Environ 200 membres de l’Association des Américains Accidentels (AAA), dont le siège est à Paris, mais qui a été fondée à Gourin (56), se sont réunis dimanche 11 novembre. Ils exhortent le président des USA Donald Trump à les exonérer de toutes leurs obligations fiscales américaines et à leur permettre de renoncer à leur citoyenneté américaine sans frais.
Les membres de l’AAA sont venus de toute la France pour assister au rassemblement, qui s’est déroulé au pied de la réplique de la Statue de la Liberté sur l’Ile aux Cygnes à l’ouest de Paris. Elle a coïncidé avec la visite du président Trump dans la capitale française à l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale.
Qui sont les américains accidentels ?
Les américains accidentels. Cette expression fait référence aux citoyens qui, par le hasard de la naissance, ont hérité de la nationalité américaine (par droit du sol ou par filiation) mais qui n’entretiennent aucun contact avec les États-Unis. Ils n’y ont jamais habité, travaillé ou étudié. Ils ne possèdent bien souvent pas de numéro de sécurité sociale américain.
Créée en avril 2017 à l’initiative de Fabien Lehagre, son président, l’association a pour objet de défendre et représenter les intérêts des personnes de nationalité franco-américaine, qui résident hors des Etats-Unis, contre les effets néfastes de certains pans de la législation américaine à caractère extraterritorial.
Elle se bat plus particulièrement contre l’application en France du Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) et contre le principe de la Citizenship-based taxation (CBT), c’est-à-dire de la taxation basée sur la nationalité. Elle défend tout particulièrement les personnes qui détiennent la nationalité américaine sans en avoir jamais tiré profit et qui se sentent appartenir exclusivement à leur seconde nation, dits américains accidentels.
Tout a débuté en novembre 2014 lorsque Fabien Lehagre, cadre commercial à Paris, né aux Etats-Unis en 1984 et rentré dans l’hexagone avec son père français en 1986, a reçu un courrier de sa banque lui demandant de bien vouloir communiquer son numéro américain d’identification fiscale. Ignorant tout de son statut de contribuable américain, Fabien Lehagre a d’abord cru à une erreur, avant de faire quelques recherches. Il a découvert qu’en vertu de la nationalité américaine, acquise à la naissance par le droit du sol, il était effectivement tenu, comme tout américain dans le monde, de déclarer ses revenus auprès de l’administration fiscale Outre-Atlantique.
C’est alors qu’il a décidé de se battre contre le principe de taxation basée sur la nationalité – que seuls les Etats-Unis et l’Erythrée appliquent – et contre la législation américaine dite FATCA, à caractère extraterritorial, raison de l’empressement des banques françaises à recueillir le numéro d’identification fiscale, Tax identification number (TIN) ou Social security number (SSN).
Les États-Unis sévissent en effet contre les quelques 9 millions d’Américains qui vivent à l’étranger depuis l’adoption de la Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) en 2010, lorsque Barack Obama était à la Maison-Blanche.
Ce n’est que lorsque la FATCA et les nombreux accords bilatéraux qui l’ont mise en œuvre sont entrés en vigueur que les Américains accidentels ont appris qu’ils étaient censés déclarer leurs revenuss auprès de l’Internal Revenue Service (IRS) américain. L’administration américaine leur réclame le paiement d’impôts, alors qu’ils n’ont pas ou très peu vécu aux États-Unis. Depuis 2014, en effet, le Foreign account tax compliance act (Facta), destiné à lutter contre l’évasion fiscale, permet à l’administration fiscale américaine de demander aux banques étrangères des informations sur la situation de leurs clients désignés comme « personnes américaines ».
La plupart sont des binationaux nés aux États-Unis de parents non américains, qui n’ont jamais vécu aux États-Unis depuis leur enfance et qui n’ont pas l’intention d’y retourner. D’autres, dont au moins un des parents est américain, peuvent également être pris dans ce filet même s’ils sont nés en dehors des États-Unis.
