Pierre-Marie Mallégol est le père d’un des cinq premiers élèves ayant participé à l’aventure que fut la création de la première école Diwan, à Lampaul-Ploudalmézeau en 1977.
A Lampaul-Ploudalmézeau en 1977, face à une éducation nationale qui bloque toute avancée de l’enseignement du breton, une poignée de militants déterminés décident de créer un embryon de ce qui finira par devenir l’éducation régionale bretonne : ce sera DIWAN, le GERME.
Et il en a fallu du courage et de l’obstination à ceux-là. Presque tout était contre eux: l’Académie bien sûr, les syndicats enseignants, les élus et même les Bretons lamda pour qui le breton faisait partie d’un passé révolu.
40 ans plus tard, le lycée Diwan de Carhaix enregistre les meilleurs résultats au baccalauréat et ses élèves, parfaitement bilingues ou trilingues, sont très recherchés par les entreprises bretonnes.
Professeur des écoles en retraite, Pierre-Marie Mallégol papa de Alan, l’un des cinq premiers élèves de la 1ère école maternelle, narre l’histoire des premières années et de ces bénévoles, un peu utopistes, qui ont œuvré à cette création à la manière d’une épopée, avec ses moments de liesse et ses périodes de découragement. Avec eux, vous partagerez l’aventure d’une renaissance et la fierté de redonner vie à une si belle langue.
C’est cette formidable aventure mais aussi un parcours du combattant que raconte ce livre.
Né en 1941 à Pleyben, Pierre-Marie Mallégol a fréquenté l’école publique du hameau de Pont-Kéryau. A 16 ans, il rentre à l’école Saint Trémeur de Carhaix-Plouguer…En 1970, il arrive à l’école Sainte Anne de Ploudalmézeau. Le 1er mai 1998, il met fin à sa carrière d’enseignant, alors professeur des écoles.
Il a notamment publié « Miettes de vie, aux portes des Monts d’Arrée » édité par Emgleo Breiz 2009 avant d’écrire « … et les Bretons créèrent Diwan » chez Yoran Embanner 2018.
Nous l’avons interrogé au sujet de cette aventure, qui a ouvert la voie au développement de l’enseignement du breton en Bretagne.
…et les Bretons créèrent…DIWAN – Pierre-Marie Mallégol – Yoran Embanner – 13€ (à commander ici)
Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a fait prendre la décision d’inscrire votre enfant à l’école Diwan, la première du nom.
Pierre-Marie Mallégol : Nous étions en 1977. Des parents courageux se démènaient, depuis longtemps, dans les écoles et les associations pour que la langue bretonne survive. Nous étions conscients que cet enseignement devait évoluer pour que les enfants soient bilingues dès la maternelle. Ce résultat ne pouvait être obtenu que par une structure en breton.
Au début, nous pensions créer un Centre bretonnant de la petite enfance. Très vite, nous avons opté pour une école dès la maternelle.
Breizh-info.com : N’aviez-vous pas peur concernant l’instruction de votre enfant ?
Pierre-Marie Mallégol : Je n’ai jamais « eu peur » pour l’instruction de mes enfants. Dès leur jeune âge, tous les enfants sont formatés pour apprendre, rapidement, plusieurs langues.
Breizh-info.com : Il semblerait que l’ouverture de cette première école Diwan ait été un parcours du combattant. Expliquez-nous …
Pierre-Marie Mallégol : Nous voulions créer une école laïque et gratuite. Malgré les articles parus dans la presse locale, seulement 5 familles ont progressivement adhéré au projet en mai 1977 : c’est peu. Deux enfants sont venus du bourg de Lampaul-Ploudalmézeau et les autres de Ploudalmézeau, Guipronvel et Landéda.
Les premières années, l’investissement de « la plupart » des parents était énorme. La municipalité de Lampaul-Ploudalmézeau a compris nos problèmes et a mis à notre disposition un local attenant à la mairie…. moyennant une modeste location. Sans plus attendre, nous avons voulu le rendre plus accueillant. Un samedi après-midi, Reun est arrivé avec un pot de peinture et moi des pinceaux.
