Le charme est rompu. Au second tour de l’élection présidentielle (8 mai 2017), Emmanuel Macron l’emportait facilement avec 66,06% des suffrages exprimés. En Bretagne (5), il faisait encore mieux puisqu’il écrasait carrément Marine Le Pen avec 75,87%. Vingt mois plus tard, rien ne va plus.
84% des Français trouvent « justifié » le mouvement des Gilets jaunes
A la question « quel jugement portez-vous sur l’action du président de la République ? », 70% des personnes interrogées émettent un avis défavorable (Ipsos, Le Point, 22 novembre 2018). Avec le mouvement des Gilets jaunes, c’est encore plus net. Réalisé après la manifestation du samedi 24 novembre, un sondage Odoxa-Dentsu consulting pour franceinfo et Le Figaro publié mercredi 28 novembre, 84% des Français trouvent « justifié » le mouvement des Gilets jaunes, soit une progression de sept points par rapport à la semaine précédente. 96% des sympathisants RN, 90% des sympathisants d’extrême gauche, 75% de ceux de droite et même 50% des macronistes soutiennent le mouvement.
Macron. Une descente aux enfers qui s’explique de différentes manières
Certes, une telle descente aux enfers s’explique de différentes manières. D’abord avec la faute politique que fut la suppression de l’ISF – un véritable marqueur qui montrait dans quel camp se situait le nouveau président de la République. Mais si on commence par le commencement, on a le droit de poser la question fondamentale qui semble échapper aux Gilets jaunes. Comment expliquer que les citoyens de la République française – Bretons et autres – aient pu voter pour un banquier, personnage qu’il sait défendre des intérêts ne correspondant pas aux siens ? Le mystère demeure…
« L’avenir de mes filles passe avant celui des ours polaires »
Les Gilets jaunes bretons passent donc à côté de l’essentiel avec leurs déclarations tous azimuts : « Stop aux taxes – racket », « Macron dégage », « C’est tout pour les riches et rien pour nous » (Libération, mardi 20 novembre 2018) ; « Je sais que la banquise est en train de fondre, mais il n’y a pas que la voiture qui pollue. L’avenir de mes filles passe avant celui des ours polaires » (Libération, 17/18 novembre 2018) ; « Nous n’avons reçu la visite d’aucun élu, et cela nous désespère » (Ouest-France, Redon, mardi 20 novembre 2018) ; « L’argent, c’est pas dans nos poches qu’il faut le prendre, c’est dans les poches des politiciens et des patrons » (Presse Océan, mardi 20 novembre 2018) ; « On sait que le peuple ne fera pas bouger les choses, à moins qu’il y ait treize millions de personnes dans la rue. Les grands groupes ont des moyens de pression bien plus importants auprès de l’État » (Ouest-France, Pays de la Loire, mardi 20 novembre 2018) ; « C’est un ras-le-bol général de tout. On en a marre de bosser de plus en plus. Et pour rien. Pour être dans le rouge le 10 du mois ? » (Dimanche Ouest-France, 18 novembre 2018) ; « Les politiques ne nous voient pas. Quand ils sont au pouvoir, ils font des cadeaux à leurs potes et c’est tout » (Le Télégramme, mardi 20 novembre 2018).
« On a mis un banquier au pouvoir. Fallait pas s’attendre à autre chose avec lui. C’est comme si on confiait une cave à un alcoolique ! »
La bonne analyse est fournie par Sandra, 47 ans, qui occupe le rond-point Armor, à l’ouest de Nantes. En arrêt maladie depuis juin, elle se débrouille avec « 480 euros par mois, plus les aides au logement. En tout, j’ai 700 euros pour vivre. Plutôt survivre. » Le loyer de son appartement de Saint-Herblain se monte à 330 euros… Mais cela ne l’empêche pas d’aller au fond des choses à propos de Macron qu’elle déteste : « On a mis un banquier au pouvoir. Fallait pas s’attendre à autre chose avec lui. C’est comme si on confiait une cave à un alcoolique ! » (Ouest-France, Loire-Atlantique, jeudi 22 novembre 2018).
Voilà une analyse concise et percutante qui vaut bien tous les éditoriaux pleurnichards de Jeanne Emmanuelle Hutin. (« Refuser la violence, soutenir la démocratie », Dimanche Ouest-France, 25 novembre 2018).
Bernard Morvan
Crédit photo : Breizh-info.com
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