Chronique de lecture : La philosophie devenue folle, le genre, l’animal, la mort . Par Jean François BRAUNSTEIN. Chez GRASSET
Faut-il vraiment se fier au titre ? Si oui c’est l’une des rares fois où je comprends un livre de philosophie de A à Z ; donc le premier avantage de ce livre est sa lisibilité, mais j’aurais plutôt tendance à le mettre dans la catégorie « sciences sociales » que « philosophie ».
Cette remarque mise à part, le livre se présente comme une somme autour de trois axes de réflexion (cf titre) qui dans un langage extrêmement aisé va nous livrer la genèse de ces trois paradigmes « actuels » que sont le genre, le spécisme et l’euthanasie jusqu’à leur aboutissant nous montrant la dérive de nos sociétés occidentales allant vers finalement notre destruction par perversion de nos valeurs.
Fut un temps où quelqu’un se prenant pour Napoléon était conduit directement à l’asile psychiatrique, aujourd’hui on peut être de sexe masculin, caucasien, d’âge mûr et se présenter dans des forums comme femme, noire, et juvénile en menaçant les personnes qui resteraient sceptiques des tribunaux… Je suis donc ce que je désire être à l’instant où je parle et non pas ce que mes gènes m’ont destiné à être ni surtout ce que mon phénotype indique. Et si une femme décide d’aller dans les toilettes des hommes (hypothèse absurde) c’est parce qu’elle a bien le droit de se sentir homme à cet instant précis ou la miction commande… Nous vivons une époque formidable. A noter que je ne sais pas comment les indigènes de la République se retrouvent avec tous ces caucasiens qui finalement ne le sont pas tant que ça … il faudra m’expliquer … Bref ce n’est pas notre philosophie qui est devenue folle mais bien notre société… Cent vingt pages où l’humour s’allie à hélas un constat glaçant sur ce que nous sommes devenus…
Maintenant si nous allions nous pencher sur le problème des animaux (les pauvres, ils n’ont rien demandé). Partant du postulat que l’homme (ou la femme, ou le trans ou le cis ou le lgbth… voir première partie du livre) est un animal comme les autres (là je serais presque d’accord) on passe progressivement de la proposition de donner certains droits aux animaux (pourquoi pas) à une identification pure et simple de l’animal à l’homme et au mélange abracadabrantesque des droits des uns et des autres … finalement un orang-outan n’aurait-il pas plus de droit qu’un bébé humain qui est bien limité par rapport à lui ? Bref l’homme est égal à l’amibe (vivement une ligue pour le droit des amibes) et si l’on s’occupe des handicapés mentaux pourquoi ne pas donner des droits à des animaux plus intelligents qu’eux ? C’est sensiblement le constat auquel on peut arriver en lisant les délires des nouveaux prêtres de l’animaphilie et même de la zoophilie à laquelle on arrive par extension. Quoi de plus sympathique que de se faire des bisous léchouilles d’amour avec sa partenaire chienne ou plus encore avec des animaux qui une fois de plus n’ont sans doute rien demandé (dilemme ; à trop « aimer » les animaux respecte-t-on encore leurs droits établis en dogmes ?). Bref rien ne nous est épargné dans ces 130 pages ou les théories délirantes des gourous Peter Singer, Donna Haraway et autres sont machiavéliquement analysées. Bref tous et toutes égaux dans le meilleur des mondes psychiatriques possible.
Enfin le dernier point abordé en une centaine de pages à travers la critique de P. Singer est celui de la mode de l’euthanasie qui pour l’auteur à tendance à rimer avec nazi… Au suicide volontaire il oppose la mort assistée par les comités d’éthique ou les institutions qui auraient (pourquoi) le droit de décider de la mort des personnes ou des non personnes (critères de l’acceptation du consentement possible ou non) et de ce qu’est une vie qui vaut d’être vécue ou pas … La qualité de la vie supposée de l’individu doit-elle primer sur la notion de sacralité de toute vie humaine ? Serait-ce le dernier homme au sens nietzschéen qui, ayant oublié les sens de l’existence, voudrait légiférer sur la fin de celle-ci ? Est-ce l’empathie avec la souffrance qui distingue la philosophie nazie de celle de P. Singer ?
Si la fin de vie peut poser problème le début de celle-ci et la thématique de l’infanticide prolongent le débat. Est-ce seulement un tabou ? Et nous revenons alors à la thématique explorée précédemment de l’animalité … Le problème est-il celui de la capacité à s’envisager un futur ? Si oui alors pourquoi ne pas supprimer ceux qui sont incapables de le faire donc a fortiori les bébés et les fœtus qui sont d’ailleurs séparées par une frontière ténue… Donc ces théories délirantes semblent seulement oublier que tuer un bébé, ça ne se fait pas et ça ne se discute pas. Le problème alors posé est celui de la confrontation entre la bioéthique et la morale.
Mais après tout n’est-ce pas la notion de mort qui doit être réinventée en considérant l’apport des sciences, ne serait-elle pas seulement un accident, éventuellement réparable ? Les dernières pages du livre sont absolument époustouflantes quand elles étudient les chemins empruntés par les penseurs bioéthiciens qui vont souvent plus loin que les films gore.
En définitive ne serait-ce pas Orwell qui devrait avoir le mot de la fin « Il faudrait être un intellectuel pour croire une chose pareille : quelqu’un d’ordinaire ne pourrait jamais atteindre une telle jobardise. ». Mais la solution à ces délires ne réside-t-elle pas dans la possibilité de conserver les limites que notre humanisme a créées justement contre les limites imposées par la nature en repoussant toujours celles-ci par ce qui se nomme civilisation et que les déconstructeurs bioéthiciens veulent absolument détruire ?
Donc ce livre, un excellent remède à la connerie ambiante et un support pour des réflexions intenses sur le sens de notre condition humaine, ce qui est l’essence même de la Philosophie. A lire d’urgence ; et , je me répète, il est facile à lire donc n’ hésitez pas à l’acheter.
Eric Abgraal
La philosophie devenue folle, le genre, l’animal, la mort . Par Jean François BRAUNSTEIN. Chez GRASSET (à commander ci-dessous)
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