Les enfants installés sommairement, nous avons réfléchi aux activités possibles pour être en mesure de payer l’enseignant. Nous étions en permanence à la recherche de cette manne susceptible de fournir quelque argent. Au début nous vivions de dons . Progressivement, les virements automatiques se sont mis en place.
Durant les Fest-Noz, beaucoup de jeunes versaient des Francs dans la boite Diwan avant d’entrer dans la salle, d’autres étaient allergiques à cette aide, l’affiche Diwan faisait fuir un petit nombre. Les subventions ne viendront que plus tard lorsque Diwan aura étendu sa ramure et fait ses preuves : on ne donne pas aisément aux pauvres. Très vite les artistes ont créé des spectacles pour que nos associations puissent tenir.
Du fait de la croissance constante des écoles, Diwan avait toujours du mal à vivre. Il fallait tenir.
Breizh-info.com : Comment expliquez-vous l’hostilité…des descendants des hussards noirs de la République, vis-à-vis de tout ce qui concernait la langue bretonne ?
Pierre-Marie Mallégol : Le concept de Diwan a été mal compris au début. Pourquoi créer une autre école en breton ? Les plus virulents se retrouvaient assez souvent dans les chorales bretonnes. Le « petit événement survenu à Kemperlé » me semble incompréhensible.
Je dirai simplement que les enfants de la première école Diwan ont fréquenté la cantine de l’école publique de Ridiny à Portsall-Ploudalmézeau.
Breizh-info.com : Aujourd’hui tout ne semble pas si simple pour ouvrir une école, les choses n’ont-elles pas évolué tout de même.
Pierre-Marie Mallégol : Certes, la création d’une école n’est jamais aisée :
– les responsables doivent recruter les enfants,
– avoir des ressources suffisantes pour assurer la bonne marche des classes,
– attendre des années pour espérer la prise en charge des salaires des enseignants.
– lorsque toutes les conditions sont remplies, l’Etat paye quelques enseignants…
Aujourd’hui, il faut que les promesses se traduisent par des avancées significatives : prise en charge totale des salaires des enseignants, accès au Bac en breton, etc…pour que les enseignants puissent travailler dans la sérénité.
Breizh-info.com : Que vous inspire le dernier rapport sur la langue bretonne publié par le conseil régional de Bretagne ?
Pierre-Marie Mallégol : En 2018, le réseau Diwan permet à un peu plus de 4400 enfants de devenir bilingues. Malgré la mobilisation depuis des années, des parlementaires Bretons de toutes les tendances politiques, aucun texte n’est parvenu à aménager le cadre juridique des écoles du réseau Diwan.
Aujourd’hui, c’est dans le développement de l’usage du breton parmi les jeunes que se joue son avenir. Le site de La Région Bretagne « Transmettre la langue bretonne » donne une idée des diverses actions menées : Le breton avant l’école. L’enseignement immersif et bilingue, de la maternelle au lycée. Former les professeurs bilingues. Apprendre à lire et parler breton à tout âge.
Je pense que la langue bretonne doit être soutenue massivement et efficacement pour qu’elle reprenne sa place dans les cours d’écoles. Les classes bilingues devraient s’orienter vers un enseignement immersif. Sur le « bac en breton », le blocage actuel ne peut perdurer.
Breizh-info.com : Si je vous dis, Diwan 2050, que me répondez-vous ?
Pierre-Marie Mallégol : L’école Diwan a fait ses preuves et les autres réseaux suivent. Les Bretons ont assez de ressources pour défendre leur langue, élément essentiel de leur culture. Mais, on ne peut tout demander à l’école : la transmission familiale est très importante. Le chantier est encore pharaonique.
Diwan 2050 sera plus florissante.
Propos recueillis par Yann Vallerie
Crédit photo : DR
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