Pensée par le socialiste Joseph Zimet en charge de la Mission du centenaire de la Grande Guerre, à la ville époux de Madame Rama Yade ancien secrétaire d’État de Nicolas Sarkozy, la cérémonie du 11 novembre 2018 célébrée sous l’Arc de Triomphe laisse une impression de malaise.
D’abord, comment expliquer l’insolite relégation des représentants de la Serbie à l’extérieur de la principale tribune officielle alors que leur pays fut un des artisans majeurs de la victoire après avoir perdu 450.000 combattants tués et 134.000 autres blessés sur une population de 4,5 millions d’habitants ? Sans compter des pertes civiles s’élevant à 800.000 morts…
Ensuite, comment qualifier l’insulte personnelle faite au président Trump, obligé de subir la prestation-provocation de sa compatriote d’origine béninoise, la chanteuse Angélique Kidjo, l’une de ses plus farouches adversaires ? Il est en effet utile de rappeler que cette militante activiste avait manifesté contre son élection au sein de la Women’s March, et qu’elle le qualifie d’homme qui n’a « ni morale, ni valeurs humaines »… Un tel affront diplomatique restera dans les annales…
Enfin, point d’orgue de la grande entreprise de réécriture de l’histoire de France, l’amplification du rôle de l’Afrique durant la Première Guerre mondiale, à travers un message plus que subliminal : les Africains ayant permis la victoire française, leurs descendants ont des droits sur nous et voilà donc pourquoi ils sont chez eux chez nous…
Je répondrai à ce troisième point en reprenant mon communiqué en date du 13 mai 2016 dont le titre était « La France n’a pas gagné la Première guerre mondiale grâce à l’Afrique et aux Africains ».
Laissons en effet parler les chiffres[1] :
1) Effectifs de Français de « souche » (Métropolitains et Français d’outre-mer et des colonies) dans l’armée française
– Durant le premier conflit mondial, 7,8 millions de Français furent mobilisés, soit 20% de la population française totale.
– Parmi ces 7,8 millions de Français, figuraient 73.000 Français d’Algérie, soit 20% de toute la population « pied-noir ».
– Les pertes parmi les Français métropolitains furent de 1.300 000 morts, soit 16,67% des effectifs.
– Les pertes des Français d’Algérie furent de 12.000 morts, soit 16,44% des effectifs.
2) Effectifs africains
– L’Afrique fournit dans son ensemble 407.000 hommes, soit 5,22 % de l’effectif global de l’armée française.
– Sur ces 407.000 hommes, 218.000 étaient originaires du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie).
– Sur ces 218.000 hommes, on comptait 178.000 Algériens, soit 2,28 % de tous les effectifs de l’armée française.
– Les colonies d’Afrique noire dans leur ensemble fournirent quant à elles, 189.000 hommes, soit 2,42% de tous les effectifs de l’armée française.
– Les pertes des Maghrébins combattant dans l’armée française furent de 35.900 hommes, soit 16,47% des effectifs, dont 23.000 Algériens. Les pertes algériennes atteignirent donc 17.98% des effectifs mobilisés ou engagés.
– Les chiffres des pertes au sein des unités composées d’Africains sud-sahariens sont imprécis. L’estimation haute est de 35.000 morts, soit 18,51% des effectifs ; l’estimation basse est de 30.000 morts, soit 15.87%.
Pour importants qu’ils soient, les chiffres des pertes contredisent l’idée-reçue de « chair à canon » africaine. D’ailleurs, en 1917, aucune mutinerie ne se produisit dans les régiments coloniaux, qu’ils fussent composés d’Européens ou d’Africains.
Des Africains ont donc courageusement et même régulièrement héroïquement participé aux combats de la « Grande Guerre ». Gloire à eux !
Cependant, compte tenu des effectifs engagés, il est faux de prétendre qu’ils ont permis à la France de remporter la victoire. Un seul exemple : l’héroïque 2° Corps colonial engagé à Verdun en 1916 était composé de 16 régiments, or, les 2/3 d’entre eux étaient formés de Français mobilisés, dont 10 régiments de Zouaves composés très majoritairement de Français d’Algérie, et du RICM (Régiment d’infanterie coloniale du Maroc), unité alors très majoritairement européenne.
Autre idée-reçue utilisée par les partisans de la culpabilisation et de son corollaire « le grand remplacement » : ce serait grâce aux ressources de l’Afrique que la France fut capable de soutenir l’effort de guerre.
Cette affirmation est également fausse car, durant tout le conflit, la France importa 6 millions de tonnes de marchandises diverses de son Empire et 170 millions du reste du monde.
Conclusion : durant la guerre de 1914-1918, l’Afrique fournit à la France 5,22% de ses soldats et 3,5% de ses importations.
Ces chiffres sont respectables et il n’est naturellement pas question de les oublier ou de les tenir pour secondaires. Prétendre qu’ils furent déterminants est en revanche un mensonge doublé d’une manipulation idéologique.
Bernard Lugan
[1] Les références de ces chiffres sont données dans mon livre Histoire de l’Afrique du Nord des origines à nos jours. Le Rocher, 2016.
Une réponse à “Angélique Kidjo. L’hommage aux « Poilus » dévoyé par l’idéologie dominante”
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