuellement) et “(virer) celle avec la guillotine puisque mon compte était suspendu en attendant que je la vire”. »
Un rapport digne d’un agent le la Stasi
On dirait un agent de la Stasi qui rend son rapport, public, aux commissaires du peuple en charge de prononcer une sanction définitive vis-à-vis d’un horrible social traitre…
Cyril Simon, qui titrait il y a quelques jours : « Journalistes agressés : pourquoi les Gilets jaunes haïssent-ils tant les médias ? ne devrait pas aller chercher plus loin la réponse à sa question…
Les journalistes évoluant dans la presse mainstream, dont une partie est largement formatée dès l’étape de l’école de journalisme (lire “les petits soldats du journalisme” à ce sujet), ne semblent pas (volonté ou manque de moyens ?) pouvoir faire autrement que de reprendre les communiqués de presse des administrations, des ministères, des préfectures, avec un manque d’esprit critique flagrant. Tout en donnant des leçons au monde entier en matière de liberté d’informer.
Le chargé de communication, le chef du syndicat, le porte-parole de telle ou telle organisation ou association y compris représentative que d’elle-même, tous érigés au rang de saints à la divine parole, qui ont fait totalement déconnecter le journaliste du peuple.
Ne cherchez pas plus loin la fracture entre une partie croissante de l’opinion et la presse mainstream, qui plutôt que d’être le porte-étendard (critique) de l’opinion, se retrouve à être considérée (très souvent à raison) comme le porte-drapeau du gouvernement.
Yann Vallerie
Crédit photo : Pixabay (cc)
[cc] Breizh-info.com, 2018, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Une réponse à “Gilets jaunes. Ces journalistes qui jouent un rôle d’agents du gouvernement”
[…] Source : http://www.breizh-info.com/2018/12/01/106884/ces-journalistes-qui-sont-font-porte-paroles-… Auteur : Date de parution : 2018-12-01 05:03:45 […]