Les Américains accidentels ne profitent pas des avantages offerts par les États-Unis. Ils ne détiennent pas de passeport américain dans la plupart des cas. Souvent, ils ne parlent même pas anglais. Mais, ils peuvent perdre toutes leurs économies en arriérés d’impôts et amendes avant de pouvoir renoncer à leur citoyenneté.
L’AAA, première association de ce type au monde, a été créée en 2017 pour faire campagne sur les questions fiscales et de citoyenneté. Elle bénéficie du soutien du Président français Emmanuel Macron, du Parlement européen et du Sénat français. L’Assemblée nationale française publiera prochainement un rapport sur ces questions. Des groupes similaires à l’AAA sont en cours de création dans plusieurs autres pays de l’Union européenne.
« L’AAA a pris un certain nombre d’initiatives officielles pour montrer que FATCA est illégal et injuste, et d’autres sont à venir « , a déclaré Fabien Lehagre, président de l’association. Il s’agit notamment d’une plainte au Conseil d’État français alléguant que FATCA viole les lois européennes sur la protection des données et que les États-Unis ne peuvent pas lui rendre la pareille en vertu des lois américaines sur la protection des données. « Ces problèmes juridiques n’ont cependant pas empêché les accords bilatéraux américains d’inclure une clause de réciprocité, a-t-il ajouté. Si le Conseil d’Etat rejette la plainte, l’association portera l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. L’association portera également plainte contre les banques françaises pour atteinte à la vie privée et discrimination en refusant d’ouvrir de nouveaux comptes pour les Américains accidentels et autres, et de leur vendre des produits financiers.
Compte tenu des récentes remarques du président Trump concernant la suppression de la nationalité américaine en tant que droit du sol, l’AAA espère vivement qu’il acceptera ses exigences en matière de fiscalité et de citoyenneté. « Nous sommes ravis que le Président ait ouvert le débat sur l’acquisition de la citoyenneté américaine en naissant sur le sol américain « , a déclaré Fabien Lehagre, Président de l’AAA.
Nous avons évoqué leur manifestation du 11 novembre 2018, pour interpeller Donald Trump à ce sujet. De retour de cette manifestation, nous avons interrogé Fabien Lehagre, président et fondateur de cette association.
Breizh-info.com : L’association a été fondée à Gourin. Quel attachement particulier a-t-elle avec la Bretagne ?
Fabien Lehagre : En août 2015, j’ai entrepris de fédérer au sein d’un collectif les personnes qui, comme moi, se reconnaissent comme américains accidentels. Puis, souhaitant professionnaliser ce combat, j’ai décidé de créer une association loi 1901, ce qui fût fait en avril 2017. A ce jour, l’Association des américains accidentels compte plus de 650 adhérents et ce nombre ne cesse de croître.
Symbole de l’immigration vers l’Amérique du Nord, où siège une réplique de la statue de la Liberté, il s’avère que Gourin a une très forte concentration d’Américains accidentels.
Breizh-info.com : Pouvez vous revenir sur votre action du 11 novembre à Paris. Avez vous été entendu ?
Fabien Lehagre : Plus de 150 personnes ont répondu présent malgré une météo peu clémente. Quelques médias américains ont annoncé notre rassemblement : Bloomberg, NBC, Politico. C’est déjà une victoire en soi. Quant au Président Donald Trump, je n’ai aucun doute sur le fait qu’il ait été informé de l’existence de notre rassemblement.
Breizh-info.com : Combien de personnes sont dans votre situation en France ? En Europe ?
Fabien Lehagre : Plus de 10.000 en France et plus de 300.000 en Europe selon une étude du Parlement européen.
Breizh-info.com : Vous semblez placer de grands espoirs dans la politique de Donald Trump, pour quelles raisons ?
L’abrogation du FATCA et le passage à la Residence Based Taxation faisaient partie du programme des Républicains à la Présidentielle .
Breizh-info.com : Quelles sont les prochaines actions que vous entendez mener ?
Fabien Lehagre : Nous allons continuer nos actions de lobbying au niveau français et européen. Une mission d’information dont Marc Le Fur est co-rapporteur doit se rendre à Washington en début d’année. Nous espérons capitaliser sur cette visite pour trouver des soutiens côté US.
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